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Mahabalipuram : trésors sculptés du Tamil Nadu Inde du Sud +

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Nous quittons Madras avant l’aube, embarqués dans la fraîcheur relative d’un matin encore calme en direction de Mahabalipuram. À 6 h 30, la route s’allonge devant nous : en une heure et demie environ la côte se rapproche, la mer commence à briller et, peu à peu, l’horizon se découpe sur la silhouette des premiers rochers. Partir si tôt n’est pas qu’un caprice : c’est la meilleure façon d’échapper à la chaleur, d’avoir les sites pour nous quelques instants, et d’apprécier la lumière rasante qui révèle chaque sculpture.

Mahabalipuram — ou Mamallapuram, nom sous lequel elle figure dans de nombreuses sources — est née en bordure du golfe du Bengale, au cœur du royaume des Pallava. Ce fut un grand port, un point d’échange entre l’Inde du Sud et l’océan Indien, et les monuments qui s’y dressent témoignent d’un âge d’or artistique : sanctuaires rupestres, grottes décorées, temples taillés à même le rocher et bas-reliefs colossaux. Ici, la pierre n’est pas simplement dressée : elle raconte des mythes, des batailles, des sacrifices et la vie quotidienne d’il y a un millénaire.

Nous commençons par arpenter la grande esplanade où s’étale le célèbre bas-relief du “Descente du Gange / Arjuna’s Penance”. La scène, creusée à même la surface rocheuse, semble animée : dieux, animaux, musiciens, et figures humaines s’enchevêtrent dans une fresque vivante. À côté, le “Krishna’s Butter Ball”, ce rocher presque miraculeusement posé sur une pente, nous arrache un sourire, tant la gravité paraît y avoir plié ses règles. Chaque relief, chaque fissure a une histoire qu’un guide local nous narre — les légendes se mêlent aux observations géologiques, et l’ensemble prend une dimension presque sacrée.

Le Shore Temple nous accueille ensuite, perché au bord des vagues. Temple de pierre bordant la mer, il est l’un des exemples les plus anciens et les plus poignants de l’architecture pallava : volumes simples, proportions pures, silhouette qui se découpe sur le bleu de la baie. On y ressent l’empreinte d’un peuple marin et cultivé : les sanctuaires étaient à la fois lieux de culte et signaux pour les marins. En grimpant sur les terrasses basses, nous laissons le sel et le vent nous rafraîchir — et l’idée nous traverse que ces pierres ont été polies autant par le temps que par le va-et-vient des fidèles et des marchands.

La richesse de Mahabalipuram ne tient pas qu’à ses monuments figés : elle vit dans les ateliers des tailleurs de pierre encore en activité. Nous croisons des familles où la sculpture se transmet de génération en génération ; certains ateliers débroussaillent et finissent des blocs, d’autres copient des motifs antiques pour de nouvelles commandes. Voir ces artistes à l’œuvre donne sens à la visite : loin d’être musée, le lieu est une école vivante où la tradition perdure. Les motifs, les patrons et les outils sont souvent strictement hérités, et il est émouvant d’observer la concentration des mains sur le grain du granit.

Mahabalipuram est aussi un village de bord de mer : après la pierre, vient le sel et le goût. Nous nous laissons tenter par un déjeuner de poissons — préparations locales simples, poissons grillés ou currys parfumés au tamarin — savourés en regardant la baie. Le littoral invite au farniente : la plage est large et reposante, et non loin, la baie de Covelong (Kovalam) abrite hôtels et villas où, jadis, les élites de Madras venaient se ressourcer. Quelques grands hôtels longent la côte une dizaine de kilomètres plus au nord, mais ici l’atmosphère reste essentiellement détendue, propice à la promenade et au massage face à la mer.

Côté mythes, Mahabalipuram regorge d’histoires populaires. Le nom même évoque « le grand sacrifice » et la dévotion à Durga : le célèbre relief montrant Durga terrassant Mahishasura (le démon-buffle) nous frappe par la vigueur de la scène — la déesse sur son lion, armée de multiples armes, symbolise la victoire du cosmos sur le chaos. Les guides nous racontent aussi les légendes liées aux rochers : empreintes mythiques, apparitions, récits de marins sauvés — autant de motifs qui tissent la mémoire locale et donnent aux pierres une charge émotionnelle supplémentaire.

