Ecureuil terrestre du Cap, Xerus inauris
À Etosha, notre attention est attirée par un petit animal couleur sable qui jaillit du sol comme un ressort puis se fige, droit sur ses pattes, silhouette tendue vers l’horizon. Très vite, nous reconnaissons les signes d’un Ecureuil terrestre du Cap, Xerus inauris : la bande claire qui ourle le flanc, la queue large et aplatie qu’il relève parfois au-dessus de son dos comme un parasol, et surtout cette posture de sentinelle qui trahit un rongeur social habitué aux grands espaces ouverts.
De près, le portrait se précise. Le pelage est court, un peu rêche, nuancé de cannelle et de brun-roux sur le dos, plus pâle sous le ventre, comme lavé par la poussière saline des plaines. La ligne latérale blanche découpe nettement la silhouette quand l’animal s’élance, puis disparaît lorsqu’il se faufile dans son terrier. Les oreilles sont petites, plaquées sur la tête, et les yeux soulignés de traits clairs qui accentuent l’expression vive. Quand il déploie sa queue, elle n’est pas en panache comme chez les écureuils arboricoles, mais aplatie, presque ovale ; dans la lumière implacable d’Etosha, nous le voyons l’utiliser pour se faire de l’ombre — une adaptation élégante aux milieux arides. Les gabarits que nous estimons à l’œil correspondent aux données classiques de l’espèce : une longueur totale qui approche ou dépasse les quarante centimètres, pour une masse autour d’un demi-kilo, avec un dimorphisme sexuel discret.
À Okaukuejo, les comportements confirment l’identification. L’animal alterne de rapides sorties et des plongées soudaines dans un réseau de galeries dont nous devinons l’architecture sous la croûte salée. Autour, d’autres orifices trahissent la présence du groupe. Nous notons les allers-retours vers les zones de sol plus meuble, les fouilles insistantes près des points d’eau, puis les pauses vigilantes, corps dressé, tête oscillant pour balayer l’espace. L’alimentation paraît opportuniste : graines et débris végétaux glanés au sol, mais aussi, à l’occasion, un insecte happé au passage. La sociabilité est implicite mais réelle ; les terriers voisins dessinent une colonie, et les postures de guet semblent se relayer comme dans un rituel bien rodé.
Nous nous interrogeons un instant sur les espèces proches, avant que les détails ne tranchent. La queue aplatie, la bande latérale claire continue et le comportement colonial très marqué nous orientent sans équivoque vers Xerus inauris plutôt que vers d’autres Xerus sympatriques. Rien, dans la morphologie ni dans l’attitude, ne contredit la description nominale ; tout, au contraire, s’y superpose avec une précision rassurante pour l’observateur.
En restant immobiles, nous finissons par percevoir l’autre facette de ce rongeur : son rôle d’architecte discret du paysage. Chaque galerie aère le sol, modifie la circulation de l’eau et des nutriments ; chaque graine oubliée participe à la dispersion végétale ; et, dans la grande chaîne trophique d’Etosha, Xerus inauris est une proie attendue des rapaces et des petits carnivores. Le désert n’est pas qu’un décor : il est un système, et cet écureuil y occupe une place charnière.
Nous repartons avec l’envie d’observer encore, mais aussi avec une discipline nouvelle : garder nos distances, ne rien offrir à manger, ne jamais piétiner une entrée de terrier. La science commence parfois par un pas de côté et beaucoup de silence. Ici, à Etosha, un simple rongeur nous aura rappelé que l’aride est une école de finesse, et que la vie s’y écrit au ras du sol, entre sentinelles de sable et ombres portées de queues-parasols.
Tableau des écureuils d’Afrique — statut d’observation (lieu, pays, contexte)
| Espèce (scientifique) | Nom commun | Répartition principale | Habitat | Statut d’observation (lieu, pays, contexte) |
|---|---|---|---|---|
| Xerus inauris | Écureuil terrestre du Cap | Afrique australe (Namibie, Botswana, Afrique du Sud) | Savanes et semi‑déserts | Okaukuejo, Etosha, Namibie; près d’un point d’eau à Etosha; posture de guet et fouilles coloniales |
| Xerus erythropus | Écureuil fouisseur / Rat palmiste | Afrique subsaharienne (ouest à est) | Zones boisées ouvertes, forêts claires, semi‑déserts | Parc National du Niokolo Koba, Sénégal; terriers peu profonds au lever du jour; écureuil fouisseur (Xerus erythropus) –Parc national de Mole écureuil fouisseur observé aussi sur piste à Mole, Ghana; tolérance au 4×4 |
| Sciurus vulgaris | Écureuil roux (Eurasie) | Europe et parties d’Asie | Forêts tempérées, parcs urbains | Forteresse de Belgrade, Serbie; écureuil roux dans parc urbain; comportement joueur et arboricole |
| Paraxerus cepapi | Smith’s bush squirrel | Afrique australe et centrale | Savane boisée, broussailles | Non observé; présent typiquement en lisières boisées et broussailles |
| Paraxerus palliatus | Red bush squirrel | Afrique de l’Est et australe | Forêts claires et lisières | Non observé; attendu en lisières forestières et zones arbustives |
| Funisciurus pyrropus | Fire‑footed rope squirrel | Afrique de l’Ouest et centrale | Forêts humides et galeries forestières | Non observé; typique des forêts denses et galeries riveraines |
| Heliosciurus rufobrachium | Red‑legged sun squirrel | Afrique de l’Ouest à l’Est | Forêts primaires et secondaires | Non observé; fréquent dans la canopée des forêts secondaires |
| Protoxerus stangeri | African giant squirrel | Forêts d’Afrique de l’Ouest et centrale | Forêts denses, canopée | Non observé; espèce de canopée en forêts humides |
| Funisciurus substriatus | Kintampo rope squirrel | Afrique de l’Ouest | Forêts et lisières | Non observé; attendu en lisières forestières et zones riveraines |
| Paraxerus vexillarius | Swynnerton’s bush squirrel | Afrique centrale | Forêts montagnardes et broussailles | Non observé; typique des forêts montagnardes et broussailles élevées |
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