Le Monastère de l’Abbaye d’Admont – AUTRICHE +

Depuis plus de 900 ans, les bénédictins de l’Abbaye d’Admont vivent et travaillent en suivant les principes de leur ordre, depuis la fondation de leur abbaye.
Sous la direction de l’abbé Gerhard Hafner, librement élu, les 24 moines se rassemblent plusieurs fois par jour pour la prière commune et la messe. Représentant toute la communauté chrétienne, ils intercèdent de manière particulière pour les préoccupations et les besoins de leur époque. En plus de leur service religieux, ils considèrent le service envers autrui comme une obligation spéciale.
Le complexe du monastère comprend plusieurs salles réservées à des expositions temporaires ou à des musées.
MUSEE D’HISTOIRE DE L’ART de l’Abbaye d’Admont


Le Kunsthistorisches Museum abrite d’importantes expositions couvrant une large période, du roman au rococo. On y trouve des peintures, des sculptures, des textiles et de nombreux autres objets précieux provenant des collections ou de la chambre d’art de l’abbaye d’Admont. Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par une rareté récemment acquise : une Vierge à l’Enfant gothique du XVe siècle, œuvre de Jakob Kaschauer.
Chaque année, une sélection d’objets provenant de la chambre parentale du monastère est présentée de manière impressionnante dans de grandes vitrines. Parmi ces pièces figurent la Gebhardsmitra (fin du XIVe siècle) et une chasuble (XVIe siècle), témoignant de l’évolution des vêtements religieux à travers différentes époques.
Le point culminant de la collection textile est le travail remarquable du bénédictin d’Admont, Benno Haan (1631-1720).
Il a créé une multitude de vêtements liturgiques et d’insignes pour l’abbaye d’Admont, chaque pièce étant d’une valeur inestimable et d’une qualité exceptionnelle.
En plus des parements brodés, le Kunsthistorisches Museum abrite des vitraux et des peintures sur panneaux datant du XVe siècle, un autel portatif (1375), le bâton de Gebhard avec coquille d’ivoire (XIIe/XIIIe siècle), un bâton d’abbé en dent de narval (vers 1680), le magnifique ostensoir de fête baroque, ainsi que des calices, des croix pectorales des abbés, et des peintures réalisées par d’importants artistes baroques autrichiens tels que Martin Johann Schmidt (« Kremser Schmidt »), Martino et Bartolomeo Altomonte, Johann Lederwasch.
Une salle distincte est dédiée au sculpteur monastique Josef Stammel (1695-1765).
MUSEE D’HISTOIRE NATURELLE de l’Abbaye d’Admont
Le musée d’histoire naturelle a été reconstruit par le père bénédictin d’Admont, Gabriel Strobl, alors âgé de 20 ans, après l’incendie dévastateur de 1865. Cette reconstruction a eu lieu entre 1866 et 1906.
Dans le cadre de ses travaux scientifiques, Strobl a constitué une collection impressionnante d’insectes, comprenant environ 252 000 spécimens. La collection de Diptères, forte de plus de 50 000 objets, représente à elle seule l’une des plus importantes d’Europe.
Au cours de ses 44 années d’activité, le père Gabriel Strobl a rassemblé les éléments de la collection que l’on peut désormais admirer dans le musée d’histoire naturelle, grâce à sa propre collecte, à des échanges, des achats et des dons.
La collection d’insectes, notamment la collection de diptères compilée par le père Gabriel Strobl il y a plus de 100 ans, revêt une importance particulière. Des recherches sont menées jusqu’à ce jour sur cette collection, avec des contacts établis avec des instituts internationaux et des experts reconnus qui s’efforcent d’approfondir les recherches et les typifications détaillées.
Les travaux scientifiques récents, notamment ceux de Milan Chvála, mettent en lumière la valeur de cette collection impressionnante dans le monde professionnel. La diversité des créatures des différents règnes de la nature, qu’elles habitent la terre, l’air ou l’eau, est représentée dans la salle. Les papillons européens, les plantes à spores séchées et pressées dans des armoires historiques le long du côté droit illustrent la coexistence harmonieuse des animaux et des plantes.
Le troisième domaine de la vie, l’eau, est également présenté dans cette salle à travers une collection de conchylia (coquilles de mollusques) et de préparations de poissons.
