Les Villages Taneka – Région de la Donga BENIN
Nous quittons Natitingou tôt ce matin, sous la lumière douce qui baigne les collines environnantes. L’air est encore frais, et la route qui serpente en direction de Djougou nous emmène à travers des paysages vallonnés où les arbres clairsemés laissent entrevoir de petites habitations en banco et des scènes de vie quotidienne. Nous sommes impatients de découvrir les villages Tanéka, connus pour leur histoire, leur architecture traditionnelle et leurs gardiens de la mémoire ancestrale.
Après quelques kilomètres de route, nous atteignons Tanéka Koko, l’un des principaux villages de la communauté Tanéka, établi sur les hauteurs rocheuses. À notre arrivée, nous n’avons aucun mal à trouver un villageois prêt à nous guider. Accueillants et fiers de leur patrimoine, les habitants sont habitués à recevoir des visiteurs curieux de découvrir leur mode de vie et leurs traditions.
Historique
Les Tanéka forment une communauté installée depuis plusieurs siècles sur les collines rocheuses du nord du Bénin, principalement dans la région de Djougou et Natitingou. Leur histoire est marquée par des migrations, des guerres et un profond attachement à leurs croyances ancestrales. Selon la tradition orale, les Tanéka seraient issus de divers peuples venus d’horizons différents, ayant convergé vers ces hauteurs pour former une société unifiée autour d’un mode de vie structuré par des rituels initiatiques et une organisation sociale bien définie.
Les origines du peuple Tanéka restent sujettes à interprétation, mais plusieurs récits évoquent une migration progressive depuis d’autres régions d’Afrique de l’Ouest, notamment du Ghana et du Togo actuels. À la recherche de terres propices à l’agriculture et d’un refuge contre les razzias et les conflits, ils se seraient installés sur ces collines, un territoire naturellement défensif.
Les Tanéka ont su préserver leur mode de vie malgré les influences extérieures et les mutations sociopolitiques. Ils ont développé un modèle d’organisation communautaire reposant sur une hiérarchie initiatique, où chaque individu passe par différents niveaux de connaissance et d’expérience pour accéder à des rôles spécifiques au sein de la société. Ce système initiatique joue un rôle fondamental dans la transmission du savoir, l’apprentissage des rites et la gestion des affaires du village.
La spiritualité occupe une place centrale dans la culture Tanéka. Le peuple vénère des divinités associées aux éléments naturels, aux ancêtres et aux forces invisibles qui régissent l’univers. Les autels sacrés, souvent constitués d’amas de pierres et d’objets symboliques, sont érigés en divers endroits du village pour assurer la protection de la communauté et la prospérité des récoltes. Les fétiches et les statuettes en terre cuite sont des éléments omniprésents dans les sanctuaires et témoignent d’une tradition animiste encore vivace.
Les initiés, reconnaissables à leur accoutrement particulier et souvent vêtus d’un simple pagne, jouent un rôle essentiel dans la préservation des traditions et l’accompagnement spirituel des membres du village. Ils sont les intermédiaires entre le monde visible et invisible, les garants des rites et les détenteurs des connaissances ésotériques transmises de génération en génération.
L’organisation sociale des Tanéka repose sur une structure où l’autorité est exercée par les sages et les chefs traditionnels, choisis en fonction de leur expérience et de leur degré d’initiation. Les décisions importantes, qu’elles concernent la justice, les relations avec les villages voisins ou les grandes cérémonies, sont prises de manière collective après consultation des anciens et des initiés.
L’architecture des villages Tanéka reflète leur histoire et leur adaptation à l’environnement. Les maisons en pierre et en banco sont disposées de manière stratégique pour résister aux intempéries et aux incursions extérieures. Chaque habitation suit un schéma précis, souvent circulaire, avec un foyer central servant de point de rassemblement familial.
