La Cuisine en Angola +

Bife a la portugesa - KATE KERO Cabinda
Nous arrivons en Angola le ventre vide et l’esprit avide de découvertes : ici, chaque repas est une aventure, un voyage à travers les cultures qui se sont croisées depuis des siècles sur ces terres. À l’image de la population pluriethnique et multilingue, la cuisine angolaise est un vrai melting-pot gastronomique, où s’entrelacent saveurs africaines, influences portugaises et emprunts brésiliens. Au fil de nos pérégrinations, de Luanda à Soyo, de la côte atlantique aux collines de Benguela, nous goûtons à une valse de plats, tous plus délicieux les uns que les autres.
Le socle : manioc, maïs et huile de palme
Dans chaque pot en terre posé sur un feu de bois, crépite une mémoire : celle des gestes anciens, des produits de la terre et de la mer, des alliances héritées des siècles passés. Au cœur de la cuisine angolaise, deux piliers se dressent avec constance : le funge et l’huile de palme.
Le funge, cette boule souple et rassasiante, est la pierre angulaire du repas. Préparé à base de farine de manioc — ou de maïs, selon les régions —, il se teinte différemment selon les terroirs. Dans le nord du pays, sa couleur gris clair évoque la sobriété, tandis que dans le sud, le jaune solaire du maïs s’invite dans l’assiette. Longtemps considéré comme l’aliment des plus modestes, le funge s’est imposé dans tous les foyers, escortant les sauces onctueuses, les viandes mijotées, le poulet grillé ou le poisson frit.
L’huile de palme, quant à elle, donne aux plats angolais leur signature aromatique. Rouge, intense, presque charnelle, elle est extraite du palmier à huile (Elaeis guineensis) et utilisée sous deux formes : l’une, parfumée, pour les plats mijotés ; l’autre, plus discrète, pour les fritures. Dans cette huile se concentrent l’histoire, les savoir-faire, les échanges et les influences croisées de l’Afrique centrale et australe.
C’est dans cet univers de textures et de parfums que nous avons fait, à Cabinda, une découverte aussi savoureuse qu’inattendue :
le sacafolha de peixe e camarão.
Dans un modeste restaurant de Cabinda, le Kate Kero, en retrait du tumulte, on nous propose un plat que nous ne connaissons pas. Son nom intrigue : sacafolha — littéralement « ce qui sort de la feuille ». Sur une assiette encore fumante, se présente un petit paquet de feuilles soigneusement repliées, exhalant des effluves marins et boisés.
Dans chaque pot en terre posé sur un feu de bois, crépite une part de l’identité angolaise. À l’intersection des cultures d’Afrique centrale et australe, la cuisine du pays repose sur un socle ancien et robuste : le manioc, le maïs et l’huile de palme.
Parmi les plats les plus répandus, le funge tient une place centrale. Cette boule souple, presque élastique, est obtenue en tournant longuement de la farine de manioc — ou parfois de maïs — dans de l’eau bouillante. Gris clair dans le nord du pays, doré au sud, le funge accompagne les viandes en sauce, les poissons frits ou les ragoûts mijotés. Plat longtemps associé aux milieux modestes, il est aujourd’hui un repère culinaire incontournable.
À ses côtés, l’huile de palme rouge impose sa couleur et son parfum profond. Tirée de la pulpe du fruit du palmier à huile (Elaeis guineensis), elle est utilisée en cuisine sous deux formes : une huile puissante et aromatique pour les mijotés, une plus neutre pour les fritures. Elle incarne, à elle seule, l’âme olfactive des plats traditionnels.
C’est dans cette tradition généreuse et authentique que nous avons fait, à Cabinda, une rencontre marquante : celle du saka saka de peixe e camarão, un plat humble et somptueux, enraciné dans le quotidien.

