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Gnou bleu du Serengeti Connochaetes taurinus mearnsi +

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Nous voilà au petit matin, tapis dans l’herbe jaune fauve du Tarangire. Au loin, un troupeau de gnous bleus émerge derrière un bosquet d’acacias épineux, leurs silhouettes massives se découpant sur les premiers rayons du soleil. Nous observons ces bovidés d’allure primitive : ils mesurent environ 1,30 m au garrot et pèsent environ 200 kg en moyenne. Leur corps puissant, soutenu par des pattes élancées, se termine par une longue queue touffue et une crinière sombre. La robe est gris ardoisé à brun foncé, avec quelques rayures verticales sombres sur l’avant du corps, d’où leur nom de « gnous rayés ». Ce large pelage (aux poils courts et grossiers) les protège des arbustes épineux et leur donne un éclat bleu-argenté sous la lumière. Nous notons aussi leur barbe pendante sous la gorge, souvent brun foncé à noire chez la forme nominale, ainsi que leurs cornes épaisses, arquées en demi-cercle vers l’intérieur. Sur ce troupeau, quelques mâles exhibent de grandes cornes impressionnantes (de 40 à 80 cm) utilisées tant pour se défendre que pour batailler lors du rut

Morphologie et apparence

À quelques mètres de nous, la tête massive de l’un d’eux se penche sur l’herbe. Son museau est proéminent et ses petits yeux noirs nous scrutent. Nous remarquons une large crinière dressée le long du cou et du dos, et des oreilles en amande relativement petites. Les gnous bleus ont les sabots larges, adaptés à la course sur terrain varié. Ils peuvent atteindre des pointes de vitesse proches de 80 km/h sur de courtes distances mais surtout, leur endurance est remarquable : leur musculature très développée leur permet de parcourir des dizaines de kilomètres chaque jour en quête de pâturages et d’eau. Nous voyons le troupeau s’étendre loin dans la plaine, et réalisons que ces animaux sont conçus pour la migration : ils vivent généralement en très grands groupes, parfois plusieurs dizaines de milliers d’individus lors des migrations annuelles, un comportement qui maximise leur protection mutuelle contre les prédateurs. Hors migrations, les troupeaux sont plus petits (quelques dizaines d’animaux), mais chacun reste fidèlement solidaire avec les autres.

Comportement social et migration

Au sein du troupeau règne une effervescence feutrée. Les gnous sont très sociables et bruyants : nous entendons des grognements et meuglements réguliers qui maintiennent la cohésion du groupe. Des essais rituels de mœurs ont lieu : quelques mâles s’immobilisent sur leurs pattes antérieures, frappant le sol de leurs sabots et manifestant leur domination par des grognements graves. Lors du rut, chaque mâle établit un petit territoire qu’il défend âprement contre ses rivaux, parfois par de violents combats de cornes et de charges. Les défaites se terminent souvent sans blessures graves : le mâle dominé rompt le combat et s’enfuit, laissant son challenger victorieux. Dans ce troupeau nous remarquons plusieurs harems : chaque mâle tenace est entouré de plusieurs femelles et de leurs jeunes. Les mâles « relégués » restent en marge du groupe, tandis que les femelles et leurs petits forment le cœur du troupeau. Dans le microcosme sauvage du Tarangire, ces interactions complexes nous rappellent combien le comportement social des gnous est fondé sur l’entraide et la hiérarchie.

Les migrations jouent un rôle clé dans la vie du gnou bleu. Bien que nous soyons hors saison des grandes transhumances (qui se déclenchent selon les pluies), il est clair que ces animaux sont nés pour la mobilité : nous voyons à l’horizon le chemin poussiéreux qu’ils emprunteront vers les plaines herbeuses. Deux fois par an, sous l’impulsion des saisons humides, de gigantesques migrations traversent des centaines de kilomètres. Au Tarangire, ce mouvement est typiquement orienté vers l’ouest et vers les zones humides lors de la saison sèche, puis de retour vers l’est (vers les plaines de Simanjiro) pendant la saison des pluies. Cette odyssée permet aux gnous de survivre aux cycles climatiques : en période sèche, l’herbe se raréfie et de nombreux individus (surtout les plus faibles) ne survivent pas à la traversée, comme nous l’avons noté sur les carcasses clairsemées au bord des sentiers

