Bossou et le mont Nimba Nzérékoré Guinée Forestière

L’expédition vers Bossou commence tôt le matin. Après avoir quitté N’Zérékoré, le paysage de la Guinée forestière se dévoile sous une lumière douce, les collines verdoyantes et les plantations de palmiers se succédant au gré de la route. Les villages sont paisibles à cette heure, les habitants vaquant à leurs occupations matinales ; c’est l’heure du départ vers les champs, et les villageois longent la nationale en file indienne.

En arrivant à Lola, l’atmosphère change. La nationale se transforme en piste cahotique et nous pénétrons dans une forêt clairsemée à cause des coupes régulières. Le village de Bossou est encaissé au cœur de majestueuses forêts primaires et secondaires. Les collines environnantes, dont le mont Gban qui les domine, font partie intégrante de la zone protégée des monts Nimba, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Dès qu’on s’approche de Bossou, le massif du mont Nimba, dont le sommet atteint plus de 1 700 mètres, se dresse en arrière-plan, offrant un spectacle saisissant.

Bossou est célèbre dans toute la région pour un groupe de chimpanzés qui y réside depuis plus de vingt ans. Les passionnés de nature viennent donc à Bossou dans l’espoir de partir à la rencontre de ces primates emblématiques. Et c’est bien la raison pour laquelle nous sommes là.

LES CHIMPANZES DE BOSSOU ET L’INSTITUT DE RECHERCHE GOUVERNEMENTAL

Nous sommes chaleureusement accueillis à notre arrivée à l’institut de recherche gouvernemental. Nous avions pris rendez-vous avec Pascal pour organiser cette visite. Il faut en effet les prévenir 72h à l’avance afin qu’ils repèrent le groupe de chimpanzés, facilitant grandement le tracking et leur observation. Pascal nous invite à nous asseoir pour nous expliquer les conditions de visite et nous donner des informations sur ces chimpanzés extraordinaires : le chimpanzé Vérus de Bossou.

Ces primates, uniques en leur genre, montrent une intelligence remarquable et des comportements culturels sophistiqués, en particulier leur utilisation d’outils. Les chimpanzés de Bossou se distinguent par leur habileté à concasser des noix de palmier à huile en utilisant des pierres comme enclume et marteau. Ils créent également des « éponges » avec des feuilles pour absorber l’eau, utilisent des branches pour extraire des fourmis ou du miel, et se servent de bâtons pour récolter des algues ou piler des cœurs de palmier. Ces comportements illustrent une adaptabilité impressionnante et une complexité comportementale qui les rapprochent des humains.

Observer ces chimpanzés en action nous révèle la richesse culturelle de leurs communautés, un trésor à protéger et à étudier. Malheureusement, le chimpanzé d’Afrique de l’Ouest est en danger critique d’extinction, et la Guinée joue un rôle crucial dans leur conservation. Le village de Bossou, situé près des Monts Nimba, est un site prioritaire pour la recherche et la protection de ces primates. Les habitants, appartenant à l’ethnie Manon, considèrent les chimpanzés comme des totems et cohabitent harmonieusement avec eux.

Pour contrer l’isolement génétique des chimpanzés de Bossou, un projet ambitieux de « corridor vert » a été lancé en 1997. Ce corridor, long de 4 kilomètres et large de 300 mètres, vise à reboiser la savane entre Bossou et les Monts Nimba, facilitant ainsi le flux migratoire des chimpanzés. Ce projet, mené en collaboration avec les populations locales, favorise la conservation de la biodiversité tout en offrant des alternatives économiques durables. En impliquant directement les villageois et en éduquant les jeunes générations sur l’importance de la conservation, ce corridor vert se veut bien plus qu’un simple programme de reforestation.

Grâce à des techniques innovantes, telles que l’utilisation d’Hexatubes pour protéger les jeunes arbres, et à un entretien régulier des pare-feux, la régénération naturelle de la forêt est encouragée. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés, le travail continue avec l’appui constant des femmes, des jeunes, des associations villageoises et des ONG locales, dont la contribution est essentielle à la réussite de cette initiative unique de conservation.

Vénérés comme des animaux totems par l’ethnie Manon, les chimpanzés de Bossou incarnent un rare exemple d’harmonie entre les populations locales et les primates. Chaque deuxième vendredi de janvier, les villageois célèbrent une fête en leur honneur. Ce groupe se distingue notamment par son comportement remarquable consistant à concasser des noix de palmier à huile à l’aide d’outils en pierre, une pratique considérée comme la forme la plus sophistiquée d’utilisation d’outils jamais observée en milieu naturel.

Malheureusement, en raison de divers facteurs, notamment les maladies, le groupe de chimpanzés de Bossou a diminué de manière alarmante, passant de 19 individus en 1999 à seulement 5 aujourd’hui. Une des principales raisons est la migration des femelles chimpanzés vers le Mont Nimba où elles trouvent leurs compagnons. C’est pour cette raison qu’un corridor vert a été mis en place afin de rééquilibrer les populations sur les deux zones de Bossou et du Mont Nimba.

LE TRACKING CHIMPANZE

Prévoyez un budget de 500 000 FG par personne pour avoir un guide et vivre cette expérience inoubliable. Bien que le prix puisse sembler élevé, la rencontre avec ces primates est un moment fort que vous garderez en mémoire longtemps. Il est également possible de se loger au centre de recherche.

Nous quittons l’institut avec toutes ces informations en tête et nous engageons avec notre guide sur un petit sentier qui traverse le village de Bossou et gagne rapidement la forêt. Les vues sur les environs sont splendides. Nous marchons sur un petit sentier spongieux, couvert de feuilles et de bois morts au milieu d’une végétation dense et luxuriante.

Très rapidement, en moins d’une demi-heure, nous retrouvons les deux autres trackers qui ont repéré un groupe de chimpanzés. Un jeune chimpanzé nous observe du haut de son arbre. Notre présence ne semble pas lui plaire et il bouge d’arbre en arbre à la recherche de branchages qu’il nous envoie avec précision pour nous faire reculer.

Un peu plus loin, un autre se cache dans les feuillages en hauteur et nous observe plus tranquillement. Manifestement, c’est l’heure de la sieste et nous en voyons allongés sur une branche ou encore assis sur des troncs en hauteur. Nous repérons ensuite le mâle dominant dans un fourré au sol occupé à enlever quelques épines de ses pieds. Il finit par repérer notre présence mais reste calme. Il bâille lentement, laissant apparaître des crocs impressionnants.

Retrouvez le lien vers les vidéos réalisées lors de ce tracking