Dragonnier des Canaries Dracaena draco

Lors de notre promenade en avril dans le magnifique jardin de l’Alameda Apodaca à Cadix, en Espagne nous avons eu la chance d’observer un spécimen impressionnant de dragonnier des Canaries (Dracaena draco). Cet arbre majestueux, typique des îles Canaries et des zones proches de l’Atlantique, attire immédiatement le regard avec son port unique : un tronc épais et robuste, d’où partent de multiples branches ramifiées, formant une couronne dense et élégante.
En nous arrêtant quelques instants à son ombre, nous avons remarqué la texture particulière de son tronc, presque écailleux, qui témoigne de son âge et de sa résilience. On raconte que certains spécimens peuvent vivre plusieurs centaines d’années, ce qui confère à cet arbre une aura presque mythique. Ce dragonnier, symbole de force et de longévité, semble parfaitement à sa place dans ce cadre verdoyant, entouré de palmiers, baobabs et autres espèces exotiques qui donnent à l’Alameda une atmosphère paisible et intemporelle.
La légende veut que la résine rougeâtre qu’il produit, surnommée « sang de dragon », ait autrefois été utilisée pour ses propriétés médicinales et même pour fabriquer des teintures ou des vernis. Nous nous sommes amusés à imaginer les voyageurs et navigateurs du passé, accostant à Cadix et s’émerveillant devant cet arbre aux allures presque fantastiques, comme nous aujourd’hui.
Cet arrêt sous le dragonnier nous a permis de contempler toute la beauté du jardin et de profiter d’un moment suspendu, entre histoire naturelle et charme andalou. C’est une expérience que nous recommandons vivement à tout amateur de nature et de tranquillité.
Le dragonnier des Canaries (Dracaena draco), ou dragonnier commun, est une espèce de plantes à fleurs monocotylédones de la famille des Liliaceae (ou Dracaenaceae) selon la classification classique, ou des Asparagaceae (ou Ruscaceae) selon la classification phylogénétique. C’est une plante arborescente.
Le dragonnier des Canaries a l’allure d’un grand parasol qui, lorsqu’il est âgé, peut atteindre plus de 20 m de hauteur, avec un large pied évasé portant un houppier très touffu, en forme de calotte sphérique d’une vingtaine de mètres de diamètre, soutenu par un réseau dense de branches entrelacées.
De toute blessure ou incision, s’écoule une résine rouge, connue sous le nom de sang-dragon. Utilisée comme matière médicale et tinctoriale depuis l’Antiquité, elle était très prisée et vendue très cher. La source canarienne s’est tarie au XIXe siècle.
Les populations sauvages sont en déclin depuis longtemps, l’espèce est sur la liste rouge IUCN des espèces en danger de disparition.
Le nom de genre Dracaena dérive du grec drakaina (δρακαινα) « dragon femelle », l’épithète spécifique latin draco dérive du grec drakôn (δρακων) « dragon ». Cette appellation, basée sur drakôn désignant en grec divers serpents de grande taille, date de Dioscoride au Ier siècle.
La première description du dragonnier des Canaries se trouve dans le récit de « Histoire de la première descouverte et conqueste des Canaries, faite dès l’an 1402 par messire Jean de Béthencourt et traicté de la navigation… », où des explorateurs français visitent les îles de La Palma et de Tenerife, garnies disent-ils, de « dragonniers portant sang de dragon », troquent du « sang de dragon » dans un port de Grande Canarie. À Tenerife, ils observent « le plus étrange arbre » appelé Dragon par les habitants, aux branches entrelacées comme les Mandragores et dont le bois contient une poix vermeille.
En 1576, un médecin botaniste flamand pré-linnéen, Charles de l’Écluse (dit Carolus Clusius) en donne une description et illustration, dans une flore d’Espagne. Il nomme l’arbre Draco arbor et la résine qu’on en tire Sanguis Draconis.
