L’ascension du Vésuve par le sentier n°5

Au petit matin, le silence de la Pinède du Tirone est rompu par le bruit rauque de nos pas sur les graviers noirs du Vésuve. Les premiers lacets de l’itinéraire n°5 (« Il Gran Cono ») montent sèchement sur des pentes d’alluvions volcaniques friables. Les 800 premiers mètres de dénivelé (environ +170 m) sont raides et pentus, obligés que nous sommes de nous cramponner aux pierres volcaniques qui glissent sous nos semelles. À chaque virage, le panorama s’élargit : la baie de Naples se révèle peu à peu, avec ses îles Capri, Ischia et Procida étalées au loin. Sous nos yeux, Pompéi et Herculanum dorment encore sous leur linceul de lave, figées dans l’éruption de l’an 79 ap. J.-C. (c’est d’ailleurs de là que date le terme d’« éruption plinienne », d’après le récit qu’en fit Pline le Jeune). L’air est vif ; le vent encore frais charrie l’odeur âcre du soufre. Plus haut, la végétation cède le pas aux sols nus couverts de petites pierres volcaniques grises. Peu à peu s’élève le Grand Cône : à 1 281 m d’altitude (le Vésuve est bien un stratovolcan d’environ 1281 m de haut), son cratère fumant domine désormais la scène.

Une fois arrivés au bord du cratère, l’atmosphère change. La végétation s’y fait rare, balayée par des vents chauds qui exhalent de fines fumées sulfureuses. Le vaste cratère actif (plus de 300 m de profondeur) est d’un rouge sombre et texturé par les coulées solides : on sent sous nos pieds le sol encore tiède, témoin d’une énergie profonde. On distingue de petites fumerolles s’échapper du sol à plusieurs points. Le guide des gardes du parc nous rappelle que l’accès complet au sommet du cône est interdit pour des raisons de sécurité. Dans ce décor minéral, le regard embrasse toute la baie : Naples , le Vésuve et le mont Somma (vestige d’un précédent volcan effondré) dessinent un paysage grandiose, à la fois sauvage et chargé d’histoire. L’effort d’ascension acharné est récompensé par ce spectacle aérien – le cœur du volcan visible à l’œil nu – et par la vue exceptionnelle sur la Méditerranée.

Informations pratiques pour le visiteur

• Accès au Vésuve : Depuis Naples , prendre le train Circumvesuviana jusqu’à la station Ercolano Scavi, puis un bus ou un taxi jusqu’au parking du Parco Nazionale del Vesuvio (environ 1000 m d’altitude), point de départ de la randonnée. En voiture, l’autoroute A1 mène à Torre del Greco, puis une route escarpée jusqu’au parc

• Billetterie et réglementation : L’entrée du Parc national est payante (ticket ~10 € plein tarif, tarif réduit 8 € pour les résidents locaux ou les – de 25 an). L’achat des billets est exclusivement en ligne (pas de billetterie sur place) via le site du parc. L’accès au sentier n°5 (Gran Cono) est strictement régulé : un quota limité de visiteurs est autorisé toutes les dix minutes, et des créneaux horaires fixes doivent être respectés. Les horaires d’ouverture varient selon la saison : en été de 9h à 18h (juillet-août) et en intersaison jusqu’à 16h–17h (p. ex. mars/oct. 9h–16h). En cas d’alerte météo (notamment risques d’intempéries ou d’incendie), l’accès peut être suspendu.

• Dénivelé et durée de la randonnée : Le sentier balisé n°5 relie le parking (1000 m) au bord du cratère (1170 m) en 30–45 min environ, soit un dénivelé positif ~170 m. Compter environ 2 h aller-retour pour la balade complète (aller 200 m D+, retour moins). La montée est bien balisée et assez accessible, mais certains passages escarpés requièrent de l’attention.

• Équipement et conseils : De bonnes chaussures de marche sont indispensables. Même l’été, des vêtements chauds sont conseillés car l’air reste frais près du sommet Prévoyez de l’eau en quantité (il n’y a pas de points d’eau en altitude) et un couvre-chef pour le soleil. On peut trouver cafés et snacks au pied du volcan (près de la billetterie) et une halte-refuge à mi-parcours. Il est interdit de s’écarter des sentiers balisés ou de retourner autour du cratère pour des raisons de sécurité. Des guides locaux (les « volcanologues du parc » ou des accompagnateurs privés) proposent des visites commentées (en anglais ou italien) pour apprendre l’histoire naturelle du site.