Pratiques et conseils sur place : arrivez tôt (d’où notre départ à 6 h 30), portez des chaussures fermes pour grimper sur le rocher, emportez suffisamment d’eau et un chapeau, et prenez le temps d’échanger avec les artisans — ils rendent la visite complète. Si vous disposez d’un peu plus de temps, prolonger la journée côté Covelong pour une pause balnéaire ou un soin ayurvédique est une idée douce pour conclure la matinée.

Mahabalipuram nous laisse ce mélange singulier d’admiration architecturale et de calme côtier : on repart le cœur léger, avec sur les yeux la courbe d’un gopuram, le bruit des vagues et la sensation d’avoir touché, là où mer et pierre se rencontrent, une page vivante de l’histoire du Tamil Nadu.

La Grotte du Tigre : Héritage Pallava au Bord de la Mer

À cinq minutes de route avant d’arriver au cœur de Mahabalipuram, sur la gauche, juste avant l’Idéal Beach Resort, nous bifurquons pour trouver la Grotte du Tigre. L’entrée, discrète et gratuite, s’ouvre sous un bosquet qui sent le sel et la résine des arbres — comme si la mer et la pierre formaient ici un seul et même sanctuaire.

Taillée à même le rocher, la Grotte du Tigre est l’exemple parfait de l’art rupestre pallava : les sculpteurs ont su tirer parti de la silhouette naturelle du promontoire pour créer un porche monumental. Au-dessus de l’entrée, un arc majestueux est dominé par des têtes de tigres rugissantes, hautement stylisées, dont les gueules ouvertes semblent veiller sur l’approche du visiteur. À la base de l’entrée, deux lions dressés — gardiens traditionnels des lieux sacrés — encadrent la porte comme pour dire : ici commence le domaine du divin.

L’intérieur est sobre mais chargé de symboles. Le sanctuaire est dédié à Durga, la forme guerrière et protectrice de la déesse Parvati : on la perçoit dans la posture générale, dans les niches et reliquaires creusés dans la roche, et dans les fragments d’iconographie qui subsistent — armes, monture et traces d’offrandes. À gauche de l’entrée, deux sanctuaires secondaires s’ouvrent sous de belles têtes d’éléphants finement sculptées, rappelant la place centrale des animaux-symboles dans le panthéon hindou et le rôle tutélaire des éléphants dans la royauté et le rituel.

Ce qui frappe, au-delà de la virtuosité technique, c’est la manière dont les artistes pallava ont rendu la pierre “vivante” : les volumes ne sont pas seulement décoratifs, ils participent à une lecture rituelle de l’espace. Les têtes de tigre au fronton, par exemple, ne sont pas un simple ornement exubérant ; elles annoncent la puissance et la férocité de la déesse et marquent une limite symbolique entre le monde profane et l’espace sacré. Les éléphants et les lions, quant à eux, jouent le rôle d’intercesseurs entre humain et divin.

Géologiquement, la grotte est creusée dans le granit côtier — une roche très dure, polie par le vent salin et les siècles. L’action conjointe de l’eau de mer, du vent et des alternances humides-séches a modelé les surfaces, creusant patines et fissures qui ajoutent aujourd’hui au charme dramatique du lieu. C’est aussi la raison pour laquelle la conservation reste délicate : le sel pénètre la pierre, la microbiologie locale colonise les fissures et l’érosion avance lentement.

Sur le plan humain, la Grotte du Tigre vit encore. Nous retrouvons parfois des offrandes récentes — fleurs, petites lampes — déposées par des fidèles ou des visiteurs respectueux. Les guides locaux, souvent agriculteurs ou artisans, racontent des légendes qui lient Durga, les rochers et la mer : récits de tempêtes détournées, d’enfants sauvés et de rois pallava qui vénéraient la déesse avant d’embarquer. Ces traditions orales enrichissent la visite et montrent que le lieu n’appartient pas qu’aux historiens : il est aussi la mémoire vivante d’une communauté.