À Cabinda, enclave angolaise entre le Congo-Brazzaville et la RDC, les influences culinaires sont puissantes et métissées. Dans une petite cuisine ouverte sur la cour, une femme s’affaire devant un feu de bois. Dans une grande marmite de fonte, mijote un mélange dense et vert foncé, d’où s’échappent des parfums boisés, marins et épicés : du saka saka, des feuilles de manioc pilées, cuisinées avec du poisson et des crevettes.
Le saka saka, aussi appelé pondu dans d’autres régions, est un plat long à préparer. Les feuilles de manioc, amères à l’état cru, doivent être lavées, hachées, pilées, puis cuites longuement pour libérer leur douceur végétale et leur texture soyeuse. À Cabinda, on y ajoute des filets de poisson bien choisis, parfois fumés, et des crevettes fraîches, souvent issues des rivières voisines ou de la mer toute proche. Le tout est lié par une sauce d’huile de palme rouge, enrichie d’oignons, de tomates, d’ail et de piment.
Servi avec du funge, ce plat est un pur concentré de la terre et de la mer, de la tradition et du partage. Le goût est à la fois puissant et subtil : le fond végétal du saka saka se mêle à la douceur iodée des crevettes, à la fermeté du poisson, et à l’onctuosité parfumée de l’huile de palme. Chaque bouchée évoque les marchés, les villages, les récits transmis autour du feu.
Le saka saka de peixe e camarão n’est pas seulement un plat ; c’est une manière d’être ensemble. Sa préparation lente rassemble les générations. On pile, on touille, on surveille la cuisson, on goûte, on ajuste. Chacun y va de son savoir-faire, de son tour de main. C’est un plat qui prend son temps — et c’est précisément ce qui fait sa richesse.
Dans ce coin de Cabinda, entre la luxuriance des palmiers et l’humidité des rizières, nous avons compris que l’Angola culinaire ne se limite pas à quelques recettes. Il s’agit d’une culture du goût, du feu, du partage — un art du quotidien où les feuilles, les tubercules et les fruits de mer racontent une histoire de résistance, de transmission et de joie simple.
Feijão noir à Cabinda : l’âme noire dans l’assiette angolaise
En Angola, la cuisine ne se conçoit pas sans certains piliers : le funge, le manioc, l’huile de palme… mais aussi le feijão noir, ce haricot foncé à la peau luisante, si riche en goût et en histoire. Présent sur les étals des marchés, vendu au poids dans de grands sacs ouverts, le feijão noir est une denrée essentielle, aussi précieuse que polyvalente. À Cabinda, enclave du nord-ouest de l’Angola bordée par la République du Congo, il constitue l’un des accompagnements phares proposés dans les restaurants locaux, souvent à côté du poisson frit, du poulet grillé ou des plats mijotés au palmier.
Dans les marchés de Cabinda, il n’est pas rare de croiser des femmes assises derrière de vastes étals, calebasses en main, ou bassines en plastique, en train de doser minutieusement le feijão noir pour leurs clientes. Ici, on l’achète au poids, selon les besoins de la semaine, à la poignée, au seau ou au bol. C’est un aliment économique, riche en protéines végétales, en fibres, et qui permet de nourrir les familles avec goût et satiété.
Le feijão noir se cuisine lentement, longuement mijoté dans de l’eau salée, parfois avec une pointe d’ail, d’oignon et de laurier. À Cabinda, l’ajout d’un filet d’huile de palme vient enrichir sa texture et exalter ses arômes. Il peut aussi être relevé de piment frais ou séché, selon les préférences. Dans certains foyers, on y incorpore même un peu de poisson sec, de l’os de bœuf ou un fumet de viande pour en rehausser le goût.

Dans les restaurants, il est proposé en accompagnement d’un plat principal : poisson grillé, calulu, moamba de galinha, ou même le célèbre saka saka de peixe e camarão. Son goût doux et terreux, sa texture fondante, et sa couleur noire intense en font un contrepoint parfait aux plats relevés ou frits.
L’usage du feijão noir en Angola porte en lui le double héritage de l’histoire du pays : d’une part africain, puisqu’on retrouve des légumineuses similaires dans de nombreuses cultures bantoues ; d’autre part brésilien et portugais, où le haricot noir est aussi roi dans des plats comme la feijoada. L’Angola, ancienne colonie portugaise, a vu se croiser des influences des deux continents — et cela se ressent dans ses assiettes.
À Cabinda, cette richesse culinaire est palpable : ici, le haricot noir est à la fois un souvenir de l’esclavage, un symbole de résistance, et un ingrédient de la fête.
Le feijão noir est plus qu’un simple accompagnement : il fait partie de la mémoire collective, de la cuisine familiale, des grandes tablées du dimanche. On le cuisine pour les baptêmes, les funérailles, les fêtes religieuses… mais aussi pour tous les jours, car il est accessible, nourrissant et essentiel.
En période de crise ou d’abondance, le feijão reste là — constant, fidèle, réconfortant. Il est cette colonne invisible qui soutient l’architecture invisible de la cuisine angolaise.
À Cabinda, le feijão noir n’est pas simplement un haricot. C’est un marqueur culturel, un liant social, un compagnon du quotidien. À travers lui, c’est tout un pan de l’identité culinaire angolaise qui s’exprime : simple, profonde, généreuse.
Alors, la prochaine fois que vous savourerez un plat de feijão noir fumant à Cabinda, pensez au chemin parcouru par ce petit haricot : des marchés poussiéreux aux foyers chaleureux, il est le symbole silencieux d’une cuisine enracinée dans la terre et dans le cœur.
Les grands classiques de la tradition
Muamba et ses déclinaisons
Nous découvrons la Muamba de Galinha, un ragoût de poulet mijoté dans une sauce au dendê (huile de palme), relevé de ginguba (arachides) broyées et de légumes. Chaque cuillerée révèle la douceur des noix torréfiées et la pointe piquante du piment, un équilibre parfait entre Afrique et Brésil. À Soyo, région pétrolière du nord, la Muamba de Ginguba de Caju associe la chair ferme du poulet à la douceur acidulée de la noix de cajou, signature locale qui nous transporte.
Poissons et fruits de mer
Le cherne (mérou), poisson roi du littoral, se décline à l’infini :
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Arroz de Cherne, riz créole agrémenté de morceaux de mérou et parfois de crevettes, trempé dans un bouillon parfumé.
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Mérou grillé ou rôti au four, servi entier, peau croustillante, chair nacrée.
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Brochettes de cherne, où la marina à l’ail et au citron vert sublime la saveur iodée.
Plus abordable mais tout aussi savoureux, le calulu de peixe seco associe poisson séché, légumes-feuilles et manioc, tandis que la moqueca de peixe (héritage brésilien) mijote avec lait de coco, coriandre et dendê. Autant de plats qui illustrent la richesse du fleuve Congo et de l’océan Atlantique.
Chopa grillé — un classique de la cuisine angolaise
Nous l’avons goûté au Númina, perché sur le plateau au-dessus des chutes de Calandula : le chopa grillé y tient une place simple et souveraine, plat du terroir servi généreusement après une matinée d’exploration.
Le terme chopa est un nom vernaculaire employé en Angola pour désigner un poisson d’eau douce consommé localement. Selon les pêcheurs et les marchés, il s’agit généralement d’un poisson de rivière — pris dans la Lucala et d’autres cours d’eau régionaux — au corps plutôt allongé et à la chair blanche, ferme et floconneuse après cuisson. Plutôt maigre que grasse, sa texture tient bien à la cuisson au feu vif, ce qui le rend idéal pour la grille. Plutôt que de chercher un équivalent scientifique unique, gardons à l’esprit que « chopa » désigne ici un poisson local courant, apprécié pour sa fraîcheur et sa chair délicate : c’est avant tout le produit du lieu, pêché et mangé rapidement, ce qui fait toute sa qualité.
Le poisson grillé occupe une place centrale dans les régions proches des rivières et de la côte : c’est un aliment quotidien, simple et nourrissant. Il se partage en famille, au bord de l’eau ou dans les petites cantines. Au Númina, comme ailleurs, le chopa grillé est servi sans prétention mais avec soin — un plat rustique qui valorise l’ingrédient plutôt que la sophistication.
Accompagnements habituels : riz blanc, « funge » (purée compacte de manioc ou de maïs), bananes plantains frites, légumes mijotés ou une salade fraîche. À Calandula, la combinaison la plus fréquente est : chopa grillé + riz + légumes + quartiers de citron ou de lime.
Le chopa grillé, tel que nous l’avons dégusté au Númina de Calandula, est le parfait exemple d’une cuisine qui respecte le produit et le lieu : simplicité, fraîcheur, équilibre des saveurs. C’est un plat qui nourrit autant le corps que l’émotion — parce qu’il porte la chaleur d’une région, le geste d’un cuisinier et la générosité d’un repas partagé après une journée de voyage.
Autre incontournable du littoral angolais : les gambas grillées.

