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Mami Wata Mère des Eaux Grand Popo Région du Mono BENIN

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Notre immersion dans le mystère de Mami Wata à la Villa Karo à Grand Popo fut une expérience aussi envoûtante que troublante. Voici ce que nous avons vu, entendu et ressenti face à cette déesse aux multiples visages, dont le culte vibre entre fascination et crainte, entre mer et miroirs.

Origine :
Mami Wata, « Mère des Eaux » en pidgin, est une énigme née de la rencontre des vagues. Son origine se perd dans les mémoires liquides de l’Afrique précoloniale, mêlée aux esprits aquatiques yorubas, aux sirènes européennes et aux divinités indiennes. Au musée, une fresque murale la représente émergeant de l’océan Atlantique, un serpent enroulé à la taille, un miroir à la main. « Elle est venue avec les navires négriers, protégeant les esclaves jetés par-dessus bord », nous a-t-on murmuré. Mais d’autres récits disent qu’elle existait bien avant, dans les fleuves du Niger et les lagunes du Bénin, sous le nom de Aziri, « Celle qui possède la richesse ».

Signification :
Mami Wata incarne la dualité absolue. Déesse de la beauté, de la séduction et de la prospérité, elle promet fortune et pouvoir à ceux qui l’honorent. Mais elle est aussi redoutable : ses eaux engloutissent les imprudents, ses caprices ruinent les familles. Au cœur du musée, son autel scintillant de pièces d’or factices et de bouteilles de champagne vide rappelle ce pacte ambigu. « Elle exige tout : votre âme, votre apparence, votre liberté. En échange, elle donne tout… ou rien », explique une plaque. Nous avons observé, fascinés, une statue la représentant avec une queue de poquet couverte d’écailles dorées, tenant un peigne et un serpent — symboles de vanité et de danger.

Culte et rituels :
Le culte de Mami Wata est un spectacle sensoriel. Dans une reconstitution vidéo projetée au musée, des adeptes vêtus de tissus blancs et rouges dansent en transe au bord de l’océan, leurs corps enduits d’huile de palme brillante. Des offrandes de parfums, miroirs, et bijoux sont jetés à la mer. « Pour la séduire, il faut lui ressembler : être beau, parfumé, insaisissable », commente un panneau. Les initiés, souvent des femmes, portent des cheveux longs et des pagnes argentés. Certains racontent avoir fait des rêves où la déesse leur ordonnait de la servir — refuser signifiait la malédiction.

Anecdotes et légendes :
Le miroir qui captura une âme : Le musée expose un miroir du XIXe siècle, bordé de coquillages. La légende dit qu’une jeune femme s’y serait mirée trop longtemps… et aurait disparu, emportée par Mami Wata. Depuis, quiconque s’y regarde plus de trois secondes verrait son reflet cligner des yeux.

Mami Wata et le cinéma : Dans les années 1980, un film nigérian la dépeignit en vampire aquatique. Des adeptes ont intenté un procès, exigeant son interdiction. Le réalisateur aurait mystérieusement perdu la vue — un « avertissement » de la déesse, selon les croyants.

La sirène de Cotonou : En 2015, une sculpture géante de Mami Wata fut installée sur la plage de Fidjrossè. La nuit, des pêcheurs jurent avoir vu ses yeux s’illuminer, guidant (ou égarant) leurs pirogues.

Mami Wata aujourd’hui :
Son influence dépasse les temples voduns. Dans la diaspora, elle est invoquée par des artistes haïtiens, des chamanes brésiliens, et même des féministes qui voient en elle un symbole de puissance féminine indomptée. À la Villa Karo, une installation moderne la montre coiffée d’un casque audio, un smartphone à la main — « Mami Wata 2.0, déesse des réseaux sociaux », ironise l’étiquette. Pourtant, malgré cette modernisation, son essence reste intacte : au fond du musée, un bassin d’eau salée recueille les offrandes des visiteurs. Nous y avons déposé une pièce, sous le regard impassible d’une statue… et juré avoir entendu un rire cristallin monter des profondeurs.

En quittant le musée, l’air semblait plus lourd, chargé du parfum entêtant de l’ylang-ylang — fragrance favorite de la déesse. Mami Wata n’est pas qu’une légende : c’est une présence, un vertige. Elle nous rappelle que les eaux, comme les dieux, ne se domestiquent pas. On ne les prie pas… on pactise avec elles. Et ce pacte, à la Villa Karo, résonne encore dans le clapotis des vagues, tout près, qui murmurent sans cesse son nom.

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