Les 1 444 piliers de la foi : Ranakpur, chef-d’œuvre jaïn INDE +

Nous quittons Jodhpur de bon matin, à destination de Ranakpur laissant derrière nous les remparts ocres de Mehrangarh encore baignés dans la lumière dorée du lever du soleil. Très vite, la ville s’efface, et la route serpente à travers les paysages semi-arides du Marwar, entre petits villages, collines pierreuses et champs cultivés. Le goudron file sous les roues, mais nous roulons lentement, tant les scènes qui s’offrent à nous méritent d’être contemplées.
À mesure que nous avançons, la campagne du Rajasthan se révèle dans toute sa rudesse et sa poésie. De part et d’autre de la route, des femmes aux saris flamboyants travaillent les champs à la main, parfois aidées de bœufs tirant de simples charrues de bois. Le vert tendre des cultures de millet ou de luzerne tranche avec les teintes sèches du sol et des arbres. Dans les zones plus vallonnées, les acacias épineux se dressent comme des silhouettes veillant sur la steppe.
Sur les bords de la chaussée, des singes langurs au pelage argenté apparaissent soudainement, perchés sur les parapets ou jouant dans la poussière. Certains nous regardent passer, d’autres s’élancent dans les arbres ou courent après un congénère. C’est un ballet facétieux et imprévisible, qui nous arrache des sourires et ralentit notre allure. Les langurs sont ici chez eux, et nul ne semble s’en étonner.
En approchant de la région de Pali, nous croisons plusieurs puits à aube traditionnels. Ces installations ingénieuses, toujours utilisées dans les campagnes les plus reculées, fonctionnent à l’aide d’un grand balancier ou d’une roue à traction animale qui fait descendre et remonter des seaux en corde jusqu’à la nappe phréatique. Des enfants guident les bœufs en cercle pendant que les seaux, lentement, viennent déverser leur précieuse cargaison d’eau dans les rigoles d’irrigation. La scène est d’une simplicité désarmante, et pourtant elle raconte la force d’un peuple enraciné, en harmonie avec la terre.
Parfois, un petit temple peint en rouge et blanc surgit, isolé au milieu de nulle part, ses drapeaux flottant au vent. Quelques buffles paressent à l’ombre d’un neem, et des villageois assis en tailleur saluent notre passage.
Le paysage devient progressivement plus vallonné, les couleurs changent à mesure que nous approchons des monts Aravalli. L’air se rafraîchit légèrement. À l’horizon, le blanc laiteux des temples de Ranakpur se devine entre les collines boisées… Nous savons que nous approchons de l’un des joyaux spirituels du Rajasthan. Mais avant cela, cette route, vivante et humble, nous aura offert une précieuse immersion dans l’Inde rurale, authentique et vibrante.
TEMPLE DE SUPARSVANATH
À notre arrivée à Ranakpur, après cette belle traversée du Rajasthan rural, le paysage change subtilement. La végétation se densifie, les montagnes des Aravalli forment un écrin verdoyant, et l’atmosphère semble soudain plus paisible, presque recueillie. C’est dans ce cadre que s’élève le temple jaïn de Suparshvanath, souvent moins connu que l’immense temple principal d’Adinath, mais tout aussi fascinant.
Nous pénétrons dans l’enceinte du complexe sacré, pieds nus sur le marbre tiédi par le soleil, accueillis par le silence et les regards bienveillants de quelques moines jaïns en méditation. Le temple de Suparshvanath est dédié au 7ᵉ Tirthankara du jaïnisme, et se distingue par son élégance compacte, sa pureté architecturale, et surtout par la délicatesse de ses sculptures.
Construit en marbre blanc, comme ses voisins, le temple déploie une structure plus intime mais d’une richesse ornementale saisissante. Les colonnes ciselées, toutes différentes, racontent à travers leurs motifs la sagesse du jaïnisme : non-violence, renoncement, recherche de pureté intérieure. Sur les murs extérieurs, des frises représentent des éléphants, des lions, des danseuses célestes, des lotus épanouis, et même des scènes de vie champêtre. Chaque détail semble taillé avec amour, comme si le sculpteur avait prié en même temps qu’il travaillait.
À l’intérieur, l’ambiance est presque irréelle. La lumière filtre doucement à travers les treillis de marbre, projetant des ombres mouvantes sur le sol poli. Au centre, le sanctuaire abrite une statue de Suparshvanath, assis dans la posture du lotus, protégé par un naja à cinq têtes déployées en arc au-dessus de lui. Ses traits sont sereins, son regard sculpté semble nous traverser, plein de bienveillance et de détachement.