Qu’elles soient simplement saisies sur le feu ou marinées à l’ail, citron et huile de palme, leur chair juteuse et leur goût iodé en font une spécialité prisée dans les restaurants comme dans les foyers. À
Cabinda, elles sont souvent servies avec de la banane frite, dans une alliance sucrée-salée typiquement angolaise, ou accompagnées de pirão, une pâte moelleuse à base de manioc.

Grillées à la perfection, les gambas libèrent tous les arômes de la mer tout en conservant une texture ferme. Symbole de la générosité de la côte, elles incarnent à la fois simplicité, fraîcheur, et maîtrise culinaire.
Un plat phare qui résume à lui seul la chaleur de l’accueil et la richesse des produits angolais.
Au Miami Beach, nous avons goûté une version parfaitement maîtrisée de ce plat côtier : une épaisse tranche de garoupa grillée à la chapa, nappée d’un molho de limão e coentros qui joue sur l’équilibre acide-herbacé. Dès l’arrivée dans l’assiette, la promesse est là : la peau légèrement caramélisée, la chair ferme et nacrée, le jus qui s’échappe à la découpe — et ce condiment lumineux qui réveille le poisson sans l’écraser.
La cuisson « à la chapa » exige chaleur vive et vigilance : le contact direct de la plaque permet de saisir la surface du filet, d’obtenir une fine croûte dorée et de préserver l’intérieur, moelleux et juteux. Au Miami Beach, la tranche était dressée avec une cuisson au point — ni sèche ni translucide —; on sentait la fraîcheur du produit, signe d’un approvisionnement local ou régional de qualité.
Le sauce citron-coriandre qui accompagne la garoupa joue un rôle essentiel : acidité citronnée (ou citron vert selon les habitudes locales) pour dégraisser et réveiller, huile d’olive ou beurre pour la suavité, ail finement confit et une poignée de coriandre fraîche ciselée pour la note verte. Le bouquet de coentros apporte cette signature aromatique qui, chez nous, évoque immédiatement l’Atlantique lusophone. Un filet de jus frais juste avant de servir parachève l’ensemble.
Thon & saveurs angolaises : traditions lusitanes et créativité locale
Nous avons découvert, tout au long de notre séjour angolais, que le thon occupe une place étonnamment créative et conviviale dans la cuisine locale — à la fois produit de la mer tout proche et ingrédient facilement décliné par des cuisiniers qui mêlent héritage portugais et goûts africains. Voici un panorama gourmand et pratique de la cuisine autour du thon en Angola, en prenant appui sur nos trois plats dégustés au Madeirense Cidade : le lombinho de atum grelhado, le bife de atum com molho de vilão et le prego de atum no bolo do caco.Le thon se prête à toutes les préparations : entier, en tranche, émietté, grillé, mariné, braisé ou incorporé dans un sandwich. Sa chair dense, presque « carnée », permet tant des cuissons rapides et précises (comme un steak ou un filet saisi) que des préparations plus généreuses. Dans les restaurants côtiers, il arrive souvent ultra-frais, sorti du filet du matin ; dans les établissements urbains, il peut aussi provenir de conserves de qualité ou de décongélation maîtrisée — les deux usages cohabitent selon l’approvisionnement.

