Sanchi, le berceau de la foi bouddhique INDE +

Puis nous reprenons la route, quittant les reliefs vallonnés de Bundi et les paysages paisibles du Rajasthan pour pénétrer plus profondément au cœur de l’Inde centrale vers Sanchi . La transition est progressive, les villages deviennent plus espacés, les teintes des terres changent, plus rouges, plus denses, et les forêts sèches cèdent la place à de vastes étendues cultivées. Nous traversons Bhopal, capitale du Madhya Pradesh, dont le lac supérieur scintille sous le soleil, et où les minarets côtoient les dômes des temples hindous dans une étonnante mosaïque architecturale. Le trafic y est plus dense, les klaxons plus fréquents, les contrastes plus vifs.

Mais notre destination du jour nous entraîne au-delà de cette effervescence urbaine. En quittant Bhopal par la route nord, une atmosphère de calme revient peu à peu. Les rizières s’étendent jusqu’à l’horizon, les buffles paissent lentement dans les marécages, et quelques hérons blancs prennent leur envol au passage de notre véhicule. Une quarantaine de kilomètres plus loin, Sanchi apparaît, perchée sur une colline verdoyante qui domine les alentours.

Ce lieu paisible, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, dégage une force tranquille, presque méditative. À mesure que l’on grimpe le sentier pavé menant aux stupas, le vacarme du monde s’estompe. Le vent souffle doucement entre les arbres, faisant bruisser les feuilles de neem et les branches des acacias. Puis, soudain, il est là : le Grand Stupa de Sanchi, monumental, majestueux, enveloppé dans une aura de sagesse millénaire.

Construit au IIIe siècle avant notre ère par l’empereur Ashoka, fervent promoteur du bouddhisme, le stupa abrite des reliques du Bouddha. Il se dresse tel un symbole de paix universelle. Son dôme hémisphérique repose sur une large base circulaire, et les quatre portails (toranas) sculptés qui l’encerclent, orientés vers les quatre points cardinaux, sont de véritables chefs-d’œuvre. Chaque pilier est orné de scènes de la vie du Bouddha, représentées avec une finesse et une vitalité qui impressionnent encore aujourd’hui. On y voit des cortèges d’éléphants, des arbres vénérés, des dévots en prière, des chevaux et des lions, le tout racontant une spiritualité sans dogme, empreinte de simplicité et de compassion.

En déambulant autour du stupa dans le sens des aiguilles d’une montre — comme le veut la tradition — nous croisons des moines en robe safran, des pèlerins venus du Sri Lanka ou de Birmanie, mais aussi des écoliers indiens, venus apprendre l’histoire de ce lieu fondateur. D’autres monuments nous attendent sur la colline : de plus petits stupas, des monastères en ruine, des piliers érigés, dont l’un encore intact porte une inscription d’Ashoka gravée dans la pierre.

Sanchi n’est pas un site figé : c’est un lieu de recueillement, de transmission, de paix. Ici, l’histoire et la spiritualité se conjuguent dans le silence des pierres et la douceur de la lumière. Le contraste avec les forts guerriers du Rajasthan est saisissant. Après la grandeur belliqueuse de Chittorgarh ou la noblesse romantique d’Udaipur, Sanchi nous offre un temps de suspension, une pause intérieure dans notre voyage à travers l’Inde.

Les stupas de Sanchi

  À Sanchi, la visite des stupas s’impose naturellement, tant ils dominent le paysage et incarnent l’essence même de ce haut lieu spirituel. Dès notre arrivée au sommet de la colline, le regard est irrésistiblement attiré par le Grand Stupa (Stupa n°1), chef-d’œuvre de l’art bouddhique ancien. Nous nous en approchons à pas lents, presque recueillis, saisis par la puissance tranquille qui émane de cette masse de pierre parfaitement circulaire.

Construit à l’origine par l’empereur Ashoka au IIIe siècle avant notre ère, puis agrandi au Ier siècle avant notre ère, le stupa n’est pas seulement un monument : c’est une reliquaire sacré, renfermant les cendres du Bouddha ou de ses grands disciples, selon la tradition. Il ne faut pas chercher de porte ni de salle intérieure : le stupa se contemple de l’extérieur, dans une marche rituelle appelée pradakshina, que nous effectuons comme les pèlerins depuis deux mille ans, dans le sens des aiguilles d’une montre.

Ce qui frappe immédiatement, ce sont les quatre portiques monumentaux, ou toranas, ajoutés à l’époque des Satavahanas. Ils sont richement sculptés dans un grès pâle qui prend une teinte dorée sous le soleil. Chacun raconte en images, sans mots, les épisodes de la vie du Bouddha et les jatakas, récits de ses vies antérieures. Les artistes de Sanchi ont su représenter le Bouddha sans jamais le figurer directement : à sa place, un trône vide, une empreinte de pied, un arbre sacré symbolisent sa présence transcendante. La narration est fluide, vivante, peuplée d’animaux, de dévots, de rois et de scènes champêtres, et chaque détail nous plonge dans une autre époque.

À quelques pas de là, nous visitons le Stupa n°2, plus modeste mais plus ancien encore, réputé pour ses bas-reliefs exquis représentant des motifs floraux, des symboles bouddhiques et des scènes naturalistes. Plus loin, le Stupa n°3 attire l’attention par son élégance sobre : il renfermerait les reliques de deux proches disciples du Bouddha, Sariputta et Moggallana.

Autour de ces trois principaux stupas, tout un ensemble de vestiges témoigne de l’ancienne communauté monastique : piliers, temples, sanctuaires, escaliers creusés dans la roche. Le silence règne, ponctué seulement par le vent dans les arbres et le chant des oiseaux. Le site n’a rien de monumental au sens occidental du terme, mais tout ici évoque la profondeur, la paix, l’éternité.

Nous restons un moment, assis sur un muret de pierre, contemplant le stupa nimbé de lumière, tandis que le soleil commence à décliner. Dans cette atmosphère suspendue, il est facile de comprendre pourquoi Sanchi fut choisi pour ériger l’un des plus anciens lieux de pèlerinage bouddhique de l’Inde. Plus qu’une visite, c’est une expérience intérieure, un retour à l’essentiel.

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