Conseils pratiques pour la visite : venir tôt le matin ou en fin d’après-midi, quand la lumière rase les sculptures et que l’ombre des arbres permet de mieux lire les volumes. Porter des chaussures solides (le sol est inégal) et respecter les interdictions éventuelles : ne pas grimper sur les sculptures, éviter de poser des autocollants ou de graver son nom, et, si l’on souhaite déposer une offrande, le faire avec discrétion. Prendre des photos est possible et souvent recommandé, mais évitons le flash près des surfaces fragiles.

Enfin, la Grotte du Tigre se découvre idéalement en enchaînant avec le Shore Temple et les bas-reliefs voisins : la même main — la même sensibilité — semble avoir travaillé l’ensemble du littoral, alternant sanctuaire, signal marin et atelier d’artisans. En repartant, le visage tourné vers la baie, nous emportons l’image d’une pierre habitée : à Mahabalipuram, la mer caresse encore les sculptures, et la mémoire d’un royaume s’y lit, tranchante et magnifique, au fil des vagues.

Les Chariots éternels : Voyage au cœur des Rathas du Sud

Nous arrivons sur le site à l’aurore, encore frais de la nuit, les ombres longues des rochers étirant leurs silhouettes sur la terre ocre. Il fait à peine jour — le moment idéal pour arpenter ces monuments monolithes avant que la foule n’arrive et que le soleil ne tape fort sur le granit.

Ici, aux Rathas du Sud, ce que nous contemplons n’est pas de la construction au sens habituel : chaque « temple » est une sculpture architecturale, un édifice dégagé dans la masse même du rocher — un temple « né » de la soustraction — et c’est aux Pallava que l’on doit cette audace. Sous le règne de Narasimhavarman Ier (630–≈668), les sculpteurs de Mamallapuram ont transformé la pierre en récits vivants, copiant parfois en monolithes ce que des temples de bois et de briques avaient jadis élevé.

Marcher parmi ces rathas, c’est se promener dans un atelier géant où la mémoire des outils se lit encore : traces d’outils, plans arrêtés, rochers non achevés qui montrent la main à l’œuvre. À chaque pas, nous percevons la filiation entre l’architecture populaire (toits de chaume, huttes) et la formulation monumentale, comme si les artisans avaient voulu figer en pierre la vie quotidienne et le sacré.

Le ratha de Draupadi (I) — la simplicité qui respire

Le plus petit des sanctuaires nous accueille d’abord par sa pudeur. Sa toiture pyramidale évoque la cabane rurale — une élégante simplicité, presque intime. En style « West Bengal » selon la classification, il s’ouvre à l’ouest par un porche gardé par des dvarapalas. Les parois sont sculptées et l’on découvre, à l’intérieur, une scène dédiée à Durga. Nous lisons la scène comme un théâtre : un fidèle s’apprête à s’offrir — d’après le motif pallava, la mise en scène dramatique d’un homme prêt à se trancher la tête avec son sabre en offrande — geste symbolique fort qui traduit l’extrême dévotion. Autour, des niches présentent d’autres formes de la déesse ; la façade nord offre la représentation la mieux conservée. Face à l’entrée, un bloc isolé a été transformé en lion, monture de Durga, mais laissé volontairement brut à sa base comme pour marquer la différence entre l’œuvre pleine et le travail en cours — un contraste entre la pierre achevée et la pierre encore née.

Le ratha d’Arjuna (II) — finesse et récit

Plus imposant, le sanctuaire d’Arjuna nous séduit par la finesse de ses frises et la complexité de sa silhouette pyramidale. À l’œil, chaque étage se lit comme une rangée d’éléments sculptés — kudus et petites superstructures — signes avant-coureurs de l’architecture dravidienne à venir. Le porche occidental est animé par une frise de nains aux poses expressives, presque comiques, qui rompent la solennité par un souffle de vie.