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Le lombinho de atum grelhado — la pureté du poisson
Le lombinho — le filet ou la tranche noble du thon — grillé simplement est la façon la plus directe de sentir la mer. Nous l’avons apprécié pour sa cuisson précise : extérieur marqué, intérieur rosé, chair ferme. À Luanda, les chefs aiment peu masquer la matière première : une pincée de sel, un trait d’huile d’olive, un soupçon de jus de citron ou de vinaigre et éventuellement une herbe aromatique (coriandre, persil) suffisent. Ce plat illustre la fraîcheur et la qualité du produit ; il est souvent servi avec des légumes croquants, une salade verte ou des tubercules (pommes de terre, plantain) qui équilibrent la mâche du thon. -
Le bife de atum com molho de vilão — force et contraste
lombinho de atum grelhado
Le bife de atum nappé d’un molho de vilão montre une autre facette : la capacité du thon à supporter des sauces robustes. Le nom de la sauce peut varier d’un établissement à l’autre, mais l’idée est la même : une sauce corsée, parfumée et relevée — piri-piri pour la chaleur, tomate et oignon pour la structure, parfois un peu de vin ou de vinaigre pour l’acidité, de l’ail et des épices fumées. Ce type de plat illustre l’influence portugaise (préparations en sauce) revisitée avec des condiments locaux — piments, huile de palme ou jus de citron africain selon les régions. Le contraste entre la chair iodée du thon et la puissance aromatique de la sauce est ce qui rend le plat mémorable : on prend à la fois la pureté de la mer et l’intensité des goûts de la terre. -
Le prego de atum no bolo do caco — fusion portugaise-angolaise
prego de atum no bolo do caco
Le prego est un classique portugais (sandwich à la viande), et le bolo do caco est un pain madérien moelleux et légèrement grillé. La version au thon que nous avons dégustée fusionne subtilement ces traditions : thon mariné et grillé, pain tiède, éventuellement une sauce à l’ail ou une mayonnaise relevée, quelques feuilles de salade. C’est la preuve que la cuisine angolaise sait prendre des modèles lusophones et les adapter à la ressource locale — ici le thon remplace la viande, gagnant en fraîcheur et en légèreté. Ce format « street food » ou plat de bistrot fonctionne particulièrement bien : il est nourrissant, convivial et parfait pour un déjeuner urbain.
Le thon provient de l’océan Atlantique qui borde l’Angola ; selon les ports, on trouve du thon frais pêché localement. Côté durabilité, il est prudent de s’enquérir auprès du restaurant de l’origine du poisson (pêche locale vs importée, méthode de pêche). Demander au chef ou au serveur permet souvent d’obtenir une indication sur la fraîcheur et la provenance — un geste simple qui participe à une consommation responsable.
En somme, le thon en Angola est un passe-partout culinaire : il sert autant la simplicité pure d’un lombinho grelhado que la générosité d’un bife en sauce ou la convivialité d’un prego revisité. Ces trois plats dégustés au Madeirense Cidade montrent à quel point la cuisine angolaise sait dialoguer avec les influences portugaises tout en valorisant les richesses de son littoral. Lors de nos prochains repas, nous continuerons à demander d’où vient le poisson — par curiosité gustative et par responsabilité — et nous garderons à l’esprit la formidable capacité d’adaptation des chefs locaux.
Le requin dans la cuisine angolaise : entre tradition et saveurs marines
Lorsque nous parcourons les côtes angolaises, de Luanda jusqu’à Namibe, nous découvrons une cuisine façonnée par l’océan. Parmi les trésors que les pêcheurs ramènent au port, il en est un qui surprend et intrigue : le requin. Loin de l’image de prédateur marin qui domine notre imaginaire, ici, le requin est aussi un mets recherché, qui a depuis longtemps trouvé sa place dans les assiettes et les traditions culinaires angolaises.