Nous restons là un moment, silencieux, à écouter le murmure du vent, à ressentir l’énergie douce du lieu. Un prêtre jaïn passe sans bruit, nous adresse un salut discret, puis s’efface dans une alcôve. L’encens flotte dans l’air. Le temps semble suspendu.
Ce temple, plus modeste que d’autres du complexe, nous touche par son harmonie intérieure et sa dimension profondément humaine. Ici, pas de foule, pas de grandeur écrasante, mais une invitation simple à la contemplation. En quittant le temple de Suparshvanath, nous emportons avec nous une impression rare de paix, comme si Ranakpur avait déjà commencé à nous purifier.
TEMPLE D’ADINATH
Puis, à quelques kilomètres à peine, lové dans une vallée boisée des monts Aravalli, se dresse l’un des joyaux les plus impressionnants du patrimoine jaïn : le temple d’Adinath à Ranakpur. Rien ne nous préparait à la majesté de ce lieu. En approchant par la petite route bordée d’acacias et de singes langurs, nous devinons peu à peu l’ampleur de l’édifice. Lorsqu’il se dévoile entièrement, notre souffle se suspend.
Bâti au XVe siècle, ce temple est dédié à Adinath, le premier des vingt-quatre Tirthankaras du jaïnisme. Il fut commandité par un riche marchand, Dharma Shah, inspiré par une vision divine, et financé avec le soutien du souverain rajpoute Rana Kumbha. Ce temple ne ressemble à aucun autre : c’est un chef-d’œuvre de marbre blanc, entièrement sculpté, qui semble émerger naturellement de la pierre et de la lumière.
L’entrée, encadrée de lions de pierre et de colonnes ouvragées, nous mène vers un monde presque irréel. Dès que nous passons le seuil, une forêt de 1 444 colonnes se dresse autour de nous. Aucune n’est semblable à une autre. Certaines sont torsadées, d’autres sculptées de divinités jaïnes, de danseuses, de feuilles de vigne, de figures mythologiques. On raconte même que les sculpteurs, pour éviter toute redite, cachaient leurs croquis et travaillaient uniquement à l’inspiration.
Le temple est conçu selon un plan cruciforme, avec quatre entrées orientées vers les points cardinaux, symbolisant l’ouverture de la foi jaïne. Le cœur du sanctuaire abrite la statue de Rishabhanatha (Adinath) en marbre blanc, assis en position de méditation. Autour de lui, la lumière danse, tamisée par les jalis (moucharabiehs) en pierre qui laissent filtrer les rayons du soleil comme à travers une dentelle.
L’un des moments les plus saisissants de la visite est la découverte de la colonne centrale, juste sous la grande coupole, dont le plafond est orné de cercles concentriques sculptés avec une finesse stupéfiante. Plus loin, un guide nous fait remarquer la célèbre colonne pivotante : tournée sur elle-même, elle ne touche pas le plafond, suspendue à quelques millimètres, symbole de l’imperfection humaine face à la perfection divine.
Le parcours de visite est fluide, libre, sans véritable balisage, ce qui laisse la sensation de se perdre volontairement dans ce labyrinthe sacré. On s’assied parfois dans une alcôve, on écoute le silence, on observe un moine jaïn en méditation, ou on suit du regard le vol d’un pigeon à travers les hautes ouvertures. Tout ici respire la paix, la maîtrise, la dévotion.
À l’extérieur, le temple est cerné par un mur d’enceinte, et ponctué de petits sanctuaires secondaires, dont ceux dédiés à Parshvanatha, Neminatha et Suparshvanatha. Le contraste entre la blancheur immaculée du marbre et les collines verdoyantes environnantes ajoute encore à la magie du lieu.
La visite est gratuite, mais une contribution volontaire est appréciée. Il est demandé de respecter le silence et la décence vestimentaire. Les appareils photo sont autorisés, mais sans flash ni trépied, et l’accès au sanctuaire central est réservé aux personnes de confession jaïne. Le temple est ouvert de 12h à 17h pour les non-jaïns, afin de préserver les rituels matinaux.
En ressortant, éblouis par la lumière, nous avons l’impression d’avoir traversé non pas un simple édifice religieux, mais une cathédrale de pierre vivante, née de la foi, de la patience et du génie de l’homme. Ce temple n’est pas seulement un site à visiter : c’est une leçon de beauté, d’humilité et de transcendance.
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