Les trois côtés du sanctuaire s’ouvrent sur des séries de niches richement sculptées : divinités centrales, figures royales, couples mithuna. Au sud, Shiva apparaît, campé sur Nandi le taureau ; à l’est, Indra, monté sur Airavata l’éléphant, rappelle la diversité des panthéons représentés. Une figure de rishi, escortée de disciples, nous invite à penser l’espace comme lieu d’enseignement autant que de culte. Certaines sculptures, hélas, sont très érodées au nord — signes du temps et des éléments — mais l’ensemble témoigne d’une maîtrise formelle remarquable, d’un sens de la composition qui sait mêler hiératisme et mouvement.

Le ratha de Bhima (III) — l’écho du bouddhisme et de la toiture chaumière

Le ratha de Bhima nous frappe par sa silhouette qui rappelle un toit de chaume : la forme résonne comme une évocation de l’habitat vernaculaire mais projetée en monumental. Les colonnes, joliment adossées à des lions, confèrent une élégance toute classique. Sur la gauche, nous voyons un rocher que les artisans ont volontairement laissé inachevé — un fragment qui aurait dû devenir Garuda, la monture de Vishnu, mais qui reste encore emprisonné dans la pierre : c’est le témoignage poignant du geste interrompu. On devine aussi les solutions techniques — piliers doublés, supports ajoutés — qui ont permis de consolider des parties altérées. Le style bouddhique perçu ici illustre les croisements religieux et esthétiques de l’époque : les formes se nourrissent de traditions multiples.

Le ratha de Dharmaraja (IV) — la majesté du chariot sacré

NAKULA

Nous nous retrouvons bientôt devant le plus monumental du groupe, le ratha de Dharmaraja. Sa base carrée, surmontée d’étages successifs qui s’élèvent en pyramide, impose par sa proportion. Consacré à Brahma mais décoré par une iconographie multiple, il ouvre à l’ouest sur quatre piliers robustes. Aux angles, des blocs en forme de petits chariots portent des reliefs de divinités — Shiva omniprésent, parfois en Ardhanarishvara (forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati), Brahma, Skanda… On y reconnait aussi, gravé dans la pierre, le nom du roi Pallava : Narasimha — inscription précieuse qui ancre l’œuvre dans l’histoire.

Ce qui nous marque, c’est la variation d’état d’achèvement : les parties hautes sont finement ciselées — le travail commencé avec soin — tandis que les assises restent à peine ébauchées, comme si l’œil du sculpteur avait d’abord caressé les cimes pour ensuite descendre. Sur les côtés, des scènes variées — Shiva, Vishnu, Krishna — composent un théâtre théologique riche ; une figure féminine, gracieuse, porte une corbeille de fleurs, rappel de la vie offerte au sanctuaire.

Le ratha de Nakula-Sahadeva (V) — l’ellipse et le silence

Enfin, le ratha de Nakula-Sahadeva, installé sur une base elliptique, tranche par son dépouillement : peu de sculptures, une forme pure qui consacre Indra, le dieu du temps — celui qui crée les conditions, les saisons et le destin. Son sommet évoque la croupe de l’éléphant, monture d’Indra, et l’on remarque sur le flanc la sculpture partielle de l’éléphant, encore mêlée au rocher. Ce sanctuaire, plus sobre, nous offre un temps de pause, comme une respiration après l’exubérance narrative des autres rathas.

Le Mahabharata et la mémoire sculptée

Tout autour de nous, le grand poème épique du Mahabharata résonne : ces monuments ne sont pas de simples architectures, mais des pages sculptées d’un récit partagé. Les rathas portent les noms et les figures des héros — Arjuna, Bhima, Nakula, Sahadeva, Draupadi — comme une chorégraphie pétrifiée des épisodes du Mahabharata : rivalités, serments, sacrifices, victoires, défaites. En parcourant les rathas, nous lisons à voix basse les fragments d’une fresque qui, dans sa totalité, ferait huit fois la longueur de l’Iliade et l’Odyssée réunies — un monument à la narration épique gravé dans la roche.

Ce qui rend la visite encore plus émouvante, c’est la présence permanente des traces d’atelier : parties laissées brutes, ébauches, blocs encore attachés à la masse. On devine l’enchaînement du travail — dégrossir, affiner, ciselure — et la collaboration d’équipes d’artisans. À certains endroits, des surfaces polies contrastent avec des zones rugueuses, et des outils fossilisés dans l’usage marquent la chronologie de l’ouvrage. Nous aimons nous arrêter devant ces « arrêts sur image » : ils racontent la technique autant que le style.