En 1762, Linné dénomme d’abord l’espèce Asparagus draco dans Species plantarum, classée dans les Hexandria (6 étamines libres) Monogynia (1 pistil). Puis en 1767, ce même Linné crée le genre Dracaena dans Systema Naturae, ed.12, 2:246, et il prend comme espèce type Asparagus draco qu’il renomme Dracaena draco.
Pour les rangs taxinomiques supérieurs, Lamarck classe le taxon Dracaena draco en 1783 (dans Encyclopédie méthodique Botanique) dans la famille des Asperges, les Asparagaceae. Dans la classification classique de Cronquist (1981), le genre Dracaena est classé dans la famille des Liliaceae. Alors qu’il se retrouve dans les Asparagaceae dans la classification phylogénétique APG III (2009).
Le dragonnier des Canaries est une plante monocotylédone et à ce titre n’a pas un tronc d’arbre véritable mais une grosse tige herbacée (nommée stipe), rendue rigide et épaisse par un nombre très élevé de faisceaux.
Il possède une croissance particulière, opérant par réitération d’un même schéma de production. La jeune plante est faite d’une seule tige non ramifiée (que nous appellerons « tronc » dans le sens commun), avec une touffe de feuilles à l’extrémité. Au bout d’une dizaine d’années, la plante produit une inflorescence terminale, portant de nombreuses petites fleurs blanc verdâtre, qui donnent des fruits rouges. Leur maturation achevée, une couronne de bourgeons axillaires apparaissent qui se développent en un groupe sympodial de branches. Durant une nouvelle décennie, ces branches de second ordre se développent, puis fleurissent et fructifient. La réitération du processus tous les 10 à 15 ans, aboutit à la production d’un houppier massif, ayant la forme d’une calotte sphérique plus ou moins plate.
Toutefois, les floraisons ne sont pas synchrones, aussi ne voit-on qu’un petit nombre de touffes de feuilles produire une inflorescence chaque année. De plus, divers incidents (comme des tempêtes, des incendies, du froid, des attaques d’insectes) peuvent produire quelques irrégularités perturbant momentanément le schéma de croissance.
Un processus original de croissance de racines aériennes à la base des nouvelles tiges permet de renforcer le tronc. À la base des branches d’ordre supérieur, des racines aériennes peuvent aussi apparaître. Dans les régions humides du Cap Vert, de nombreuses fines racines aériennes ciliées couvrent les branches comme une barbe, tandis que dans les régions sèches, celles-ci sont moins nombreuses, plus grosses et proviennent principalement des points de branchement des branches. Enfin, il a été observé, qu’en réponse à un stress local ou à une blessure, le dragonnier peut faire apparaître des racines sur la zone concernée. Finalement, une branche avec ses racines atteignant le sol, se comporte potentiellement comme un arbre indépendant.
Le Dracaena draco se construit suivant le modèle d’édification de Leeuwenberg fait d’un axe se terminant par une inflorescence à ramification subapicale : à chaque itération, un axe est remplacé par un axe avec des ramifications terminales subapicales, la règle ne s’appliquant qu’aux derniers axes d’ordre supérieur.
Le légendaire El drago de Icod de los Vinos (Tenerife) est actuellement le dragonnier le plus vieux et le plus grand encore en vie. Sa première mention historique date de 1503. Il atteint 20 à 21 m de haut, avec un étalement aussi large du houppier. Peut-être encore plus célèbre est le dragonnier de La Orotava, décrit par des équipiers de l’explorateur Béthencourt en 1402, puis par le naturaliste Humboldt en 1799 qui lui trouva une circonférence de 24 m près du sol. Un jour de 1819, une tempête abattit un tiers de sa masse rameuse. Il fut dessiné par S. Berthelot en 1838 à la casa de Franchy, avec une porte dans le tronc. Le colosse fut finalement détruit en 1868.
L’inflorescence terminale porte des fleurs très parfumées. Elles sont composées d’un périanthe à six lobes, de couleur blanc verdâtre. La floraison se situe entre juin et la mi-août, aux Canaries.
Les fruits sont des baies rouge orangé. Les floraisons et fructifications sont en général faibles et irrégulières.