• Points de vue : Depuis le sommet, le panorama à 360° embrasse le golfe de Naples (les îles de Capri, Ischia et Procida sont visibles par beau temps), les reliefs des Monti Lattari vers la côte amalfitaine, ainsi que les flancs du Mont Somma. En contrebas, on aperçoit par endroits des vignobles en terrasses (les célèbres vins « Lacryma Christi » proviennent en partie des versants vésuviens). Le cratère lui-même est impressionnant, on entend parfois les grondements lointains du volcan.

• Saisons et dangers : La randonnée peut se faire toute l’année, mais le printemps et l’automne offrent généralement les meilleures conditions météorologiques (ensoleillement agréable et moins de foule). En été, la chaleur et l’ensoleillement demandent prudence. Le sentier est poussiéreux et glissant sur la cendre; il faut prévoir de quoi protéger nez et yeux du vent. Surveillez la météo et partez tôt pour éviter le brouillard ou les nuages qui peuvent couvrir le sommet. Ne vous approchez pas trop des bords chauds ou des zones émissives. Enfin, renseignez-vous sur les tarifs et horaires avant de partir : en 2025, le ticket adulte plein tarif est de 10 €.

Géologie du Vésuve : stratovolcan explosif

Le Vésuve est un stratovolcan composite de type explosif. Il s’est formé il y a environ 17 000 ans dans la dépression de l’ancien Mont Somma effondré. Sa structure est complexe : un cône volcanique central (le Vésuve actuel) repose sur les vestiges d’une caldeira plus ancienne (le Mont Somma), entouré de plusieurs petits cratères satellites. L’arc volcanique campanien auquel il appartient trouve son origine dans la subduction de la plaque africaine sous la plaque eurasienne. Cette collision des plaques entraîne la fonte partielle des roches du manteau, générant des magmas riches en silice. Les laves du Vésuve sont majoritairement d’andésite (53–63 % de SiO₂), ce qui explique la violence de ses éruptions. On trouve aussi des roches plus basiques (téphrites basaltiques) caractérisées par des minéraux comme la plagioclase et la pyroxène.

L’activité volcanique du Vésuve est essentiellement explosive (éruptions pliniennes, stromboliennes et vulcaniennes). L’éruption de 79, par exemple, fut une spectaculaire éruption plinienne avec colonne de cendres atteignant 30 km de hauteur. Aujourd’hui, le volcan est en sommeil, mais il n’est pas éteint. Son cratère demeure actif : on observe en permanence de faibles émissions de vapeur et de gaz (les fumées blanches) au sommet, témoignant d’une activité souterraine. L’Osservatorio Vesuviano (fondé en 1841) surveille 24h/24 l’activité sismique, thermique et géochimique du volcan. Les séismes volcaniques mineurs sont fréquents autour de la caldeira. Plus généralement, l’ensemble de la région est le siège d’une sismicité permanente liée à la subduction en cours (la plaque africaine se rapproche de 2–3 cm par an). Pour parer toute éventualité, les autorités italiennes ont mis en place un plan d’évacuation d’urgence pour les quelque 600 000 habitants de la zone la plus exposée. Le Vésuve reste ainsi un des volcans les plus surveillés au monde.

Grandes éruptions historiques du Vésuve

• 79 apr. J.-C. (éruption de Pompéi/Herculanum) : l’éruption la plus célèbre enterra sous plusieurs mètres de cendres et de pyroclastites les cités romaines de Pompéi, Herculanum, Oplontis et Stabies. Cette catastrophe fit des dizaines de milliers de morts (quelque 16 000 selon certaines estimations). Pline le Jeune a raconté avec précision l’événement dans deux lettres célèbres, décrivant la colonne d’éruption en forme de « pin parasol » et les nuées brûlantes qui ensevelirent les victimes. L’épaisseur des dépôts à Pompéi a atteint 3 m et a magnifiquement conservé les corps et objets antiques, faisant du site une mine d’informations archéologiques.