Nous recommandons d’arriver tôt (07h30 est parfait) pour bénéficier d’une lumière rasante qui accentue les volumes et pour profiter d’un calme propice à l’écoute des guides. Porter des chaussures robustes, prévoir de l’eau et chapeau ; respecter les balises et ne pas escalader les sculptures. Si possible, échangez quelques mots avec un sculpteur local : leur savoir-faire, transmis de génération en génération, prolonge la lecture du site.

En nous éloignant, nous éprouvons la gratitude d’avoir vu la pierre « parler » : ces rathas ne sont ni simplement antiques ni simplement ruines — ils sont des voix, des pages, des ateliers vivants. Ils témoignent d’un moment où l’architecture et la sculpture se confondent, où un royaume a su traduire ses mythes et son organisation sociale en formes pérennes. Nous repartons avec l’impression d’avoir effleuré la main des artisans pallava et, par la même, d’avoir touché une part profonde de l’art religieux dravidien.

Sur la route des temples de la colline : rencontre avec les sculpteurs de pierre

Nous ralentissons, attirés par un martèlement régulier qui se propage le long de la route : ce bruit, c’est la vie du village. À Mahäbalipuram, la sculpture sur granit ne dort jamais. À quelques kilomètres du centre, un collège gouvernemental forme une grosse centaine d’étudiants — autant de jeunes mains qui s’initient chaque jour aux gestes ancestraux — et les ateliers jalonnent la route des rathas, au sud du centre. On ne peut les louper : les portes grandes ouvertes laissent voir des bancs de sculpteurs penchés sur d’énormes blocs, des outils alignés, et des copeaux brillants qui scintillent au soleil.

L’oreille s’habitue vite à ces percussions ininterrompues — un rythme cadencé entre burin et maillet — et un bruit plus moderne vient parfois s’y mêler, celui des disqueuses. Partout, on sent une tension entre tradition et commande contemporaine : certains ateliers réalisent de modestes souvenirs pour les visiteurs, mais d’autres débitent des pièces gigantesques destinées à des temples ou à des hôtels de luxe à travers le monde. Nous restons un long moment à observer : gestes précis, postures concentrées, silences de l’effort, éclats de paroles entre maîtres et apprentis.

On trouve aussi des sculpteurs le long de la Shore Temple Road et çà et là en ville. En approchant, nous échangeons quelques mots, prenons des photos seulement avec l’accord des artisans et admirons la réalité matérielle du métier — le granit, la poussière blanche, les plans esquissés au trait, les états d’achèvement qui vont de l’ébauche brute aux surfaces finement ciselées. Ces ateliers ne sont pas seulement des lieux de production : ce sont des ateliers-écoles, des espaces de transmission où se perpétue un savoir-faire à la fois profondément local et très demandé à l’échelle internationale.

Si vous passez par Mahäbalipuram, accordez-leur un temps : rester, regarder, parfois discuter prix et commande, c’est comprendre que derrière chaque ratha se cache une chaîne humaine, patiente et talentueuse. Respectez les espaces de travail, ne touchez pas sans demander, et si le cœur vous en dit, soutenez directement ces artisans — c’est la meilleure manière de prolonger la beauté que nous venons d’admirer.

Les temples de la colline : Mahābalipuram envoûtante

ASCESE D’ARJUNA

Nous pénétrons sur la colline comme on entre dans un livre ancien — lentement, en retenant notre souffle. Le sentier aménagé s’insinue entre des blocs de granit jetés apparemment au hasard, comme si quelque géant avait éparpillé là ses sculptures. Immédiatement, l’échelle change : nous ne sommes plus dans une simple aire archéologique mais au cœur d’un paysage sculptural où la pierre raconte des récits millénaires. La visite commence naturellement par l’Ascèse d’Arjuna, et dès les premiers pas nous comprenons pourquoi ce panneau de 27 mètres de long et 9 mètres de haut est tenu pour un chef-d’œuvre de l’art pallava.