Aujourd’hui, bien que les Tanéka aient dû composer avec les évolutions modernes, leur culture reste profondément ancrée dans leur quotidien. Certains jeunes quittent les villages pour chercher du travail en ville, mais reviennent régulièrement pour participer aux grandes cérémonies et aux rites d’initiation, témoignant ainsi de l’attachement indéfectible à leurs racines.
La préservation du patrimoine Tanéka est un enjeu majeur, et plusieurs initiatives locales visent à valoriser leur culture tout en favorisant un tourisme respectueux des traditions. La visite des villages Tanéka ne se limite pas à une simple découverte architecturale, elle représente une plongée dans un mode de vie où le sacré et le quotidien se mêlent harmonieusement, où chaque pierre et chaque geste racontent une histoire ancienne.
Visite du Village
Notre guide nous propose une immersion complète, et nous commençons notre visite à pied. Il nous mène d’abord aux sources du village, un lieu sacré où les habitants puisent encore leur eau quotidiennement. En longeant les sentiers de terre battue, nous remarquons l’omniprésence de la pierre dans la construction des maisons et des enclos. Certaines habitations semblent posées à même les rochers, parfaitement intégrées à l’environnement naturel. Les toits sont souvent ronds, recouverts de paille séchée, tandis que les murs sont faits d’un mélange de terre et de pierre, garantissant une isolation efficace contre la chaleur du jour.
Poursuivant notre exploration, nous arrivons à la demeure du vieux sage du village, figure emblématique et gardien des rites et coutumes Tanéka. Assis sous un arbre majestueux, le sage nous accueille avec un regard bienveillant, le visage marqué par le temps. Il nous parle de la philosophie Tanéka, des croyances animistes toujours vivaces, et du rôle des initiés dans la préservation des traditions. Il nous explique que chaque élément du village a une signification spirituelle, depuis la disposition des habitations jusqu’aux sanctuaires où se déroulent les cérémonies.
Nous poursuivons notre rencontre avec d’autres anciens du village, qui nous invitent à partager un moment convivial autour d’un verre de Sodabi, l’alcool traditionnel à base de vin de palme.
Le Sodabi est une boisson forte et parfumée, obtenue par la distillation du vin de palme fermenté. Considéré comme un nectar des ancêtres, il accompagne les grandes occasions : mariages, rituels de passage, funérailles ou simples moments de convivialité. Les villageois nous expliquent que le premier verre est souvent versé sur le sol en offrande aux esprits, en guise de respect aux anciens et aux divinités protectrices.
Le goût du Sodabi est puissant, à la fois sucré et brûlant. On nous le sert dans de petites calebasses, et après quelques gorgées, une sensation de chaleur se propage dans le corps, créant une ambiance propice aux échanges et aux rires. Ce moment de partage nous plonge encore plus profondément dans la culture Tanéka, où le lien social et la transmission des savoirs occupent une place essentielle.
Nous avons observé un arbre impressionnant, le Ceiba pentandra, surnommé « Fromager » en français, « Fwomajyé » aux Antilles françaises, et « Kapokier » ou « Arbre à kapok » dans d’autres régions tropicales.
Ceiba pentandra est un arbre sacré pour de nombreuses civilisations. Chez les Mayas, il symbolisait l’axe du monde, l’axis mundi. En termes d’étymologie, le nom « Fromager » pourrait venir de la déformation de l’expression « forme âgée », inspirée par l’aspect ridé du tronc, ou de l’utilisation de son bois dans la fabrication de boîtes pour les fromages. Certains l’appellent aussi « Piroguier », en raison de son utilisation fréquente dans la construction de pirogues.
Cet arbre produit une fibre végétale imputrescible, le kapok, qui est utilisée depuis longtemps dans la fabrication de matelas, coussins, oreillers et gilets. Sa fibre est également utilisée pour absorber les huiles synthétiques lors de pollutions, notamment après des naufrages de pétroliers. Bien que l’utilisation du kapok ait diminué avec l’arrivée des fibres synthétiques, il demeure une alternative biodégradable importante.