• 1631 (éruption dévastatrice) : après 475 ans de repos, le Vésuve entra dans une phase meurtrière. L’éruption débuta le 16 décembre 1631, avec un cône de scories se formant puis explosant violemment. Des nuées ardentes et des coulées de cendres déferlèrent sur les villages alentours (Torre del Greco, Ottaviano, et la campagne sud). On dénombre environ 4 000 morts et 6 000 têtes de bétail anéanties. Cette éruption plinienne fut consignée en détail par les témoins de l’époque et suscita une grande peur dans tout le royaume de Naples .

• 1906 : l’éruption du 4 avril 1906 fut marquée par l’effondrement partiel du cône central et la formation d’un nouveau cône de scories dans le cratère. Des coulées pyroclastiques descendirent le long des flancs, dévastant à nouveau Torre del Greco et tuant quelques dizaines de personnes (on compte environ 50 morts). Les infrastructures locales furent lourdement endommagées. Cette éruption fit prendre conscience de la nécessité d’une prévention.

• 1944 (dernière éruption) : pendant la Seconde Guerre mondiale, entre le 18 mars et le 7 avril 1944, le Vésuve connut sa dernière phase éruptive. Des fontaines de lave, des coulées fluides et surtout une colonne plinienne (5 km de haut) projetèrent cendres et bombes incandescentes vers l’est. Les villes de San Sebastiano et Massa di Somma furent inondées de lave, et quelques villages du piémont furent ensevelis sous les cendres. L’éruption fit plus de 20 victimes (effondrement de toits sous le poids des cendres) et nécessita l’évacuation d’environ 12 000 personnes. Après 1944, le Vésuve est resté calme, entamant une longue période de repos relative.

Le Vésuve et ses habitants aujourd’hui

Le Vésuve, loin d’être oublié, est aujourd’hui protégé par un Parc national (établi en 1995 sur plus de 8 000 hectares) afin de préserver son patrimoine naturel et culturel. Les flancs du volcan sont réputés pour leur fertilité volcanique : on y trouve des exploitations agricoles prospères (vignobles cultivant des cépages autochtones comme le Piedirosso, pomodorini du Vesuvio, etc.), et même un unique Vignoble de l’Année viendrait renforcer la tradition viticole de la région. La proximité du volcan est perçue avec ambivalence par les Napolitains : il représente à la fois une fierté locale (symbole de Naples et ressource touristique) et une menace mortelle. L’Observatoire du Vésuve, le plus ancien institut volcanologique du monde (depuis 1841), travaille en étroite collaboration avec la protection civile pour surveiller le volcan et organiser des exercices d’évacuation. Néanmoins, un plan officiel prévoit l’évacuation préventive d’environ 600 000 personnes résidant en zone « rouge » en cas d’alerte. Les habitants sont souvent résignés : les études sociologiques notent que, malgré les plans de sécurité, nombreux sont ceux qui refusent de quitter leur maison, par pragmatisme culture. Les autorités et les écoles locales multiplient aujourd’hui les campagnes d’information pour sensibiliser les jeunes au risque vésuvien.

Dans les faits, le Vésuve continue d’attirer chaque année des dizaines de milliers de visiteurs (touristes et Napolitains) fascinés par sa stature mythique. L’ascension du cratère est souvent vécue comme un pèlerinage géologique : elle permet de marcher au bord d’un volcan vivant, où la puissance de la Terre se ressent physiquement. L’odeur soufrée, la rudesse du sentier, et le spectacle des fumaroles au sommet marquent les esprits. Les sentiers ont été stabilisés et balisés, et le parc régional fait la promotion d’un tourisme durable pour minimiser l’impact humain. Ainsi, la relation entre la population et le volcan s’articule aujourd’hui autour d’une cohabitation prudente : on le cultive (terroir agricole, patrimoine archéologique), on l’admire (sites historiques et panorama grandiose), et on le surveille de près. Le géant vésuvien est à la fois un gardien endormi et un rappel constant de la fragilité humaine face aux forces naturelles – mais c’est ce fragile équilibre qui rend l’expérience du Vésuve si saisissante.

🔖 Hashtags :

#NAPLES #Vesuve #AscensionDuVesuve #Volcan #Italie #Voyage #Histoire #Géologie #Nature #Aventure #Pompéi #Herculanum #ParcoNazionaleDelVesuvio #LacrimaChristi #Randonnée #Paysages #Science #Patrimoine #Napoli

VIDEOS

AUTRES ARTICLES SUR L’ITALIE A DISPOSITION :