Anthurium scherzerianum Schott +

En déambulant sous la canopée fraîche du jardin botanique de Tubagua, en république dominicaine un éclat rouge saisissant a soudain accroché notre regard. À mi-ombre, entre deux touffes de fougères arborescentes, se dressait un groupe d’Anthurium scherzerianum Schott, parfois surnommé « fleur flamant », flamboyant comme une poignée de braises dans le sous-bois vert sombre.
Approchés de près, ces anthuriums dévoilaient tout le raffinement de leur architecture : de larges feuilles cordiformes, épaisses, presque vernissées, d’un vert profond, se penchaient en léger parapluie au-dessus du sol ; au centre, jaillissait la spathe écarlate, une bractée cireuse, largement courbée, qui semblait avoir été polie à la cire d’abeille. Mais la véritable curiosité de l’espèce se trouvait au cœur de cette spathe : un spadice spiralé, orange vif, torsadé comme la queue d’un hippocampe. Selon les individus, il s’enroulait une, deux, parfois trois fois, formant une volute presque irréelle dans l’air moite du jardin.
Notre guide nous a expliqué que cette torsion, si caractéristique, est l’un des marqueurs botaniques qui différencient A. scherzerianum de la plupart des autres anthuriums, dont les spadices restent droits. Originaires des forêts brumeuses du Costa Rica et du Panama, ces plantes prospèrent dans la chaleur humide et la pénombre diffuse — exactement le microclimat que recrée le jardin de Tubagua sous ses grands arbres. Le sol y est légèrement acide, riche en humus de feuilles, offrant aux racines aériennes un support à la fois drainant et nourricier.
Sous le soleil filtré, nous avons observé des gouttelettes de rosée qui perlaient encore sur les bractées, révélant une texture délicatement bosselée. Un parfumeur l’aurait peut-être qualifié de note verte et très subtile ; pour nous, c’était plutôt l’odeur douce et feutrée de la terre humide, rehaussée par la sève des arbres proches. De minuscules diptères, attirés par l’inflorescence, tournoyaient autour des spadices ; ce sont eux, dit-on, qui assurent la pollinisation en forêt tropicale.
Au-delà de leur beauté, ces anthuriums ont aussi une dimension historique : le mot scherzerianum honore le botaniste autrichien Karl von Scherzer, et la première description scientifique de l’espèce par Heinrich Schott date de 1857. Depuis, la plante est devenue une vedette des serres horticoles grâce à sa floraison spectaculaire longue de plusieurs mois et à sa relative facilité de culture, pour peu qu’on lui offre chaleur, ombre et hygrométrie élevées.
Avant de poursuivre notre chemin, nous sommes restés quelques minutes immobiles, fascinés par le contraste saisissant entre ce rouge incandescent et le vert presque noir du sous-bois. Dans le bruissement discret des feuilles, on aurait juré que chaque spadice spiralé se déroulait imperceptiblement, comme si la plante cherchait à écrire dans l’air moite un message secret venu du cœur des forêts néotropicales.
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