ASCESE D’ARJUNA

Face à cette paroi, nous restons immobiles. La scène de la descente du Gange déroule son théâtre : à gauche du fleuve sculpté, un naga et sa compagne émergent, tandis qu’un ascète — Arjuna lui-même — est figé en posture yogique, une jambe repliée, les mains levées vers le soleil. L’équilibre entre monumentalité et finesse du détail nous saisit : les antilopes, les bergers, les sages, tout y est rendu avec une observation de la nature étonnamment intime — oreilles découpées d’un éléphant, plis du ventre, attitudes d’animaux endormis ou enjoués. Nous sourions devant l’éléphanteau qui, têtu, s’est planté une défense dans la terre, et devant ce chat philosophe dressé en yogi sous la protection des pachydermes. Quelques mètres à droite, une ronde en bosse montre une famille de singes affairés à s’épouiller — petites vies qui animent la fresque.

ASCESE D’ARJUNA

Nous prolongeons notre pas vers le Pancha Pandava Mandapa, tout proche, sanctuaire consacré aux cinq frères du Mahabharata. Le portique, aux piliers reposant sur des bases en forme de lions, impose une sobriété qui tranche avec la luxuriance narrative de l’Ascèse. Ici, l’art pallava se fait architecture domestiquée : il érige des formes que l’œil occidental reconnaît comme « temple », mais toujours avec cette touche d’évidence champêtre et de pudeur sculptée.

BOULE DE BEURRE DE KRISHNA

Non loin de là, le Krishna Mandapa déroule une scène pastorale qui contraste par sa douceur : le mont Govardhana élevé par Krishna pour abriter les bergers. Les artistes ont saisi la vitalité du monde rural — la traite d’un buffle, un pâtre qui joue de la flûte, des gopis portant des jarres — et nous emportent dans une idylle où les dieux partagent la vie des hommes. À mesure que nos regards suivent la composition, nous rencontrons Balarama, des paysans, et même des couples de danseurs : un morceau de vie peinte dans la pierre, simple et chaleureux.

KRISHNA MANDAPA

En suivant le sentier qui longe la falaise, nous tombons sur la fameuse « Boule de beurre de Krishna » — ce rocher sphérique apparemment posé en équilibre invraisemblable sur une pente. On raconte qu’on a essayé de le faire rouler avec sept éléphants sans succès ; l’explication géologique est plus prosaïque, mais la légende ajoute au charme : la pierre tient comme un souvenir du dieu enfant chapardeur, suspendue entre mythe et pesanteur. Nous la photographions, fascinés par son aplomb obstiné.

TRIMURTI CAVE

Plus loin, la Trimurti nous attend, triple sanctuaire où Brahma, Shiva et Vishnou se tiennent côte à côte, veillés par des dvarapalas impressionnants. Cette triade, creusée en profondeur, témoigne de la permanence des schémas religieux — ici, la pierre est devenue temple, et le temple est en même temps une leçon de théologie rendue visible. Devant, une citerne ronde creusée dans le granit a conservé le nom populaire de la « baratte des gopis », image délicieuse d’une dévotion quotidienne.

TRIMURTI CAVE

Le Kotikal Mandapa, sobre et ancien, nous rappelle la figure terrible de Durga : ses dvarapalas singuliers, féminins, gardent l’entrée d’une chapelle qui, par sa rudesse, semble davantage conçue pour le culte que pour l’ostentation. À chaque abri, à chaque renfoncement, nous cherchons les traces du rituel et pressentons les prières qui ont dû résonner là depuis plus d’un millénaire.

Puis nous nous arrêtons devant le groupe des éléphants, une merveille de réalisme : ces pachydermes sculptés, veillés par un singe et un paon, semblent prêts à reprendre leur marche. Le naturel des attitudes — un petit turbulent qui se plante une défense, un autre qui joue — donne à l’ensemble une humanité qui nous touche. Ici, l’art raconte la vie animale avec autant d’affection que les mythes racontent les dieux.

Le ratha de Ganesha nous accueille ensuite : petit sanctuaire monolithe, il montre à quel point ces architectures rupestres imitent les temples à construire, mais en conservant la force d’un bloc unique. Aujourd’hui, il abrite une statue moderne de Ganesha, et l’on ressent la continuité des croyances qui font vivre ces pierres.

