Vallée de la Restonica Corse du Sud FRANCE +

Nichée au cœur de la Corse, la vallée de la Restonica est un véritable joyau naturel qui s’étend sur environ 18 kilomètres depuis la ville de Corte jusqu’aux montagnes environnantes.

Nous nous engageons dans les gorges de la Restonica comme dans une faille temporelle, où le granit chante sous les roulements des torrents. La route en corniche, taillée à même la paroi dans les années 1950 par des ouvriers suspendus à des cordages, serpente entre des chaos rocheux que les pins laricio escaladent en colonnes vertes. L’air vibre de senteurs résineuses mêlées au parfum sauvage de la menthe aquatique, tandis que la rivière, capricieuse, tantôt caresse les roches polies, tantôt s’y brise en écume argentée.

Au détour d’un virage, les bergeries de Grotelle apparaissent, leurs murs de pierre sèche épousant le relief depuis le XVIe siècle. Ces bâtisses aux toits de lauze effondrés furent le théâtre des paghjelle, ces chants polyphoniques que les bergers lançaient d’une vallée à l’autre pour rompre la solitude. Un vieux chevrier nous montre une casedda intacte, où l’on fumait encore le fromage à la fougère il y a trente ans : « Ici, chaque pierre a la mémoire des brebis », murmure-t-il en caressant un linteau gravé de croix templières.

Le sentier vers les lacs de Melo et Capitello se faufile entre des blocs erratiques striés de lichens orange. Sous nos pas, les pavés disjoints d’une mulattiera génoise rappellent que ces chemins muletiers ravitaillaient jadis les garnisons de Corte en fromages et peaux de bêtes. Près d’un gué, une vasque surnommée U Lavatoghju (« la lavandière ») garde l’empreinte des générations de femmes qui y battaient le linge — leurs battoirs en buis sculpté dorment parfois dans le sable, après les crues automnales.

En altitude, le lac de Melo nous surprend par son eau métallique, miroir froissé par le vent qui dévale des crêtes du Rotondu. Un panneau rouillé signale l’ancien refuge de la S.N.C.F., construit dans les années 1930 pour les cheminots en cure d’air pur — on y servait de la bière glacée dans la neige en juillet. Plus haut, Capitello sommeille dans son cirque minéral, ses eaux bleu nuit si froides qu’elles conservaient jadis le beurre des bergers pendant des semaines.

De retour dans la vallée, nous plongeons dans les piscine naturelles aux noms évocateurs : A Tonnara (la « tonnellerie ») doit le sien à un chêne centenaire dont le tronc creux servait de réserve à neige, U Pozzu (le « puits ») cache sous ses eaux turquoise une grotte subaquatique où des plongeurs locaux prétendent avoir vu des gravures préhistoriques.

Sur la via ferrata della Restonica, nos mousquetons claquent contre les parois striées de quartz. Ces câbles modernes suivent pourtant d’anciens passages de chasseurs de mouflons, dont les pietre inchjuvate (pierres à cupules) servaient de bornes directionnelles. Un guide nous montre une fissure surnommée A Bocca di l’Infernu (« la bouche de l’enfer ») : selon la légende, les âmes des bandits corses y hurleraient les nuits de pleine lune.

En redescendant vers Corte, nous croisons des randonneurs qui remontent vers les cimes, leurs sacs chargés de drones et de gourdes high-tech. Ils ignorent peut-être qu’ils foulent les traces des paceri, ces médiateurs du Moyen Âge qui montaient aux lacs pour sceller des trêves entre villages ennemis, jurant sur l’eau pure des sommets.

La nuit tombe sur la Restonica quand nous atteignons le pont génois de Tavignano, arche parfaite où résonnent encore les sabots des mules chargées de laine. Un pêcheur lance sa ligne dans les remous, cherchant les truites arc-en-ciel introduites dans les années 1920 pour satisfaire les officiers coloniaux en villégiature. Quelque part dans la montagne, un berger allume un feu — minuscule étincelle qui clignote comme un phare dans l’obscurité minérale. La vallée, à présent, n’est plus qu’un souffle profond, battement de cœur de granit où se mêlent l’écho des clarines et le chant immémorial des eaux vives.

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LES LOGEMENTS près de Piana

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