Gazelle dorcas Atlantique Gazella dorcas massaesyla +

Nous avançons en convoi, fenêtres à peine entrouvertes, moteur au ralenti et jumelles prêtes : au Souss-Massa, l’observation se fait le plus souvent depuis notre véhicule, qui devient à la fois refuge et poste d’observation mobile. Dès que nous freinons et que l’ombre de la voiture se pose sur le sol, les gazelles reprennent souvent leur activité — signe que, si nous restons discrets et à l’intérieur, elles nous tolèrent et nous offrent des scènes de vie remarquables sans être perturbées.

La gazelle dorcas porte le nom scientifique Gazella dorcas. Parmi les formes régionales, la forme nominale G. d. dorcas côtoie des populations locales adaptées à des milieux précis. Dans le Parc National du Souss-Massa, nous observons la sous-espèce atlantique — parfois décrite localement comme la « forme marocaine » — dont les traits (taille, nuances du pelage, comportement) s’inscrivent dans une histoire d’adaptation aux rivages et aux steppes côtières.

À travers la vitre, les silhouettes fines se détachent : 53–67 cm au garrot selon les sexes, pelage fauve sur le dos, ventre blanc, bande latérale plus sombre et, chez les mâles, cornes annelées en lyre. Ces caractères ne sont pas que décoratifs : sabots effilés, musculature des membres postérieurs et robe contrastée servent la thermorégulation, la fuite et le camouflage au milieu des herbes rases et des buissons. Observées depuis la voiture, ces adaptations apparaissent lorsqu’une gazelle accélère, change de direction ou se repose en pliant les pattes sous elle.

Stationnés au bord d’un oued asséché, nous regardons de petits groupes — en général 3 à 5 individus — brouter en continu. Elles se nourrissent principalement de graminées courtes et de jeunes pousses ; occasionnellement, elles arrachent quelques feuilles d’acacias. Les véhicules jouent parfois le rôle d’obstacle neutre : les animaux tolerent notre proximité si nous restons calmes à l’intérieur. Nous notons aussi des agrégations lâches avec d’autres ongulés locaux : zèbres ou moutons sauvages peuvent partager le même pâturage, renforçant la détection collective des prédateurs et modifiant la dynamique locale de broutage. Entre deux périodes de nourriture, les adultes s’aplatissent à l’ombre et les jeunes, plus vifs, pratiquent le jeu et des sauts d’exercices.

À plusieurs reprises, une alerte nous surprend : signe d’une présence de prédateur ou d’un coup de vent. Les gazelles répondent par des bonds dits pronking — pattes arrière tendues, dos plongeant — visibles nettement depuis notre position surélevée dans la voiture. Ces séquences signalent la vigueur des individus et réduisent souvent la poursuite, car le prédateur évalue la rentabilité de l’effort. Nous observons aussi des fuites en éventail et des zig-zags qui exploitent la topographie : notre véhicule, immobile, permet d’apprécier la coordination et la vitesse d’évasion.

En restant à l’intérieur du véhicule, nous assistons à des comportements territoriaux légers chez certains mâles pendant la saison de rut : marquage, posture et brèves joutes. La reproduction suit les ressources : accouplements après les pluies, gestation d’environ six mois et naissance d’un faon unique. Les jeunes passent les premiers jours cachés, puis rejoignent progressivement le groupe — une succession d’étapes que nous pouvons suivre confortablement depuis notre poste d’observation roulant.

La sous-espèce atlantique du Souss-Massa subit des pressions fortes : empiétement agricole, concurrence avec le bétail, fragmentation et braconnage. Assis dans notre véhicule, nous constatons combien les corridors de déplacement et les parcelles protégées sont essentiels pour que ces populations persistent. La gestion du parc et la limitation des perturbations humaines restent des leviers indispensables pour maintenir des observations régulières et assurer la résilience de la population.

Un matin clair, arrêté sur un chemin de terre, nous avons vu un mâle se redresser, secouer son pelage, écarter les cornes en lyre puis reprendre son broutage à quelques mètres seulement. Une femelle, alerte, scrutait l’horizon pendant que deux jeunes jouaient à se pousser d’un coup de tête. Nous sommes restés à l’intérieur, respirant bas, et la scène a duré un bon quart d’heure : des images simples et fortes de la vie quotidienne de la dorcas au bord de l’Atlantique.

En parcourant le parc depuis notre voiture, nous apprenons que l’observation respectueuse — distance, silence, immobilité — permet d’accéder à une connaissance fine du comportement et de l’écologie de la gazelle dorcas. La vision privilégiée qu’offre le véhicule nous rend témoins de rythmes naturels précieux : broutage, repos, alarmes et jeux juvéniles, autant d’éléments qui composent la toile de la vie semi-aride du Souss-Massa.

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