Distribution de pansements à Tanbaya GUINEE +

En cas de morsure de serpent, les habitants de la région de Tanbaya, en Guinée, ne se tournent pas vers les centres de santé classiques, souvent éloignés ou mal équipés. Ils font appel aux Keyras, des guérisseurs traditionnels spécialisés dans le traitement des envenimations. Ces derniers, héritiers d’un savoir empirique transmis de génération en génération, sont capables de reconnaître les espèces de serpents à partir de la description de l’attaque, des traces laissées sur la peau ou encore des premiers symptômes observés chez la victime.

Nous avons eu l’opportunité d’assister à plusieurs séances de soins prodigués à des patients mordus par des serpents venimeux : naja, vipères, cobras des forêts et même le redoutable mamba. Ces cas ne sont pas rares dans cette région forestière et vallonnée. Les malades viennent de loin, parfois de l’autre bout de la Guinée, voire de Sierra Leone, pour être pris en charge par les Keyras de Tanbaya, réputés pour leur efficacité.

Au cœur du village, une case singulière attire le regard : ornée de motifs représentant des serpents, elle abrite plusieurs spécimens naturalisés ou conservés dans l’alcool. Cette « maison des serpents » constitue à la fois un outil pédagogique pour les habitants et un témoignage vivant de la biodiversité locale. Observer ces reptiles de près, dans un cadre sécurisé, est une expérience marquante, surtout pour ceux qui ne les ont jamais vus ailleurs que dans les livres ou les films.

Ce lieu est aussi un espace de transmission des savoirs : les jeunes du village y apprennent à reconnaître les serpents, à comprendre leur comportement, à éviter les zones à risque, mais aussi à ne pas les tuer inutilement. Car si la peur du serpent est tenace, le respect l’est aussi. Le serpent, dans la culture peule, est souvent considéré comme un animal ambivalent, porteur de danger mais aussi de sagesse.

Cette immersion dans le quotidien des chasseurs de serpents et guérisseurs traditionnels nous a profondément marqués. Elle révèle une autre manière de vivre avec la nature, faite d’observation, de pragmatisme et de résilience. Loin de rejeter en bloc la modernité, les Keyras collaborent parfois avec des médecins ou des ONG lorsqu’un cas le nécessite, mais leur pratique reste profondément ancrée dans le tissu culturel et symbolique local.

À notre passage, nous avons apporté une modeste contribution : des pansements, des compresses, des bandes et du coton, qui manquent cruellement dans ces zones rurales. Ce matériel de soin, bien que basique, est précieux pour accompagner les traitements appliqués aux victimes de morsures. En plus des soins, nous avons aussi partagé un moment de joie avec les enfants du village en leur offrant un ballon de football.

Nous encourageons vivement les futurs voyageurs à emporter dans leurs bagages quelques fournitures médicales à destination de ces guérisseurs. Leur savoir mérite d’être soutenu, non pas pour être figé dans le passé, mais pour continuer à s’adapter, avec dignité, aux défis du présent.