Dans les marchés de Benguela ou de Lobito, nous apercevons souvent des morceaux de requin soigneusement découpés, leur chair ferme exposée à la vente. Les habitants parlent avec fierté de ce poisson, qui se prête à une multitude de préparations. Frais, il est cuisiné en caldeirada, un ragoût généreux où le requin mijote avec tomates, oignons, poivrons et herbes locales, accompagné de manioc ou de riz blanc. Fumé, il prend une tout autre dimension : son goût intense rappelle les saveurs ancestrales, celles qui se transmettent de génération en génération, en lien avec les méthodes de conservation des communautés côtières.
Le requin est souvent séché au soleil, une technique traditionnelle qui lui donne une texture ferme et une saveur concentrée. Ces morceaux séchés, que l’on retrouve dans de nombreux foyers, sont utilisés pour préparer des sauces riches, parfumées à l’huile de palme et relevées de piri-piri. Dans certaines régions, ils deviennent l’ingrédient principal de plats familiaux servis lors des grandes occasions.
Mais au-delà de la cuisine, le requin porte une dimension culturelle. Sa pêche, encore artisanale dans de nombreux villages, relie les familles à la mer et nourrit des récits transmis au fil du temps. Les pêcheurs parlent du courage nécessaire pour capturer ce poisson puissant, tandis que les cuisiniers louent sa capacité à absorber les épices et à se marier aux saveurs fortes de la cuisine angolaise.
Goûter au requin en Angola, c’est plonger dans un univers où la mer s’invite au quotidien avec une intensité rare. Nous comprenons alors que ce n’est pas seulement un plat : c’est une manière de vivre la mer, de transformer un animal redouté en une ressource précieuse, respectée et sublimée dans l’assiette. Chaque bouchée raconte une histoire — celle des pêcheurs, des familles, et d’un peuple qui tire de l’océan une part essentielle de son identité culinaire.
Les kikétas, un goût d’Angola venu de la mer
Nous nous souvenons encore de notre première rencontre avec les kikétas, ces petites palourdes que l’on trouve sur les côtes angolaises, nichées dans le sable humide des plages ou dans les estuaires. Leur coquille discrète, souvent marbrée de beige et de brun, cache une chair tendre et iodée qui évoque l’océan dans toute sa puissance. Dans la cuisine angolaise, les kikétas sont bien plus qu’un simple coquillage : ils sont une tradition, un goût d’enfance, une fierté culinaire que l’on partage entre amis et en famille.
Au marché, les marchandes les proposent dans de grands paniers, encore mouillées d’eau salée. Le bruit des discussions se mêle au parfum de l’océan, et nous savons déjà que le repas sera généreux. En Angola, les kikétas se cuisinent de multiples façons. La plus simple consiste à les faire revenir dans une sauce à base d’ail, d’oignons, de tomates et d’huile de palme ou d’huile végétale. Ce plat, servi avec du riz blanc, met en valeur le goût subtil et légèrement sucré de la palourde. D’autres recettes, plus élaborées, intègrent les kikétas aux caldeiradas — des ragoûts de poisson et de fruits de mer hérités de la tradition portugaise — ou aux moquecas parfumées au lait de coco.
Chaque bouchée nous transporte vers l’Atlantique. Les kikétas portent avec elles l’identité d’un littoral où la pêche artisanale reste vivante. Ramassées à la main ou draguées avec de petits filets dans les zones côtières, elles rappellent la patience des pêcheurs et la générosité de la mer. À Luanda, Benguela ou Namibe, il n’est pas rare de les déguster dans de petites échoppes au bord de la plage, souvent accompagnées d’une Cuca fraîche, la bière nationale.
Historiquement, les kikétas témoignent aussi du métissage culinaire angolais. Héritées des pratiques locales de cueillette et intégrées aux influences portugaises, elles représentent cette cuisine où la terre et la mer dialoguent sans cesse. Si les viandes — notamment la caldeirada de cabrito ou le churrasco — occupent une place importante dans l’assiette, les fruits de mer, et particulièrement les kikétas, rappellent l’ouverture du pays vers l’océan.
Leur popularité dépasse d’ailleurs la sphère domestique : dans les fêtes, les pique-niques sur la plage ou les rassemblements familiaux, les kikétas symbolisent la convivialité. On les partage dans un grand plat fumant, chacun se servant à la main, au rythme des conversations et des éclats de rire.
Goûter aux kikétas, c’est donc entrer dans l’âme culinaire de l’Angola : un mélange d’héritages africains et atlantiques, de simplicité et de raffinement, de mémoire et de modernité. Ces petites palourdes, discrètes à l’œil mais puissantes en goût, rappellent que parfois, les trésors de la gastronomie se trouvent dans les détails les plus humbles, ceux que l’on savoure au bord de la mer, les pieds encore couverts de sable.
Les viandes et grillades
Carne Seca et Cabrito

Dans l’intérieur, la carne seca rappelle la charque brésilienne : viande de bœuf salée et séchée, réhydratée puis mijotée dans une sauce tomate-oignon, relevée de piment. À Huíla ou au Haut-Cunene, le cabrito (chevreau) rôti se savoure lors des fêtes, la peau dorée à point, la chair tendre imbibée de jus de cuisson.
Si les grands classiques de la grillade angolaise font la part belle à la viande rôtie au feu de bois ou mijotée longuement, la cuisine du quotidien, elle, s’illustre aussi dans des plats simples, copieux et pleins de goût. Servis dans les restaurants populaires ou les pizzerias locales, les menus du jour reflètent une cuisine domestique revisitée pour le service en salle. À Cabinda, nous découvrons ainsi une assiette généreuse et colorée : arroz (riz), molho de beringela (sauce à l’aubergine) et batata frita com carne (frites avec de la viande).
Ce trio fonctionne à merveille : le riz blanc, neutre mais moelleux, vient absorber la richesse de la sauce d’aubergine, souvent relevée d’ail, de tomate et d’oignon, tandis que les frites dorées s’accompagnent d’une viande en sauce, le plus souvent du bœuf ou du porc effiloché. Ce plat est à la fois familier et convivial, il réconforte, rassasie, et révèle une autre facette de la cuisine angolaise : celle des repas quotidiens, préparés avec simplicité mais sans compromis sur le goût.
Dans de nombreux restaurants, ce type d’assiette est proposé à prix fixe le midi, souvent en formule buffet, ce qui permet d’en goûter les variations selon les jours. Une belle façon de se plonger dans la gastronomie populaire du pays, là où la viande reste un élément central du repas, mais toujours accompagnée d’une garniture savoureuse qui fait toute la différence.
Le bife de alcatra, une valeur sûre de la cuisine angolaise
Parmi les plats de viande les plus courants dans les restaurants populaires d’Angola, le bife de alcatra (steak de rumsteck) occupe une place de choix. Tendre, savoureux, facile à préparer et à accompagner, il fait partie des classiques de la cuisine urbaine, tout en s’adaptant à différents budgets et occasions.
L’alcatra, terme portugais qui désigne le rumsteck, est une coupe issue de la partie arrière du bœuf, appréciée pour sa tendreté relative et sa saveur marquée. En Angola, le bife de alcatra est généralement servi grillé, accompagné de frites, de riz, d’un œuf sur le plat (ovo a cavalo) et parfois de quelques légumes sautés. Cette version, bien que simple, offre un concentré d’énergie et de plaisir gustatif, très apprécié à la pause déjeuner ou en soirée.
Dans de nombreuses cantines de quartier, restaurantes populares ou refeições rápidas, le bife de alcatra est proposé à un prix accessible, entre 3000 et 5000 AOA l’assiette selon les accompagnements. Il séduit par sa cuisson minute et son côté rassasiant. Certains établissements le marinent à l’ail, au piri-piri ou à la sauce soja avant de le saisir, pour renforcer les arômes.
Pour celles et ceux qui souhaitent cuisiner chez eux, on trouve désormais très facilement du bife de alcatra congelé en supermarché. Conditionné par lots de plusieurs tranches, il est vendu en moyenne à 13 300 AOA le kilo. Une option pratique pour les repas rapides à domicile, avec une viande déjà découpée et prête à l’emploi. Il suffit de la faire mariner quelques minutes puis de la saisir à la poêle ou au grill pour obtenir un résultat savoureux.

