Pommier de Sodome Calotropis procera +
Lors de notre visite au village d’Agbofon, au TOGO nous avons eu l’occasion d’observer un pommier de Sodome, un arbre intrigant et chargé de mystère. Cet arbre, connu sous le nom scientifique de Calotropis procera, est emblématique des régions arides et semi-arides de l’Afrique de l’Ouest, mais on le trouve aussi au Moyen-Orient, notamment dans les oueds.
Son apparence est à la fois fascinante et trompeuse, avec ses grandes feuilles ovales, pouvant atteindre 30 centimètres, et ses fruits globuleux qui ressemblent à de petites pommes vertes ou ovales. Ces fruits, bien que séduisants à première vue, sont parfois comparés à des testicules, ce qui a valu à l’arbre des surnoms tels que « roustonnier » ou « arbre à couilles », attribués par des légionnaires. Les fruits ne sont pas comestibles et contiennent une substance laiteuse hautement toxique.
Le pommier de Sodome est également appelé « arbre à soie » au Sénégal ou « arbre de Satan » au Maroc. Selon les langues locales, il porte différents noms : en arabe dialectal ou berbère, il est nommé « tourza », « torha » ou « torcha » ; chez les Touaregs, « toumfafia » ; en wolof, « peuftan » ; en bambara, « nfogonfogon » ; en somali, « boah » ; et en peulh, « bamamembi ».
L’arbre atteint fréquemment plus de 2 mètres de hauteur, mais peut culminer à 5 mètres. Son tronc, souvent simple et dépourvu de branches inférieures, est recouvert d’une écorce jaunâtre crevassée. Les jeunes feuilles sont couvertes d’un duvet blanc, et toute la plante exsude un latex blanc toxique à la cassure, irritant pour les muqueuses. Au printemps, un phénomène surprenant se produit : les feuilles libèrent un exsudat visqueux et sucré, consommé par les enfants ou utilisé pour sucrer des boissons comme le thé.
Ses fleurs hermaphrodites, pentamères et groupées en cymes, présentent une corolle blanche aux extrémités pourpres ou violettes. Les fruits ovoïdes, de consistance molle, atteignent jusqu’à 10 centimètres et contiennent une pulpe fibreuse enveloppant de nombreuses graines, disséminées par le vent ou les animaux.
Nous avons été particulièrement frappés par la résilience de cet arbre, capable de s’épanouir dans des sols pauvres et sous un soleil de plomb. Il prospère dans les zones sèches, au nord et au sud du Sahara, ainsi qu’en Afrique orientale, en Israël, en Arabie saoudite, en Inde, et même dans certaines régions d’Amérique latine. Tolérant au sel et résistant à la sécheresse, il peuple fréquemment les sols dégradés, signalant parfois une ancienne présence humaine enfouie sous les sables.
Le pommier de Sodome est une ressource polyvalente pour les communautés locales. Par exemple, son écorce et ses rameaux pilés sont traditionnellement utilisés pour faire cailler le lait, une pratique courante dans certaines régions rurales. Son latex, bien que dangereux en raison de ses composés toxiques comme la calotropine, sert également à soigner les plaies des animaux tels que les chameaux et à débarrasser ces derniers de leurs tiques. En revanche, ce même latex a été utilisé dans le passé pour empoisonner les flèches, ce qui témoigne de sa puissance toxique.
Le bois du pommier de Sodome, robuste et résistant aux termites, est utilisé pour fabriquer des huttes, des toits, et même des flotteurs pour la pêche. Les fibres extraites du liber de l’arbre sont très appréciées pour la confection de cordages, de filets de pêche et d’autres produits textiles. Par ailleurs, les fruits secs, une fois calcinés et mélangés à du beurre de karité, deviennent un remède efficace contre la teigne et certaines dermatoses.
Les enfants des environs consomment parfois le sucre formé par l’exsudat des feuilles au printemps, lequel peut également être utilisé pour sucrer du thé ou des tisanes. Enfin, l’arbre attire les abeilles, qui pondent leurs larves dans ses branches creuses, produisant un miel foncé et pâteux au goût prononcé de pain d’épices. Ce miel, récolté avec précaution, est une ressource précieuse pour les communautés locales.
Le pommier de Sodome est ainsi un symbole de la coexistence entre l’homme et la nature dans cette région, où chaque élément du paysage a une signification et une utilité spécifiques. Il incarne la richesse d’un savoir traditionnel transmis de génération en génération, tout en rappelant les dangers liés à son usage imprudent. Une véritable leçon de résilience et d’adaptation dans un environnement difficile.