La « salle du lion » conserve son ambiance historique et doit son nom à un grand spécimen de lion d’Afrique de l’Est acquis par le père Gabriel Strobl auprès du célèbre chercheur africain Emil Holub. Les vitrines historiques renferment des expositions précieuses, notamment des mammifères et des oiseaux exotiques.
MUSEE GOTHIQUE de l’Abbaye d’Admont
Nous pénétrons dans la pénombre sacrée du musée gothique comme on entre dans un écrin de pierre et de lumière, où chaque vitrail devient soleil filtré à travers les siècles. L’abbaye d’Admont, fondée en 1074 par l’archevêque Gebhard de Salzbourg, déploie ici l’un de ses secrets les plus précieux : quatre-vingt-cinq chefs-d’œuvre médiévaux de la collection Mayer, suspendus entre terre et ciel dans une chorégraphie muette. Nos doigts effleurent mentalement les plis de pierre d’une Vierge à l’Enfant du XIVe siècle, son manteau bleu lapis encore strié d’or, où la tendresse maternelle se mue en géométrie divine – ces courbes parfaites qui firent dire au maître-collectionneur : « Le gothique est l’art de l’équilibre entre le cri et le silence ».
Au détour d’une salle voûtée en ogive, un Christ en croix en chêne polychrome nous fixe de ses yeux d’émail. Sculpté vers 1320 pour un cloître disparu des Préalpes autrichiennes, son torse arqué épouse la courbure des cieux médiévaux, tandis qu’à sa base, un dragon sculpté mord la hampe de la croix – symbole alchimique de la victoire sur les ténèbres. Près de lui, des panneaux peints racontent en médaillons vermillon la vie de saint Benoît, où les moines copistes deviennent des silhouettes d’or sur fond d’outremer broyé au lapis-lazuli.
L’anecdote nous chuchote à l’oreille : l’un de ces vitraux, représentant l’Annonciation, fut sauvé in extremis d’une église bombardée en 1945. Si l’on observe l’ange Gabriel de profil, on distingue dans les plis de sa robe les traces microscopiques d’un graffiti latin – « Hic habitat lux » (Ici réside la lumière) – gravé au diamant par un verrier anonyme du XVe siècle. Plus loin, une Pietà en tilleul nous saisit par son naturalisme troublant : les veines saillantes des mains du Christ, les larmes perlant sur les joues de Marie, jusqu’à l’imperceptible désaxement de sa tête exprimant un dehui qui transcende le dogme.
L’architecture même du musée dialogue avec les œuvres. Les niches murales, creusées dans l’épaisseur des murs romans de l’abbaye, accueillent les sculptures comme des reliques dans leur châsse originelle. Un ingénieux système de lumière zénithale, filtré par des verrières contemporaines en nid d’abeille, recrée l’éclairage mouvant des églises médiévales – à midi, un rayon frappe l’auréole d’un saint évêque en calcaire, faisant scintiller les particules de pyrite incrustées dans la pierre.
Notre parcours devient pèlerinage lorsque nous découvrons le Retable des Trois Rois, joyau méconnu de 1420. Ses volets peints s’ouvrent sur un jardin paradisiaque peuplé de licornes et de griffons, où l’offrande de la myrrhe prend la forme d’une fiole en verre de Venise – détail réaliste inséré dans un décor symbolique. Les conservateurs nous révèlent un secret : les carnations des visages ont été réalisées avec un mélange de blanc de plomb et de… sang de bœuf, technique byzantine perpétuée ici par les moines peintres.
Pour prolonger l’enchantement, un circuit nous entraîne des caves voûtées de l’abbaye – où des sculptures récemment restaurées dévoilent leurs polychromies originelles sous des strates de badigeons – jusqu’au scriptorium historique. Là, parmi les parchemins et les encriers de corne, un moine-enlumineur en habit traditionnel initie les visiteurs à l’art du feuillet d’or, faisant vibrer sous nos yeux les fonds irradiants des manuscrits gothiques.
