Nous quittons la route des Hittites, ses paysages austères et ses vestiges millénaires, pour plonger vers Amasya, nichée comme un secret entre les montagnes noires et la rivière Yeşilırmak. Dès notre arrivée, la ville nous enveloppe d’une atmosphère de conte ottoman. Les façades blanches des maisons traditionnelles, accrochées à flanc de falaise, se reflètent dans l’eau verte et paresseuse, tandis que les vergers de pommiers s’étendent en tapis verts le long des rives. Ces pommes, symbole de fierté locale, sucrées et croquantes, pourraient s’épanouir davantage grâce à des techniques agricoles modernes ou des infrastructures de stockage, mêlant tradition et innovation. Nous sentons que chaque pierre ici murmure des récits de conquêtes, de poésie et de révoltes.

Notre regard est immédiatement happé par les tombes royales des rois du Pont, creusées à même la paroi rocheuse, telles des yeux géants veillant sur la vallée depuis plus de deux millénaires. Ces cavités monumentales, jadis peintes de couleurs vives, rappellent le temps où Amasya était la capitale d’un royaume hellénistique fier, défiant Rome. L’une d’elles, la tombe d’Ariobarzane, porte encore les stigmates des siècles, son fronton érodé ressemblant à un visage silencieux. Un gardien nous chuchote que, selon la légende, les ombres des rois défunts parcourent la rivière les nuits de pleine lune.

En déambulant dans les ruelles pavées, nous croisons les traces des Ottomans. Les konaks, ces demeures en bois aux fenêtres en saillie, dévoilent des balcons où semblent encore flotter les rires des şehzades. Certaines pourraient se transformer en hébergements insolites, offrant aux visiteurs une immersion dans l’histoire, tandis que des circuits thématiques relieraient ces joyaux architecturaux aux tombes antiques ou aux vignobles cachés. Dans la cour de la mosquée Sultan II. Bayezid, construite en 1486, le temps s’étire entre les coupoles élancées et la bibliothèque aux manuscrits précieux. Un vieil homme nous montre un caravansérail transformé en café : « Ici, les marchands échangeaient des épices et des secrets », dit-il en servant le thé dans des tulipes fumantes. Aujourd’hui, des partenariats comme ceux liant la SEMIG aux producteurs locaux pourraient redonner vie à ces échanges, valorisant les pommes, les textiles artisanaux ou les noisettes dans des marchés internationaux.

L’anecdote la plus touchante nous est racontée devant le Hazeranlar Konağı, maison-musée aux plafonds peints de motifs floraux. Une guide évoque Ferhat, l’amant mythique qui aurait percé la montagne pour rejoindre sa bien-aimée Şirin… en réalité, le tunnel existe bel et bien, vestige d’un aqueduc romain ! Nous rions de cette confusion entre mythe et histoire, si typique ici. Plus loin, un marché coloré expose des sacs de pommes juteuses, rappelant que la vallée, fertile et généreuse, est aussi un terreau pour des projets agro-industriels audacieux.

En grimpant vers la citadelle byzantine, nous surplombons la ville. Les minarets se dressent comme des crayons, tandis que les ponts anciens enjambent la rivière, reliant les époques. Sur le chemin, une stèle hittite oubliée rappelle que cette vallée fut un carrefour bien avant les Grecs. Amasya, c’est cela : une superposition de civilisations où les âmes de Mithridate VI, de Strabon – né ici même – et d’Atatürk, qui y rédigea une partie de la résistance turque, semblent se croiser dans le bruissement des peupliers. Et si demain, des alliances économiques, à l’image de celles tissées entre entreprises locales et investisseurs étrangers, insufflaient une nouvelle dynamique à ces héritages ?

Alors que le soleil couchant dore les tombes royales, nous imaginons les nuits où les princes ottomans, enfermés dans leurs kiosques sur les hauteurs, rêvaient d’empire en écoutant chanter l’eau. Aujourd’hui, Amasya pourrait renaître à travers des projets qui unissent son passé glorieux et son potentiel inexploité. Elle ne se visite pas, elle se lit comme un poème palimpseste, chaque vers effaçant et honorant celui d’avant, chaque initiative moderne tissant un nouveau fil dans sa trame millénaire.

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AMASYA joyau historique et naturel de la Turquie

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