VARAHA CAVE

Nous descendons vers la Grotte de Varaha, où la geste de l’avatar sanglier de Vishnou est sculptée avec une force narrative saisissante : Varaha qui soulève la Terre, Vamana qui mesure l’univers — les avatars se succèdent et chaque panneau illustre un épisode fondamental du panthéon. La Gajalakshmi du fond, entourée d’éléphants qui la baignent de lait, offre un point de calme et de beauté au milieu de ces combats divins.

VARAHA CAVE

Un sentier en balcon nous conduit plus haut, vers la Grotte de Ramajuna, consacrée à Shiva avec ses piliers sur lions, et vers le sanctuaire de Mahishasuramardini. Là, Durga, montée sur son lion, transperce le buffle démoniaque : la pierre rend la violence mythique avec un tel mouvement que l’on entend presque le choc de la lance. À proximité, Vishnou allongé sur le serpent Ananta repose, immobile, équilibrant la furie de la déesse par la sérénité du sommeil divin.

Enfin, l’ascension vers le petit temple d’Olakkanatha, perché au sommet, nous offre une vue sur tout le site et la campagne alentour. Les rares vestiges de maçonnerie laissent deviner l’emplacement d’un ancien palais ; un lion en ronde-bosse, intact, nous donne l’échelle des fastes passés. Ce regard sur les plaines nous rappelle que ces rathas et grottes étaient au cœur d’un pouvoir réel — celui des Pallava — et non de simples exercices de dévotion isolés.

En redescendant, nous suivons le chemin qui contourne la colline pour revenir vers les rathas du sud. À chaque pas, le dialogue entre art et paysage nous accompagne : ici la pierre ne s’expose pas pour elle-même, elle raconte, elle protège, elle enseigne. Nous quittons la colline pleinement saisis — non seulement par la maîtrise technique des sculpteurs, mais par la manière dont ces œuvres, en se répondant les unes aux autres, composent une histoire vivante où mythes, pouvoir et vie paysanne se mêlent et nous invitent, encore et encore, à revenir.

Le Temple du Rivage au coucher de soleil

Nous terminons la journée avec la visite du Temple du Rivage, posé face au golfe du Bengale, à l’heure magique où le soleil décline (18h00).
C’est ici que naquit l’architecture indienne, avec le premier exemple de construction maçonnée, une ébauche du futur Kailasanatha de Kanchipuram, édifié quelques années plus tard. Cette innovation majeure est due à Narasimhavarman II, dit Rajasimha (v. 690-715), dernier grand souverain pallava.

Le temple, consacré à Shiva et construit au cours du VIIe siècle, compose un tableau saisissant : un sanctuaire posé sur le sable, avec la mer comme toile de fond.
On y accède en suivant la route partant du Krishna Mandapa vers la mer (400 m). L’entrée se fait par l’ouest : les jambages de la porte subsistent, et les murs autrefois décorés de sculptures divines et royales rappellent la splendeur disparue. Des mandapas et pavillons complétaient jadis l’ensemble.

Le site abrite deux chapelles :

  • La première tournée vers l’ouest, accueillant les rayons du soleil couchant.

  • La seconde, plus vaste, tournée vers l’est, baignée par la lumière de l’aube.

Le temple principal possède sa propre enceinte formant un étroit passage à la manière d’un déambulatoire. Il s’ouvrait à l’est, précédé d’un mât honorifique (dont la base subsiste) et d’un petit gopuram. Dans la salle intérieure repose un lingam de basalte et, sur le mur du fond, apparaît encore — bien qu’érodé — le motif du Somaskanda, une composition emblématique des temples pallavas réunissant Shiva, Parvati et leur fils Skanda.

Le temple secondaire, ouvert à l’ouest, présente une entrée flanquée de dvarapalas et surmontée d’un Nandi. Sa salle abrite un Somaskanda mieux conservé que dans le sanctuaire principal. Entre les deux temples, un relief sculpté dans le roc, protégé par un auvent, montre Vishnou allongé, méditant la prochaine création du monde.

Prévoir environ une heure pour savourer pleinement la visite.

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