Alors que nous continuions notre exploration notre regard fut une nouvelle fois attiré par un arbre à l’allure familière. De loin, ses fruits semblaient nous rappeler ceux de l’anacardier (Anacardium occidentale), que nous avions déjà croisé à plusieurs reprises au fil de nos voyages. Curieux et animés par cette impression de déjà-vu, nous nous sommes approchés, persuadés de reconnaître un arbre que nous pensions bien connaître.
Mais à mesure que nous avancions sous son ombrage, une différence nous frappa. Les fruits, qui de loin ressemblaient aux noix de cajou avec leur chair charnue et colorée, présentaient en réalité une ouverture surprenante, dévoilant en leur sein des arilles jaunes et lisses, surmontées de graines noires et brillantes. Un doute s’installa alors en nous : cet arbre n’était pas un anacardier. Nous étions en présence d’un tout autre végétal, un spécimen bien plus singulier encore.
Intrigués, nous avons questionné un ancien du village, qui, avec un sourire complice, nous révéla son identité : Blighia sapida, plus connu sous le nom d’akée ou aki. Ce nom résonna immédiatement en nous, évoquant un arbre célèbre bien au-delà du continent africain, en particulier en Jamaïque, où il est un ingrédient phare de la cuisine locale.
En reprenant notre marche à travers le village, nous réalisons à quel point cette visite dépasse une simple découverte touristique. C’est une immersion dans un mode de vie ancestral, une rencontre avec un peuple attaché à ses traditions et à son territoire. La beauté brute des paysages, la richesse des échanges et la générosité des habitants font de cette escale à Tanéka Koko un moment inoubliable de notre voyage à travers le Bénin.
LES LIENS VERS LES PHOTOS de Natitingou et environs
j 936 de KOUTAMMAKOU à la frontière béninoise – REGION DE LA KARA TOGO
j 937 LES TATAS SOMBA DE KOUSSOUKOINGOU – Natitingou BENIN
j 937 HOTEL TOTORA– Natitingou région Atakora BENIN
j 938 LES CHUTES DE KOTA– Natitingou région Atakora BENIN
j 938 MUSEE KOBA– Natitingou région Atakora BENIN
j 938 MARCHE CENTRAL– Natitingou région Atakora BENIN
j 938 MUSEE REGIONAL– Natitingou région Atakora BENIN
j 939 LE ROYAUME DE KOUANDE région Atacora BENIN
j 939 GBOMAN & telibo Restaurant de l’hôtel TOTORA – Natitingou région Atakora BENIN
j 939 Restaurant de l’hôtel TOTORA – Natitingou région Atakora BENIN
LA FAUNE ET LA FLORE DE LA REGION
j 938 Parkia biglobosa ou Néré – Natitingou région Atakora BENIN
VIDEOS sur Natitingou et environs
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La Cuisine au Bénin
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RESTAURANT DE L’HOTEL TOTORA
Notre expérience au restaurant de l’hôtel Totora a commencé de manière assez mitigée. Les premiers repas manquaient de finesse, et nous avons eu l’impression que la cuisine peinait à s’élever au niveau des attentes d’un établissement de cette catégorie. Les plats étaient simples, parfois trop salés, et l’ambiance générale un peu négligée, nous faisant penser plus à un maquis qu’à un véritable restaurant. Mais ce qui nous a surpris, c’est l’effort évident qui a suivi, une volonté de se réinventer et de mieux servir, ce qui a transformé l’expérience au fil des jours.
L’évolution a été notable lors des derniers repas, et c’est un réel plaisir de constater cette amélioration. Nous avons particulièrement apprécié les recettes locales, qui ont apporté une vraie touche authentique et savoureuse au menu. Le Ngoman, une préparation à base de maïs, aux arômes subtilement épicés, nous a ramenés à la richesse culinaire du Bénin. Le wake atassi à la viande de bœuf, délicatement mijoté, offrait une viande tendre et savoureuse, bien que parfois un peu grasse, un plat réconfortant qui se marie à merveille avec le riz local. Le télibo, une spécialité à base de pâte de maïs et de sauce, était d’une grande simplicité mais d’une telle profondeur de saveur qu’il a éveillé nos papilles de façon agréable. Enfin, le wakassi frit est devenu un incontournable, offrant un contraste parfait entre la texture fondante et croquante du fromage frit.