Le Bife de Maminha, morceau prisé de la pointe de la croupe du bœuf, est de plus en plus apprécié en Angola, notamment dans les restaurants et churrasqueiras qui se multiplient dans les grandes villes comme Luanda, Benguela ou Lubango. Héritage de l’influence brésilienne et portugaise sur la gastronomie locale, cette pièce tendre et juteuse s’impose comme un incontournable des amateurs de viande.
En Angola, le Bife de Maminha est généralement préparé de façon simple afin de respecter la qualité de la viande : une cuisson à la braise, relevée d’un assaisonnement minimaliste à base de sel, d’ail pilé et parfois d’un filet d’huile végétale ou d’huile de palme. Certains chefs choisissent également de mariner la viande dans une sauce légère composée de vin blanc, d’oignons et de poivre noir, ce qui lui confère une saveur riche et parfumée.
Servi saignant ou à point selon les préférences, le Bife de Maminha s’accompagne souvent de funge de manioc ou de maïs, de riz blanc, de bananes plantains frites ou de pommes de terre sautées. Dans les foyers, il peut aussi être présenté avec une sauce tomate épicée, typiquement angolaise, qui relève le goût de la viande.
Au-delà de sa dimension culinaire, le Bife de Maminha est un plat de convivialité : il s’invite dans les repas de famille du dimanche, lors des célébrations ou des retrouvailles entre amis. Dans une Angola où la viande de bœuf reste un mets de choix, souvent réservé aux grandes occasions, cette coupe symbolise un certain raffinement mais aussi le partage autour du feu et de la table.
Ainsi, le Bife de Maminha incarne parfaitement la rencontre entre tradition angolaise et influences lusophones, révélant l’art de cuisiner la viande avec simplicité, générosité et caractère.
À Luanda, il est étonnamment facile de se procurer de la viande de bonne qualité — y compris en version surgelée — et les grandes surfaces comme Shoprite en sont de très bons pourvoyeurs (mais ce n’est pas la seule adresse). Dans les rayons, on trouve du bœuf, du porc et de la volaille conditionnés pour répondre aux besoins des cuisines familiales comme des restaurants : pièces entières, morceaux portionnés, et souvent des découpes très fines conçues pour saisir rapidement ou mijoter. Nous optons pour les tranches fines pour les enfants : elles cuisent en un clin d’œil sur la grille, restent tendres et faciles à mâcher, ce qui permet de moduler assaisonnements et piments avec douceur pour les palais sensibles.
Dans la zone des produits sous vide, on repère plutôt des pièces plus épaisses, taillées dans l’épaisseur et idéales pour le barbecue. Ces pièces conservent leur jus et leur fraîcheur grâce à l’emballage hermétique et offrent souvent un bon persillage qui promet une belle intensité en bouche après cuisson. C’est ce type de pièce que nous réservons pour nous : sur la grille, elles acceptent une saisie à feu vif pour caraméliser la croûte, puis une cuisson en zone indirecte ou une méthode « reverse-sear » pour atteindre le degré de cuisson souhaité sans dessécher le cœur.
Toute la cuisson se fait au barbecue et nous surveillons les temps avec attention pour garantir une viande juteuse. Les tranches fines passent quelques dizaines de secondes par face sur une partie très chaude de la grille — juste le temps nécessaire pour obtenir une belle coloration et une cuisson homogène — tandis que les pièces épaisses demandent d’abord une flambée vive pour former une croûte, puis un temps plus doux à chaleur indirecte jusqu’à ce que la température intérieure soit parfaite. Nous contrôlons souvent la cuisson au thermomètre pour les pièces épaisses et laissons ensuite reposer quelques minutes la viande avant de la trancher, afin que les jus se ré répartissent. Pour la volaille, nous restons particulièrement vigilants et prolongeons légèrement la cuisson afin d’assurer la sécurité alimentaire sans perdre en moelleux.
En pratique, un bon dégel au réfrigérateur (idéalement 24 heures pour une grosse pièce), un assaisonnement mesuré, une grille bien chauffée et l’attention portée aux timings font toute la différence. Ce soir, donc, nous ferons griller les steaks épais pour les adultes et les tranches fines pour les enfants — tout au barbecue, tout en veillant aux temps de cuisson pour que chacun ait, dans son assiette, une viande tendre et juteuse. Bon appétit !

