Tortue Mauresque du Maghreb Testudo graeca graeca
Aux abords de la plage de Tafedna, au MAROC, un lieu empreint de tranquillité et baigné par les eaux de l’Atlantique, nous avons eu la chance d’observer une tortue terrestre emblématique de la région, la tortue mauresque du Maghreb (Testudo graeca graeca). Cette sous-espèce, appartenant à la famille des Testudinidae, représente un joyau de la biodiversité marocaine et suscite toujours fascination et émerveillement par son apparence et son mode de vie.
Testudo graeca graeca ne dépasse guère 20 cm de longueur. Elle présente un plastron postérieurement concave et une queue relativement longue. La dossière, modérément bombée, a un contour quadrangulaire ou elliptique, avec une écaille supracaudale non divisée (sauf exception rarissime), incurvée vers l’extérieur. On distingue de chaque côté de la base de la queue des tubercules fémoraux coniques (ou ergots) sur les cuisses, légèrement plus larges à la base chez les femelles. La coloration est plus ou moins variable : la dossière est souvent brune, vert foncé à olive pâle, voire jaune, avec des dessins foncés au centre et sur les périphéries des écailles. Dans certaines zones de l’Atlas marocain, où les sols sont riches en fer, ces tortues présentent une coloration ocre-rougeâtre.
Elle se rencontre principalement dans les pays du Maghreb : au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Libye. Au Maroc, elle est présente dans la vallée de la Moulouya, dans le triangle Guercif-Melilla-Oujda. En Algérie, elle est observée dans la continuité de la région nord-est marocaine, notamment dans la plaine du Chélif, ainsi qu’autour de Biskra, Alger et Constantine, dans les monts des Aurès. En Europe, cette sous-espèce se retrouve dans des zones localisées comme le sud-ouest de l’Espagne (Murcie, Almería, Parc national de Doñana) et les îles Baléares (Ibiza, Formentera et Majorque), ainsi qu’en Sicile, en Sardaigne, et peut-être dans certaines parties de l’Italie continentale.
Elle occupe une variété d’habitats : plaines, maquis, forêts méditerranéennes, dunes, semi-déserts, et peut vivre jusqu’à 700 m d’altitude, voire au-delà (elle a été observée jusqu’à 1 970 m au Maroc). Son biotope au Maroc est dominé par une végétation steppique composée de jujubiers (Ziziphus lotus), de Retama monosperma, et, en saison humide, de graminées et de luzernes sauvages.
Cette tortue est principalement herbivore, se nourrissant d’herbes, de fleurs, de bourgeons et de graines. En zones agricoles, elle peut consommer des fruits et plantes cultivées. Dans une moindre mesure, elle complète son alimentation avec des vers, des escargots ou même des fèces. Par son régime alimentaire, elle joue un rôle important dans la dispersion des graines, contribuant à l’équilibre des écosystèmes.
Testudo graeca graeca est diurne, avec une activité accrue au printemps et en début d’été. Elle atteint un pic d’activité en avril, généralement entre 12 h et 13 h, au moment le plus chaud de la journée. À partir de mi-juin, les tortues commencent à estivater en s’abritant sous des buissons ou des amas végétaux pour échapper à la chaleur. La reproduction a lieu de fin mai à fin juin, et les femelles pondent de 2 à 8 œufs par ponte dans des nids de 8 cm de profondeur. Les œufs incubent jusqu’à 90 jours avant l’éclosion.
Malheureusement, cette sous-espèce est menacée dans son aire de répartition. Au Maroc, en Algérie et en Tunisie, elle fait face à des pressions importantes : destruction de son habitat due à l’urbanisation, intensification agricole, surpâturage, déforestation, trafic routier, et exploitation pour le commerce illégal. Historiquement, les captures massives pour le marché européen ont décimé les populations : dans les années 1960-70, des centaines de milliers de tortues étaient exportées chaque année. Bien que le commerce de cette espèce soit désormais interdit et que des lois protègent la tortue, les ramassages illégaux persistent, particulièrement dans les souks marocains.
D’autres menaces incluent l’utilisation de la tortue dans la médecine traditionnelle, où ses œufs et sa chair sont consommés comme remèdes pour divers maux, ainsi que des pratiques superstitieuses qui varient selon les régions. Dans certains villages, on croit que les tortues éloignent les serpents, tandis que dans d’autres, elles sont craintes et tuées.
Les populations de Testudo graeca graeca sont également en déclin en Europe, notamment dans le sud de l’Espagne, malgré les efforts de conservation. En 1994, la Fondation Globale Nature a créé une réserve biologique privée pour cette tortue en Espagne, et des mesures similaires pourraient inspirer des initiatives au Maghreb.
Observer la tortue mauresque du Maghreb aux abords de la plage de Tafedna a été une expérience inoubliable, rappelant l’importance de préserver ces habitats uniques et de sensibiliser les communautés locales à la protection de cette espèce menacée.