Cependant, un aspect récurrent reste la qualité de la volaille, typique des volailles de type « bicyclette », communes en Afrique de l’Ouest. Ces volailles sont souvent plus fermes et moins charnues que les poulets élevés de manière industrielle. Ainsi, le blanc de poulet, même dans les émincés, était rare et la chair plutôt maigre. Cette caractéristique est presque universelle dans la région, mais elle laisse parfois un goût de frustration pour ceux qui attendent une viande plus tendre et plus généreuse.
Malgré ces petits bémols, il est évident que le restaurant fait des efforts significatifs pour offrir une expérience culinaire digne de ce nom. Les repas des derniers jours témoignent d’une volonté de proposer des plats locaux avec plus de soin, et c’est une évolution qui, espérons-le, se poursuit. On sent que le potentiel est là, et avec quelques ajustements, le restaurant pourrait vraiment devenir une belle adresse.
LES LOGEMENTS
HOTEL TOTORA
Après la visite des tatas somba béninoises, nous arrivons à Natitingou et nous installons à l’hôtel Totora. La vue depuis l’hôtel est exceptionnelle sur les montagnes environnantes et la vallée en contrebas. L’hôtel est construit de manière singulière : trois satellites cylindriques entourent le bâtiment principal qui abrite l’accueil. Les mini-suites, situées à proximité de l’accueil, offrent un confort remarquable pour un tarif de 35 000 FCFA, incluant le petit-déjeuner.
Chaque mini-suite est équipée d’un lit double, d’un salon, d’un petit espace d’entrée avec une table et une chaise, ainsi que d’une salle de bains attenante. Une particularité appréciable est la présence de toilettes indépendantes pour les visiteurs. La chambre est également dotée d’une télévision, d’une climatisation et d’un réfrigérateur, garantissant un séjour agréable et confortable.
L’un des atouts majeurs de l’hôtel Totora est sa magnifique piscine. D’une grande superficie, elle s’ouvre sur la vallée en contrebas, offrant une vue imprenable sur le paysage environnant. La profondeur progressive de la piscine permet à chacun de profiter d’un bain rafraîchissant en toute sécurité. L’entretien de la piscine est irréprochable, et l’eau cristalline reflète le ciel bleu de Natitingou.
Le jardin de l’hôtel est un véritable havre de paix. Orné de plantes tropicales et de fleurs colorées, il invite à la détente et à la contemplation. Les visiteurs peuvent s’y promener ou s’asseoir à l’ombre des arbres pour apprécier la quiétude des lieux.
Nous avons eu la chance d’observer un Parkia biglobosa, également connu sous les noms de Nzia (en Gbaya) ou Néré (en Bambara). Cet arbre, membre de la famille des Mimosaceae (ou Fabaceae, sous-famille des Mimosoideae selon la classification phylogénétique), est originaire des zones sahéliennes et soudaniennes. Il porte également divers noms vernaculaires, tels que l’arbre à farine, l’arbre à fauve, et le caroubier africain, en raison de la ressemblance de ses gousses avec celles du caroubier, ou encore mimosa pourpre, en raison de la similitude de ses feuilles avec celles du mimosa. En langue Zarma, il est appelé dosso, et en Bambara, néré.
En fin de journée, nous savourons un moment de détente sur la terrasse de l’hôtel, admirant les nuances dorées du coucher de soleil sur les montagnes. L’ambiance est paisible et même si l’accueil du personnel pourrait être plus chaleureurs, notamment au bar-restaurant de la piscine, l’hôtel Totora reste une escale idéale après la découverte des tatas somba. Entre tradition et modernité, cette halte à Natitingou restera gravée dans nos souvenirs comme un mélange parfait de confort et d’authenticité.
LES LIENS
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