Golfe de Pinarellu Porto-Vecchio Corse du Sud FRANCE +

En explorant le golfe de Pinarellu, situé à environ 20 kilomètres au nord de Porto-Vecchio, nous découvrons un véritable havre de paix.

Nous pénétrons dans le golfe de Pinarellu comme dans un rêve éveillé, où le sable blanc se fond dans l’écume des vagues, sous l’œil immuable des aiguilles de Bavella. Les pins parasols, courbés par les vents salins, dessinent des ombres mouvantes sur les dunes, tandis que l’eau turquoise laisse deviner les herbiers dansants où se cachent les loups de mer. Ce golfe, jadis repaire de pirates barbaresques, cache sous son apparente quiétude les strates d’une histoire tumultueuse.

Sur l’îlot de Pinarellu, la tour génoise dresse sa silhouette carrée, anomalie architecturale dans un paysage de rondeurs. Érigée en 1602 avec des pierres locales mêlées de corail broyé, elle servit de vigie contre les incursions ottomanes. Un graffiti à demi effacé sur ses murs épais raconte en dialecte corse : « Qui si leva a guardia, tene l’ochju à l’oriente » (« Qui monte la garde ici, garde l’œil sur l’orient »). Les gardes y allumaient des feux de lentisque, dont la fumée âcre signalait le danger aux villages alentour.

Le hameau de Pinarellu, accroupi autour de son port miniature, semble hors du temps. Ses barques aux couleurs passées — u Sognu, a Speranza — claquent doucement contre les pontons. Dans l’unique épicerie, Maria, descendante des pescadori qui défiaient les tempêtes, vend des anzini (bonbons au miel de maquis) et raconte comment, en 1943, des résistants cachèrent des armes dans les caves à poissons. « Les Allemands ne soupçonnaient jamais l’odeur de la morue salée », glisse-t-elle avec un clin d’œil.

En remontant vers la plage de Sorani, nos pieds s’enfoncent dans un sable si fin qu’il chante sous les pas. Les pins laricio, centenaires, portent des entailles en spirale — marques des résiniers qui, jusqu’aux années 1950, récoltaient la poix pour les chantiers navals de Gênes. Une crique secrète révèle des pétroglyphes mystérieux : cercles concentriques gravés par les navigateurs antiques, peut-être phéniciens, pour indiquer les courants favorables.

Août transforme les lieux lors du festival de jazz. Les notes de saxophone s’échappent de la tour génoise, résonnent sous les pinèdes où jadis retentissaient les cris des guetteurs. Un pianiste local nous confie que son grand-père, berger, composait des mélodies sur une cetera (cithare corse) en regardant les mêmes étoiles qui veillent aujourd’hui sur les concerts.

Au crépuscule, quand les derniers baigneurs quittent la plage, le golfe révèle sa magie secrète : des milliers de lucioles s’allument dans les tamaris, répétant la danse des phares d’autrefois. Nous nageons dans une mer phosphorescente, chaque mouvement traçant des constellations éphémères, tandis qu’au large, les barques des pêcheurs nocturnes dessinent des points d’or sur l’obscurité.

Pinarellu ne se contente pas de charmer — il ensorcelle. Entre les murs de la tour qui ont vu défiler des siècles de guetteurs et de musiciens, entre le sable mémoire des tempêtes et les pins témoins des amours clandestins, ce golfe est une promesse : celle d’une Corse où chaque grain de sel porte un fragment d’éternité. Nous repartons avec des écailles de lumière collées à la peau et, dans les oreilles, l’écho mêlé des vagues et des contrechants jazz.

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