Alimentation

Nous les observons brouter l’herbe courte de la savane. Le gnou bleu est un herbivore quasi-exclusif : il se nourrit avant tout de graminées. Nous voyons certains sujets plus âgés se pencher pour ingérer les pousses les plus tendres là où l’herbe est clairsemée. En saison sèche, ils consommeront aussi les feuilles d’arbustes épineux ou même écorcer les acacias si nécessaire, mais leur préférence pour les herbes est évidente. Ce pâturage constant agit comme un véritable tondeuse naturelle : en broutant, les gnous modèlent la structure des prairies, ce qui profite à d’autres herbivores en ouvrant des zones de pâturage fraîches. Le cirque quotidien de la prise de nourriture se complète de pauses sous les grands baobabs ou à l’ombre d’un acacia pour se reposer aux heures les plus chaudes, comme nous le constatons lorsque le troupeau s’étend à la mi-journée. Les fins de journée sont consacrées à de longues séances de rumination et de repos, préparant déjà la future migration par le gain de forces.

Reproduction et cycle vital

Au sein du silence de la fin d’après-midi, un mâle broute à l’écart puis s’immobilise en dressant son encolure : c’est la période des amours, qui coïncide avec la fin des pluies dans cette région. Les mâles polygynes défendent farouchement leur harem tandis que les autres stagnent à l’arrière. Nous entendons alors les rugissements rauques de dominance : c’est le rituel de l’accouplement. Les mœurs sont brèves : après la gestation de 8 mois, chaque femelle donne naissance à un unique petit (« faon »), le plus souvent camouflé dans la végétation à sa naissance. Nous apercevons une femelle s’éloigner du troupeau, puis revenir seule quelques instants plus tard en tête de cortège. Un nouveau-né – toujours fragile – gambade déjà à ses côtés. L’adulte le laisse prendre le premier lait maternel, puis s’éloigne à nouveau, presque impassible. Très vite, la mère rejoindra le groupe entier pour protéger le jeune. Vers 8 à 12 mois, le faon sera sevré et reprendra peu à peu le rythme du troupeau. Les mâles immatures, eux, demeurent en bande de célibataires jusqu’à leurs deux ans, gagnant peu à peu en assurance et en force avant de se lancer dans la conquête d’un harem.

Prédateurs et menaces

Les gnous adultes imposent le respect : seuls deux grands prédateurs peuvent en venir à bout régulièrement – les lions et les crocodiles du Nil. En bordure des rivières et mares du Tarangire, nous voyons parfois quelques crocs guetter les troupeaux s’abreuver, et plus haut sur les collines des lionnes rousses qui se dissimulent dans les herbes hautes. Les individus plus faibles (jeunes, vieux, malades ou isolés) attirent les hyènes tachetées, les guépards, les léopards ou encore les lycaons. Nous avons justement surpris un petit groupe de hyènes rôdant à distance, attendant une occasion. Le gnou ne fuit pas aveuglément : nous avons vu un mâle dominant charger un intrus avec fracas, usant de ses cornes comme armes. Toutefois, en grand troupeau, la meilleure défense reste la fuite coordonnée : les gnous s’échappent en nuées épaisses, masquant parfois leur cap couleur sable.

Malgré leur grande population (on estime environ 1 550 000 gnous bleus sauvages, chiffre stable), leur avenir n’est pas assuré. L’UICN les classe « préoccupation mineure », mais plusieurs menaces planent sur eux : la perte et la fragmentation de la savane (agriculture, urbanisation), le changement climatique asséchant les points d’eau, ainsi que la pression du braconnage et des maladies transmises par le bétail. Au cours de notre observation, nous ne pouvons ignorer le trafic grandissant en périphérie du parc : de vastes feux de brousse témoignent de la conversion des prairies en cultures. Chaque génération de gnous que nous voyons rappellera-t-elle à ses descendants la vaste migration du Serengeti, ou la progression incontrôlée de la déforestation ? C’est tout l’enjeu de leur survie et de la conservation de leur habitat.

Nous nous demandons alors si ce troupeau appartienne à la sous-espèce Connochaetes taurinus mearnsi (le gnou de Mearn). Cette hypothèse se fonde sur plusieurs observations : d’abord, le Tarangire se situe dans le nord de la Tanzanie, proche du bassin du Serengeti où C. t. mearnsi est autochtone. D’après l’AWF, les immenses hordes du Serengeti-Mara sont précisément C. taurinus mearnsi, la « race à barbe blanche de l’Ouest ». ManimalWorld confirme que C. t. mearnsi occupe le nord de la Tanzanie et le sud du Kenya à l’ouest de la faille du Rift, zones très proches de notre position. De plus, certains individus du troupeau arborent une barbe à dominante claire et un front noir mat, d’autres signes caractéristiques du gnou de Mearn. Par ailleurs, nous constatons que nos spécimens sont plus petits et plus légers que les gnous nominalement « bleus » du sud africain : 1,30–1,42 m au garrot pour 180–225 kg seulement, contre ~1,40–1,50 m et 230–270 kg pour C. t. taurinus. Ce décalage de taille (~10 cm de moins) et de poids (~50 kg de moins) correspond aux données de la sous-espèce mearnsi. Enfin, leurs cornes paraissent moins longues et une queue plus fine, tout comme décrit pour C. t. mearnsi

