Lac Enriquillo : le joyau salé de la République dominicaine +

Nous quittons Barahona au petit matin, laissant derrière nous les palmiers agités par les brises marines pour pénétrer dans un paysage bien différent. À mesure que la route serpente vers l’intérieur des terres, la végétation se raréfie, remplacée peu à peu par des cactus candélabres, des buissons secs et des plaines poussiéreuses. Le soleil tape fort, reflété par une croûte blanche qui semble tapisser le sol. C’est le sel, omniprésent, annonçant notre arrivée dans l’une des régions les plus arides et les plus fascinantes de République dominicaine : la dépression du lac Enriquillo.
Ce lac, le plus vaste des Caraïbes, s’étend sur 375 km² (et parfois plus selon les saisons) et constitue une véritable anomalie géologique. Situé à 43 mètres sous le niveau de la mer, il occupe une faille tectonique active, vestige d’un ancien bras de mer qui, il y a des millénaires, reliait cette zone à l’océan. Avec l’érosion, les mouvements tectoniques et un climat de plus en plus sec, cette mer intérieure s’est isolée, formant un lac endoréique (sans débouché vers la mer) devenu hypersalin. Sa salinité, bien que variable, peut atteindre trois fois celle de l’eau de mer, notamment dans les périodes de sécheresse.
Nous arrivons près de ses berges blanchies, bordées de troncs d’arbres morts, recouverts de sel, qui dressent leurs branches fantomatiques au-dessus de l’eau. L’atmosphère est presque lunaire, figée dans une lumière intense et crue. Sur une jetée rudimentaire, un guide local nous attend pour embarquer vers l’île Cabritos, cœur battant de la biodiversité du lac.
Le bateau fend doucement les eaux troubles et laiteuses.
Tout semble silencieux, sauf le clapotis de l’eau contre la coque. Puis l’île émerge, sèche, rocailleuse, couverte de broussailles rases. Pourtant, elle abrite un trésor vivant : deux espèces rares d’iguanes endémiques, que l’on ne trouve nulle part ailleurs.
À peine avons-nous mis pied à terre que des créatures extraordinaires apparaissent entre les rochers : ce sont les iguanes rhinocéros (Cyclura cornuta), ainsi nommés à cause des trois protubérances cornées qu’ils portent sur le museau. Leurs écailles gris cendré, leur crête dorsale et leur longue queue impressionnent. Certains spécimens atteignent 1,20 mètre de long et pèsent jusqu’à 10 kilos. Malgré leur apparence préhistorique, ils sont totalement inoffensifs, herbivores, se nourrissant de feuilles, de fruits de cactus et de plantes désertiques.
Ils cohabitent ici avec une espèce plus petite, l’iguane Ricord (Cyclura ricordi), aux teintes brunes et plus discrètes, menacée d’extinction. Ensemble, ces reptiles jouent un rôle écologique essentiel : ils dispersent les graines, fertilisent le sol et maintiennent un équilibre fragile sur l’île. Ces iguanes sont aujourd’hui protégés par des programmes de conservation, car leurs populations ont longtemps été menacées par la déforestation et les prédateurs introduits.
Nous marchons doucement parmi eux, ébahis par leur calme. Certains prennent le soleil, immobiles comme des statues. D’autres se déplacent lentement à travers les buissons, sans nous prêter attention. L’un d’eux s’arrête face à nous, cligne lentement des yeux, et nous offre un regard presque sage.
Mais l’île Cabritos ne cache pas que des iguanes. Dans les eaux du lac, vivent également des crocodiles américains (Crocodylus acutus), parfois visibles depuis le rivage. Ce sont les seuls crocodiles vivant en eau salée sur l’île d’Hispaniola. Bien que timides, leur présence renforce l’impression de remonter le temps, dans un écosystème isolé et primitif. Nous restons attentifs, scrutant les remous à la surface de l’eau. Par moments, un museau émerge, furtif, avant de disparaître aussi vite dans les profondeurs.
Le retour en bateau se fait dans une lumière dorée, le lac brillant comme une mer figée. En silence, nous observons les dépôts de sel cristallisés, les plages désertes et les rochers sculptés par le vent. Ce lieu, à la fois hostile et enchanteur, semble hors du monde, refuge d’une faune ancestrale qui survit envers et contre tout.
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IGUANE RHINOCEROS Cyclura cornuta
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HOTEL COSTA LARIMAR
Après la traversée chaotique mais inoubliable du Cibao, nos visages encore marqués par la poussière des pistes et les émotions de la route, nous atteignons enfin Barahona, nichée entre les montagnes de la Sierra de Bahoruco et les eaux turquoise de la mer des Caraïbes. Le contraste est saisissant : ici, la lumière devient plus intense, l’air se charge de sel, de chaleur et de douceur. L’atmosphère nous enveloppe comme une promesse de repos.
C’est dans ce décor de bout du monde que nous posons nos valises à l’hôtel Costa Larimar, un grand bâtiment blanc aux volets bleus, légèrement surélevé au-dessus de la mer. Dès l’entrée, un vent doux chargé d’embruns marins nous accueille, accompagné du sourire détendu du personnel. Tout ici invite à ralentir, à relâcher les tensions accumulées sur les routes cabossées de l’intérieur du pays.
Nos chambres, simples mais spacieuses, s’ouvrent sur une grande terrasse avec vue directe sur la mer. Le soleil couchant embrase la surface de l’eau dans un dégradé d’orange et de rose, pendant que les palmiers agitent leurs silhouettes en ombres chinoises. En contrebas, la grande piscine de l’hôtel nous tend les bras, bordée de transats vides et de cocotiers. Un bain rafraîchissant s’impose, accompagné d’un cocktail à base de jus de chinola et de rhum épicé.
Le soir venu, nous dînons au restaurant de l’hôtel, installé sur une terrasse ouverte, avec le ressac comme fond sonore. Au menu : poisson grillé fraîchement pêché, servi avec du riz coco et des bananes plantains croustillantes. Le tout arrosé d’un vin blanc local bien frais. Nos corps, encore fourbus de la route, se détendent peu à peu sous la brise marine.
Une parenthèse entre mer et montagnes
L’hôtel Costa Larimar n’est pas un palace mais un refuge confortable, idéal pour se reconnecter à soi et à la nature environnante. Il sert aussi de point de départ stratégique pour explorer la région de Barahona, encore préservée du tourisme de masse. Ici, la nature règne en maître, entre plages sauvages de galets noirs, forêts tropicales et montagnes abruptes.
Le matin suivant, le lever du soleil nous trouve déjà sur la terrasse, un café noir à la main, face à l’horizon. Le rythme a changé. Plus lent. Plus profond.
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