Chimpanzé d’Afrique centrale Pan troglodytes troglodytes +

Nous découvrons les chimpanzés d’Afrique centrale Pan troglodytes troglodytes au Limbé Wildlife Centre, au Cameroun évoluant dans un grand enclos planté de lianes, de fougères géantes et de palmiers raphia, reproduisant la densité des forêts pluviales de leur aire naturelle. Ces chimpanzés se distinguent immédiatement de leurs cousins du Nigeria-Cameroun par leur carrure plus massive et leurs proportions plus « graciles » : les mâles pèsent en moyenne près de 60 kg et mesurent jusqu’à 1,7 m tête et corps déployés, tandis que les femelles atteignent 45 kg pour environ 82 cm de haut. Leur pelage, d’un noir profond, s’éclaircit parfois de reflets gris sur le dos et laisse le visage plutôt dégarni, mettant en relief un front moins bourreleté que chez les autres sous-espèces et soulignant leurs traits expressifs. Leurs bras, nettement plus longs que leurs jambes, et leurs mains aux doigts élancés, courts pouces, leur offrent une prise parfaite sur les branches fines ; on les voit passer d’arbuste en arbuste avec une aisance remarquable, oscillant et se suspendant dans un ballet aérien typique de leurs capacités arboricoles.

Socialement, ces chimpanzés vivent en communautés de plusieurs dizaines d’individus, organisées en noyaux mobiles (fission-fusion). Nous les observons ponctuer la forêt reconstituée de pant-hoots profonds et résonnants – ces appels puissants qui rassemblent le groupe et établissent la hiérarchie – tandis que les femelles tissent autour des petits des réseaux de toilettage et de garde partagée. Leur intelligence s’exprime aussi par l’usage d’outils : tiges pour extraire les termites, pierres pour casser les noix, et parfois même de vraies séquences de coopération lors de séances de chasse sporadique aux petits colobes rouges. Ces stratégies leur apportent protéines et minéraux, mais c’est surtout dans les fruits mûrs – qu’ils consacrent près de 70 % de leur temps de chasse-cueillette – qu’ils puisent l’essentiel de leur énergie, complétant leur régime de feuilles tendres, de bourgeons, de champignons et d’insectes.

En coulisses, ces chimpanzés jouent un rôle écologique vital : disperseurs de graines, ils participent à la régénération de la forêt en abandonnant ici et là les noyaux et pépins des fruits qu’ils ingèrent, façonnant à terme la composition des essences. Confrontée à la déforestation, aux plantations industrielles et au braconnage pour la viande de brousse, leur population sauvage décline inexorablement, malgré des effectifs estimés entre 47 000 et 78 000 individus. Au Limbé Wildlife Centre, leur cohabitation avec les autres sous-espèces et le travail de réhabilitation des soigneurs nous rappellent l’urgence de protéger ces grands singes, dont chaque individu est le témoin et le gardien d’un écosystème parmi les plus riches de la planète.