Belur — Le temple de Chennakeshava : dentelle et récit de pierre Inde du Sud +

Nous arrivons à Belur , un arrêt sur notre route vers Hassan, comme on pénètre dans un écrin de pierre, et très vite la cour aérée du temple de Chennakeshava nous impose le silence attentif que réclame la finesse de l’œuvre. Ici, la pierre ne se contente pas d’être support : elle se fait broderie, chaque surface devient écrin pour un détail, une scène, un visage. Le ton est donné dès l’entrée où trône une colonnette en métal dont l’origine reste encore aujourd’hui un petit mystère local, comme une note énigmatique posée au seuil du sacré.
Le temple s’inscrit pleinement dans la grande époque des Hoysala, ces bâtisseurs du XIIᵉ siècle qui trouvèrent dans le plan en étoile la manière la plus inventive d’offrir de la surface à la décoration sculptée. Nous contournons le sanctuaire en suivant le sens des aiguilles d’une montre, et l’effet est presque narratif : à chaque pas, une nouvelle vignette se déploie, une nouvelle frise nous sollicite. Les plinthes du podium forment un long tapis d’éléphants caparaçonnés, tous différents, épris d’une vitalité presque comique lorsqu’ils se disputent, se retournent ou avancent paisiblement. Au-dessus de ces registres inférieurs naissent des scènes épiques tirées du Ramayana et du Mahabharata, des cavalières, des lions, des danseuses, et des groupes minuscules qui peuplent les bandes décoratives intermédiaires — autant de petits théâtres de pierre où la vie humaine et divine se joue à échelle réduite.
L’œil se perd avec douceur dans la galerie de consoles et de madanikas : une quarantaine de jeunes filles pétrifiées dans des postures magnifiques, attitudes de grâce qui demandent du temps pour être appréciées. À la porte d’entrée, les dvarapalas nous surveillent, tandis que Garuda surgit d’un motif de makara et que Narasimha, homme-lion, impose sa présence au-dessus. Près de là, deux madanikas nous touchent par leur intimité : l’une se contemple dans un miroir, l’autre confie ses secrets à un perroquet — gestes simples, vies saisies en un instant. On s’attarde devant la fenêtre ajourée du sud-est où un roi Hoysala, entouré de sa reine et de ses courtisans, accorde audience ; la scène, sculptée avec une minutie de miniaturiste, nous replace face à l’ordre social et cérémoniel d’autrefois.
La profusion des détails réserve des trouvailles pittoresques. Sur la face sud, la représentation de Mohini, forme féminine et enchanteresse de Vishnou, pose le pied sur la tête d’un démon ; à côté d’elle, un lézard et une mouche semblent avoir été ajoutés pour la gourmandise de l’œil, signes d’un art qui ne sacrifie jamais l’observation du monde. L’angle sud-ouest offre la silhouette d’une chasseresse, son arc tendu vers le ciel, vêtue d’un jupon de feuillages — posture et rythme d’une grâce sauvage.
À l’arrière du sanctuaire, les statues de Harihara, Kali, Shiva et Vishnou sous son avatar de Vamana nous rappellent la richesse du panthéon représenté ici ; ces images, tout en solennité, s’intègrent dans le récit iconographique du temple. Un épisode du Mahabharata nous est conté de façon presque ludique : sur une colonne, Arjuna décoche sa flèche pour toucher un poisson placé sur une flaque d’huile — scène qui illustre l’épreuve mythique le menant à la main de Draupadi. D’autres scènes plus discrètes — une jeune fille retirant un scorpion de son vêtement, un joueur de tambour barbu emporté par son rythme — montrent l’attention des sculpteurs aux gestes quotidiens, et rendent la lecture du temple à la fois sérieuse et vive.
Nous pénétrons ensuite dans la salle hypostyle par la porte orientale ; la lumière filtrée par les fenêtres ajourées baigne les colonnes annelées, chaque pilier étant unique, marqué d’un décor différent. Au centre, quatre madanikas tiennent les regards : l’une porte la signature d’un maître — Dasoja — et l’autre, conversant avec son perroquet, incarne une grâce qui semble inépuisable. Le plafond nous attire enfin : un médaillon central, véritable prouesse technique, capte la lumière et concentre l’attention vers le cœur du mandapa.
Le sanctuaire, gardé par ses dvarapalas, abrite la statue de Chennakeshava, forme locale de Vishnou, et même lorsque certaines images originelles ont disparu ou été déplacées, l’ensemble conserve une intégrité et une puissance visuelle qui font de Belur une visite indispensable. Les signatures d’artisans gravées sur certaines sculptures rappellent que, contrairement à d’autres traditions anonymes, ici les créateurs ont laissé leur nom : cela nous rapproche d’eux, rend leur geste plus humain.
En quittant Belur, nous emportons l’impression d’avoir parcouru un livre de pierre où se lisent mythes, gestes quotidiens et petites touches de fantaisie. Il vaut la peine de ralentir, d’approcher la pierre et de laisser nos doigts — sans la toucher directement là où c’est interdit — glisser visuellement sur ces surfaces où l’histoire, la religion et l’art se répondent sans fin.
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