La cuisine angolaise se distingue par son mariage subtil entre produits locaux et héritage portugais. Si le poisson, la morue séchée ou encore le poulet grillé occupent une place importante dans les repas quotidiens, le porc n’en reste pas moins une viande appréciée, surtout dans les régions de l’intérieur où il est associé à des plats généreux et conviviaux.
Parmi ces préparations, le febra de porco est l’un des mets les plus emblématiques. Hérité de la tradition portugaise mais pleinement intégré à la gastronomie angolaise, il s’agit de morceaux de porc marinés puis grillés. La marinade, simple mais savoureuse, associe généralement ail, vinaigre, huile, piment piri-piri et parfois un trait de bière ou de vin blanc. Cette combinaison donne à la viande une intensité aromatique unique, entre chaleur épicée et acidité subtile.
À Calandula, dans le décor spectaculaire des célèbres chutes d’eau, le febra de porco prend une dimension particulière. À l’hôtel Numina, le plat est servi dans une atmosphère où la nature environnante semble dialoguer avec la cuisine. Dans l’assiette, les morceaux de porc grillés sont à la fois tendres et croustillants, dégageant un parfum fumé irrésistible. Le plat est accompagné de frites dorées et croustillantes, parfois d’un peu de riz ou d’une salade fraîche, créant un équilibre entre simplicité et gourmandise.
Déguster ce febra de porco sur la terrasse du Numina, avec la brise venant des chutes et le grondement de l’eau en arrière-plan, est une expérience sensorielle complète. On retrouve dans cette assiette l’esprit même de la cuisine angolaise : une table de partage, où la viande est mise à l’honneur et où chaque bouchée raconte l’histoire d’un métissage culinaire, entre racines africaines et influences portugaises.

Au-delà du goût, le porc en Angola illustre aussi la convivialité. Le febra de porco se partage en famille ou entre amis, souvent accompagné d’une bière locale bien fraîche comme la Cuca, ou d’un verre de vin portugais. Plus qu’un simple repas, il devient un moment de rencontre et de chaleur humaine.
Goûter au febra de porco à Calandula, c’est donc bien plus que découvrir une spécialité : c’est vivre une expérience où la gastronomie et le paysage s’entrelacent, laissant un souvenir à la fois gourmand et inoubliable.
Après une matinée de safari à suivre les silhouettes élancées des cobes et des gnoux, nous avons découvert, à la table du Kissama Lodge, une version angolaise irrésistible d’un grand classique d’origine portugaise : la bifana no prato. Ici, point de sandwich (no pão) comme à Lisbonne ; la viande est servie dans l’assiette, nappée de jus, avec des accompagnements bien d’Angola. Un plat simple en apparence, mais diablement efficace après la poussière des pistes.
La bifana est à l’origine une fine escalope de porc saisie très vivement après une marinade à l’ail, au vin blanc, au vinaigre, au laurier et au colorau (paprika doux), souvent relevée au piri-piri. En version no prato, on récupère la sauce de cuisson pour en napper la viande, et on sert le tout avec des garnitures.
Au Kissama Lodge, la bifana adopte les codes de la savane côtière : Porc local (échine ou longe) taillé fin, parfois martelé pour plus de tendreté; Marinade généreuse : ail pilé, laurier, paprika, pointe de cumin, vin blanc sec, un trait de vinaigre de canne, piri-piri frais, Cuisson sur plaque (ou poêle bien chaude) pour saisir et garder le cœur juteux, puis déglaçage au vin et au jus de citron vert.

La bifana no prato est un héritage portugais assumé, mais son assiette à Quicama parle le langage local : l’huile de palme parfois glissée dans la sauce, la farine de manioc qui « boit » le jus pimenté, la lime qui réveille la viande, et la Cuca bien fraîche qui accompagne. C’est l’exemple parfait de l’empreinte luso-angolaise : technique ibérique, produits et accompagnements d’ici.
L’entrecosto de porco, ou côte de porc marinée et grillée, est un plat emblématique qui traverse les cuisines lusophones, mais trouve en Angola une expression bien particulière. Héritage de la gastronomie portugaise, ce mets s’est enraciné dans les foyers angolais, où il se marie aux saveurs locales, aux braises de charbon et aux accompagnements typiques comme le funge, les légumes sautés ou le riz parfumé.
Préparé au four, au tacho (marmite) ou sur le gril, l’entrecosto se distingue par sa marinade généreuse : ail, citron, piment, vin blanc, et parfois miel ou gingembre. En Angola, on y ajoute volontiers une touche de piripiri, de massala, ou de mufete (mélange d’épices locales), selon les régions et les influences.
Ce plat est souvent servi lors des réunions familiales, des dimanches festifs, ou dans les quintais (cours arrière) où l’on cuisine au feu de bois. Il incarne une cuisine de partage, de générosité, et de convivialité.
L’empreinte portugaise :

Le Bife à la portuguesa
C’est au Portugal, dans une petite tasca de quartier à Lisbonne, que nous avons découvert pour la première fois les bifes à la portuguesa. Et ces retrouvailles ont eu lieu… à Cabinda, bien loin de Lisbonne, dans le cadre élégant et climatisé du restaurant Apolonia, situé à deux pas du port. C’est une assiette familière qui arrive : un steak généreux, nappé de jus à l’ail, surmonté d’un œuf encore tremblant, accompagné de riz moelleux, de frites croustillantes et d’une salade fraîchement assaisonnée. Le goût est au rendez-vous. Ce n’est pas une copie, c’est une transmission. Et c’est dans ce décalage géographique que réside toute la magie de ce plat.