En comparaison, la forme nominale C. t. taurinus (présente en Afrique australe) a une barbe plus foncée et un corps plus massif. Les critères morphologiques (barbe blanche, taille réduite, cornes plus courtes) ainsi que la géographie des lieux tendent donc à confirmer qu’il s’agit bien de Connochaetes taurinus mearnsi. Nous retiendrons cette identification, cohérente avec notre contexte (forte proximité avec le Serengeti) et les observations sur le terrain.

En nous extasiant devant ce troupeau, nous percevons aussi son rôle d’envergure. Le gnou bleu est un acteur clé de l’écosystème des savanes : en broutant d’immenses superficies de prairie, il régule la biomasse herbacée, prévient la dominance des espèces ligneuses et recycle les nutriments grâce à ses déjections. Sa migration annuelle engendre un cycle de renouvellement des pâturages, assurant la survie de nombreuses espèces (du puku à l’oryx) qui suivent les mêmes parcours. En aval, les grizzlis (prédateurs) et même les charognards comme les vautours ou les hyènes tirent leur sustenance de ce va-et-vient colossal. Nous ressentons à quel point ces gnous sont intégrés au rythme de la savane : leur présence conditionne l’état des prairies et le sort de nombreux prédateurs.

D’où l’urgence de préserver leur habitat. La survie des gnous bleus passe par la conservation des plaines d’herbes et des corridors migratoires. Chaque acre de savane brisée par une route ou une plantation compromet leur cycle. L’engloutissement de zones vitales par l’agriculture ou les sécheresses croissantes menacent également les points d’eau qu’ils fréquentent. En terminant notre journée, tandis que le soleil se couche sur les colosses brun-bleu, nous sommes convaincus que protéger le Tarangire (ainsi que l’ensemble du circuit migratoire Serengeti-Mara) est essentiel non seulement pour ces animaux majestueux, mais pour l’équilibre global de la savane. Les gnous bleus, sentinelles de ce biotope, nous rappellent que leur destinée est liée à celle de tout l’écosystème, et que leur place dans le monde sauvage est précieuse.

🐃 Tableau des sous-espèces de gnou bleu (Connochaetes taurinus)

Sous-espèce Nom commun Répartition principale Caractéristiques distinctives Vos observations
C. t. taurinus Gnou bleu à barbe noire Angola, Namibie, Botswana, Zimbabwe, Mozambique, Afrique du Sud Pelage gris ardoisé uniforme, barbe noire, très grégaire, migrations saisonnières savane de Kissama (Angola) : troupeau libre, barbe noire, comportement grégaire observé
C. t. mearnsi Gnou du Serengeti Serengeti (Tanzanie), Maasai Mara (Kenya), Tarangire NP Barbe blanche, robe contrastée, protagoniste des grandes migrations annuelles Tarangire NP (Tanzanie) : troupeau observé en savane boisée, barbe claire, déplacement en groupe <br> ✅ Ngorongoro Crater (Tanzanie) : troupeau en savane ouverte, individus proches des véhicules, comportement grégaire typique
C. t. albojubatus Gnou à barbe blanche de l’Est Nord Tanzanie, Sud Kenya Plus petit, barbe blanche, souvent sédentaire, savanes semi-arides — (non observé directement)
C. t. johnstoni Gnou du Nyassaland Sud Tanzanie, Nord Mozambique, Zambie Taille moyenne, pelage sombre, population modérée — (non observé directement)
C. t. cooksoni Gnou de Cookson Vallée de la Luangwa (Zambie) Robe plus brune, comportements moins grégaires, population rare — (non observé directement)
(non déterminé) Togo – Parc de Sarakawa (semi-liberté) ; Espagne – Mini Hollywood (captivité) Silhouette typique du gnou bleu, contexte d’introduction ou de captivité parc de Sarakawa,(Togo) : semi-liberté ; ✅ parc zoologique du Mini Hollywood à Tabernas, (Espagne) : captivité, observation comportementale