Avant de partir, nous nous attardons devant une Crucifixion sur panneau de peuplier, dont le cadre sculpté de vignes et de lys cache une inscription en vieil allemand : « Wer kunst liebt, der liebt das licht » (Qui aime l’art, aime la lumière). Une maxime qui résonne sous les voûtes séculaires, alors que le soleil couchant embrase les vitraux modernes de l’abbatiale, projetant sur les murs de pierre une danche de couleurs que les maîtres verriers médiévaux n’auraient pas reniée.
MUSEE D’ART CONTEMPORAIN de l’Abbaye d’Admont
Nous traversons le cloître roman comme on passe un seuil entre les siècles, nos pas résonnant soudain sur du béton poli où se reflètent les voûtes millénaires. Dans ce dialogue inattendu entre pierres bénédictines et installations néon, l’Abbaye d’Admont déploie sa collection contemporaine comme un manifeste : l’art vit ici en respiration continue avec la règle de Saint Benoît. Depuis 1997, plus de 1 500 œuvres ont colonisé ces murs sacrés – certaines jaillissent des anciennes cellules des moines, d’autres dialoguent avec les fresques baroques, défiant le temps d’un clin d’œil postmoderne.
Au réfectoire gothique transformé en cabinet de curiosités actuelles, une œuvre de MADE FOR ADMONT nous saisit : un lustre de cristal de Swarovski par Susanne Schmögner, dont chaque pendeloque enferme un fragment numérique des manuscrits médiévaux de l’abbaye. La lumière danse sur les tables de chêne où s’alignaient jadis les bols des frères, projetant des hiéroglyphes lumineux qui semblent réécrire la Règle en langage binaire. Plus loin, dans l’ancien scriptorium, les toiles abstraites de Hannes Schwarz vibrent comme des enluminures électrisées – sa Fondation, léguée en 2002, déploie ici un opéra chromatique où l’or des icônes devient or industriel, coulé en plaques d’acier oxydé.
L’escalier en colimaçon nous mène à une surprise : une cellule monacale reconvertie en installation sonore par Bernhard Gál. Les murs de pierre nue amplifient des murmures en latin mêlés à des ondes électroniques, tandis qu’un hologramme de moine copiste trace en l’air des partitions de musique concrète. « C’est ici que frère Conrad méditait au XIIe siècle », chuchote un gardien, souriant devant notre étonnement. La fusion des temporalités atteint son paroxysme dans le chœur de l’abbatiale : suspendu au-dessus de l’autel, un mobile de Brigitte Kowanz transforme les vitraux en prismes lumineux, projetant sur le maître-autel baroque des algorithmes de lumière pure qui semblent calculer la grâce.
Les couloirs dévoilent des chocs contrôlés – une série de Gerhard Richter joue à cache-cache avec des stucs rococo, ses grattages de peinture évoquant des palimpsestes profanes. Plus loin, les photographies de Candida Höfer captent le silence des bibliothèques vides, écho contemporain au memento mori médiéval. Une salle entière est dédiée aux artistes émergents : les toiles vibrantes de Julia Maurer, jeune peintre autrichienne, côtoient des sculptures en fibre de carbone d’un collectif viennois, leurs formes organiques semblant germer des fissures de la pierre.
L’anecdote nous arrête devant une œuvre interactive de Erwin Wurm : un habit de moine en néoprène, posé sur un pédestal, que les visiteurs peuvent enfiler pour devenir « sculpture vivante » le temps d’un selfie. Derrière, un panneau explique que l’artiste a travaillé six mois avec les bénédictins pour capter l’essence spirituelle de la vie cloîtrée – son œuvre finale intègre des enregistrements des complies chantées, transformés en fréquences basses perceptibles par résonance corporelle.
Au sous-sol voûté, le clou de la collection attend : le « Jardin des métamorphoses » de Anna Jermolaewa. Des drones-robots sculptent en direct des blocs de marbre rose de Sankt Margarethen, copiant les gestes des tailleurs de pierre médiévaux tandis qu’une IA génère en temps réel des psaumes algorithmiques. Les étincelles des burins électriques dessinent dans la pénombre une constellation éphémère, hommage high-tech aux étoiles peintes sur les voûtes de l’abbatiale.
