Garh Palace de Bundi , le rêve peint du Rajasthan INDE +

Depuis les hauteurs solennelles de Chittorgarh, nous prenons la route vers l’est, en direction de Bhopal. Mais avant de rejoindre le cœur du Madhya Pradesh, une halte s’impose dans une ville bien plus discrète, presque secrète : Bundi et le Garh Palace. La route serpente à travers les campagnes rajasthanies, longeant de vastes champs cultivés où le vert tendre du blé laisse parfois place à des carrés florissants de pavots. Leurs capsules rondes et leurs pétales fragiles dansent doucement sous la brise. On croise des charrettes tirées par des bœufs, des puits à balancier, et des villageois en turbans colorés, comme figés dans une Inde éternelle.

À mesure que nous approchons de Bundi, la ville surgit comme une révélation, enchâssée dans une vallée étroite, dominée par une citadelle qui semble en équilibre sur la colline. Le Garh Palace, à la fois majestueux et mélancolique, s’accroche au flanc rocheux comme une vision oubliée. Dès l’entrée, par l’imposante Hathi Pol, la porte des éléphants, nous sommes saisis par la grandeur du lieu. Et pourtant, tout ici semble abandonné au charme du silence et du temps.

Le palais n’a rien de poli ni de parfaitement restauré. Il s’offre à nous brut, authentique. Les herbes folles percent les dalles des cours intérieures. Des racines s’insinuent dans les fissures des murs. Les galeries aux piliers sculptés et les balcons en encorbellement s’enroulent autour de patios baignés de lumière. Et partout, comme un fil conducteur, les fresques.

Certaines sont effacées, d’autres miraculeusement intactes. Le Chitrashala, ou salle des peintures, est le cœur vibrant du Garh Palace.

Ici, sur les murs d’un petit pavillon aux colonnes ouvertes, défilent des scènes de chasse, des parades royales, des épisodes du Ramayana ou du Mahabharata, et de délicates représentations de Krishna entouré de ses gopis. Les couleurs, d’un bleu profond, d’un vert lumineux ou d’un or discret, semblent vibrer encore malgré les siècles. Le style est reconnaissable entre mille : miniature de Bundi, raffinée, dynamique, presque musicale.

En redescendant vers la ville, nous nous laissons guider par les ruelles animées jusqu’au végétable market, véritable théâtre de la vie quotidienne. L’ambiance y est un contraste saisissant avec le calme du palais. Sous des bâches tendues, s’alignent les pyramides de légumes frais : tomates écarlates, choux-fleurs bien ronds, épinards lustrés, aubergines vernissées, et bottes de coriandre qui embaument l’air. Les vendeurs crient leurs prix, les femmes négocient en riant, les enfants courent entre les sacs de jute. Tout autour, les échoppes débordent de paniers en osier, de balances anciennes, de poudre de curcuma et de piments secs. C’est un moment de vraie rencontre avec une Inde populaire, vivante, terrienne.

Le contraste entre le raffinement figé du palais et la vitalité du marché nous marque profondément. À Bundi, l’histoire semble n’avoir jamais quitté les lieux, mais elle cohabite avec un présent vibrant et humble. Nous reprenons ensuite la route vers Bhopal, traversant la frontière invisible entre Rajasthan et Madhya Pradesh, emportant avec nous la mémoire lumineuse de cette halte inattendue, comme un interlude suspendu entre deux mondes.

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