Plage de Rondinara Bonifacio Corse du Sud FRANCE +

En découvrant la plage de Rondinara, nichée entre Porto-Vecchio et Bonifacio, nous sommes immédiatement séduits par sa forme en coquillage presque parfait.

Nous pénétrons dans la crique de Rondinara comme dans un sanctuaire marin, où la Méditerranée déploie son bleu le plus intime. La baie en fer à cheval, sculptée par les colères millénaires du levant, semble dessinée par un dieu géomètre – une perfection si troublante qu’on s’attend à voir surgir des néréides entre deux vagues. Le sable, poussière d’or mêlée de coquillages broyés, crisse sous nos pas en écho aux galets roulant au fond des eaux translucides.

Nos regards glissent vers les collines où le maquis, dense et parfumé, dévale vers la mer en vagues vertes. Ces terres furent le domaine des pastinelli, ces bergers nomades qui menaient leurs chèvres entre les rochers rouges striés de lichens. Un vieux pêcheur nous chuchote que le nom « Rondinara » vient des hirondelles (rundinelle en corse) qui nichaient jadis dans les falaises crayeuses : « Elles guidaient les barques perdues vers la baie, leurs cris couvrant le chant des sirènes ».

En plongeant, nos mains effleurent les herbiers de posidonie, forêts sous-marines où se cachent les poulpes aux reflets changeants. Ces plantes, sacrées pour les Grecs anciens, ont vu défiler les trirèmes romaines chargées d’amphores – on raconte qu’une épave sommeille toujours au large, son trésor de vin massique prisonnier du sable. Plus près du rivage, des enfants rient en construisant des châteaux de sable sur l’emplacement d’une tavula antique, table de pierre où les navigateurs phéniciens traçaient leurs cartes à l’ocre rouge.

Le soir, lorsque les derniers kayaks regagnent le rivage, Rondinara révèle ses secrets. Des pêcheurs locaux lancent leurs filets à la lueur des lampes tempête, perpétuant une tradition qui vit naître ici les premières tonnare, madragues pour la pêche au thon. Ils nous montrent une grotte discrète, creusée dans la falaise ocre : « Les contrebandiers y cachaient l’or des Bonaparte pendant la Révolution, protégés par le chant des cigales ».

Au petit matin, avant l’arrivée des estivants, nous suivons le sentier des douaniers vers Capu di Rondinara. Les genévriers noueux portent encore les entailles des bergers qui y gravaient des messages codés. De là-haut, la baie apparaît dans toute sa rondeur magique, cerclée d’écume comme un bijou posé sur velours turquoise. Un aigle de Bonelli plane au-dessus des rochers de granit rose, gardien silencieux des tombes préhistoriques enfouies sous le maquis.

En repartant, nos semelles gardent l’empreinte du sable doré – poussière d’étoiles selon les anciens, qui croyaient la plage façonnée par les larmes pétrifiées des sirènes. Rondinara n’est pas qu’une carte postale : c’est un palimpseste où se superposent les rêves des corsaires, les prières des matelots et les rires des enfants d’aujourd’hui. Nous emportons dans nos sacs des galets striés par les marées, et cette certitude que la mer, ici, chuchote encore les noms de tous ceux qui l’ont aimée.

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