En sortant, nous croisons un groupe d’étudiants en art qui installent une performance éphémère dans le jardin aux simples – preuve que la boucle est bouclée. Depuis 900 ans, Admont cultive ce paradoxe fertile : être à la fois ancrage et tremplin, sanctuaire et laboratoire. Alors que le soleil couchant dore les façades baroques, les néons s’allument un à un dans les fenêtres gothiques, traçant une constellation urbaine dans la vallée styrienne. Ici, chaque acquisition, chaque commande, chaque résidence d’artiste devient un ora et labora revisité, où le pinceau et le code génétique prennent le relais du parchemin et de l’encensoir.
LA BIBLIOTHEQUE DE L’ABBAYE de l’Abbaye d’Admont
Nous pénétrons dans un sanctuaire où l’or et le savoir dansent sous la lumière dorée filtrant des hautes fenêtres. La bibliothèque de l’Abbaye d’Admont se dévoile comme une nef baroque aux proportions célestes, ses étagères blondes de noyer s’élançant vers les fresques envoûtantes qui ourlent la voûte. Construite sous l’abbatiat de Matthäus Offner, cette cathédrale du savoir déploie ses 70 mètres de longueur sur trois sections symboliques – un triptyque de pierre et de stuc où chaque pilier chuchote l’équilibre entre foi et raison. Josef Hueber, l’architecte visionnaire, a ciselé ici l’esprit des Lumières dans le marbre : colonnes corinthiennes cannelées, balcons ajourés en dentelle de bois, et un jeu de miroirs qui multiplie à l’infini les reliures de cuir, comme si chaque livre engendrait son propre reflet savant.
Levons les yeux vers le dôme où Bartolomeo Altomonte, octogénaire inspiré, a suspendu son testament pictural en 1776. Ses fresques déroulent l’odyssée de l’intellect humain : au centre, la Révélation divine éclate en un soleil doré entouré d’allégories dansantes, tandis que les coupoles latérales célèbrent les arts libéraux. Un détail nous ensorcelle : dans l’angle sud-ouest, un angelot espiègle tient un compas inversé, clin d’œil du peintre aux débats entre science et théologie. La lumière caresse les stucs de Joseph Stammel, dont les statues de Vertus semblent prêtes à descendre de leurs piédestaux – la Foi tenant un calice débordant d’encre plutôt que de vin consacré.
Nos doigts effleurent les tranches de parchemin d’un graduel du XIIe siècle, sa notation neumatique encore vibrante du chant des moines disparus. Dans les rayonnages qui montent jusqu’aux cimaises, 70 000 volumes veillent comme une armée silencieuse. Parmi eux, des joyaux font palpiter le cœur des initiés : un manuscrit carolingien aux enluminures peuplées de griffons, un incunable de Gutenberg annoté par Luther lui-même, ou cet herbier du XVe siècle où les fleurs pressées dégagent encore un parfum de myrrhe. Les librairies basses dissimulent des secrets – tiroirs à mécanisme secret contenant des cartes anciennes où l’Amérique naissante porte encore le nom de « Terre des Perroquets ».
Une odeur de cuir ancien et de cire d’abeille nous guide vers le globe terrestre de Coronelli, chef-d’œuvre de 1688 dont les méridiens en laiton brillent comme des routes vers l’inconnu. Un moine bibliothécaire nous montre du doigt une anomalie : l’Australie y figure comme une tache vide, hantée par la légende « Ici résident les esprits contraires ». Plus loin, une armoire vitrée expose le Codex Millenarius, bible du VIIIe siècle dont les lettres onciales semblent tracées avec des plumes d’archange.
Le clou de la visite se niche dans la section scientifique : un planétaire mécanique du XVIIIe siècle, ses engrenages d’argent reproduisant la danse des astres avec une précision qui défie l’Inquisition. Son créateur, un moine astronome, y grava cette devise énigmatique : « Chaque rouage est une prière ». Lorsque le soleil de midi inonde la salle, les dorures des reliures s’embrasent, projetant sur les fresques un kaléidoscope mouvant – on croirait voir danser les allégories d’Altomonte au rythme des savoirs accumulés.
En sortant, nos pas résonnent sur le marbre frappé d’un labyrinthe incrusté – symbole médiéval de la quête du savoir. Quelque part entre ces murs, un manuscrit inachevé attend son prochain copiste, perpétuant le cycle sacré qui, depuis 947 ans, fait de cette abbaye un phare où brûle l’huile sainte de la connaissance.
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