Originaire des tavernes portugaises, ce plat de bifteck est un classique des brasseries et auberges familiales. Il tire sa force de la simplicité : une belle pièce de bœuf, du bon ail, une huile d’olive parfumée, un œuf au plat, et une garniture qui réconcilie toutes les faims. Ce n’est pas de la grande cuisine, mais c’est de la vraie cuisine. Celle qui rassasie autant qu’elle relie.
La viande est souvent un morceau tendre de rumsteck, d’entrecôte (comme au Kate Kero) ou de faux-filet. Elle est simplement assaisonnée de sel, de poivre, et frottée à l’ail frais, puis grillée à feu vif dans un peu d’huile d’olive (parfois enrichie d’un filet de beurre). L’objectif est d’obtenir une croûte caramélisée à l’extérieur et un cœur encore rosé. Dans la même poêle, on fait ensuite glisser un œuf au plat, que l’on dépose sur la viande. Le tout est arrosé d’un peu de jus de cuisson et servi sans fioritures. Riz blanc, frites dorées et salade de tomates et concombres viennent compléter l’ensemble, avec un trait de vinaigre et d’huile d’olive pour la fraîcheur.
Chez Apolonia, le plat est servi avec autant de soin qu’au Portugal. Le chef, même un jour de fermeture habituelle, a accepté de nous le préparer, comme un clin d’œil à notre passé culinaire. Le cadre ajoute à l’expérience : une salle fraîche, lumineuse, donnant sur la piscine, avec le murmure du port tout proche. C’est là que nous avons redécouvert ce plat, non comme une simple recette, mais comme un pont gustatif entre deux mondes, celui des anciens colons portugais et des traditions culinaires encore bien vivantes en Angola.
Feijoada en Angola : un plat aux racines métissées, symbole de convivialité
Dans les ruelles animées de Luanda comme dans les villages de l’intérieur, un arôme familier monte des marmites chaque dimanche : celui de la feijoada, ce plat robuste et parfumé qui incarne à lui seul la richesse du métissage culinaire angolais. Héritée de la tradition portugaise, adaptée au fil du temps aux produits locaux et aux goûts africains, la feijoada est aujourd’hui bien plus qu’un simple repas : c’est une institution.

Importée par les colons portugais, la feijoada tire son nom du mot feijão, « haricot » en portugais. Elle naît à l’origine comme plat populaire, souvent cuisiné avec des restes ou des morceaux moins nobles de viande (oreilles, queue, pieds de porc), mijotés longuement avec des haricots noirs dans un bouillon richement aromatisé.
En Angola, cette base a été réinterprétée à travers les ressources du terroir africain : si les haricots noirs restent souvent au cœur de la recette, ils peuvent être remplacés par des haricots rouges selon les régions. La viande, quant à elle, varie : charcuteries locales, viande fumée, bœuf salé, parfois même volaille ou poisson séché viennent enrichir le plat.
L’usage des épices locales (ail, laurier, piment, gingembre) et l’ajout possible d’huile de palme dans certaines recettes confèrent à la version angolaise une identité propre, plus corsée, plus terrienne, avec une texture plus épaisse et des saveurs plus intenses.

La feijoada en Angola est rarement un plat de semaine. Elle demande du temps, de la patience, et surtout une bonne raison de rassembler du monde autour de la table. On la prépare en quantité, pour nourrir les familles élargies, les voisins, les invités de passage. Elle symbolise l’hospitalité, la générosité, et le partage, valeurs profondément enracinées dans la société angolaise.
Traditionnellement servie avec du riz blanc, elle peut aussi être accompagnée de fungi (purée de manioc), de farofa (semoule de manioc grillée) ou même de bananes plantains frites. Dans certaines régions, on y ajoute des légumes à feuilles amères (kizaca, matapa) ou des morceaux de potiron pour équilibrer la richesse des viandes.
Au-delà de sa dimension gastronomique, la feijoada est un marqueur d’identité, un plat qui relie l’Angola à son passé colonial tout en témoignant de sa capacité à s’approprier et réinventer ce legs culinaire. Elle est souvent au menu lors des grandes fêtes, des réunions familiales, ou même dans certains restaurants de prestige qui en proposent des versions revisitées.
Dans les quartiers populaires, elle se déguste dans des gargotes animées, servie dans des bols brûlants, au rythme de la kizomba ou du semba. Dans les zones rurales, elle reste associée aux traditions ancestrales, transmise de mères en filles, chaque famille ayant sa propre version, jalousement gardée.
Aujourd’hui, la feijoada évolue. Des chefs angolais contemporains la revisitent avec créativité : réduction du gras, cuisson plus rapide sous pression, substitution de certaines viandes par des alternatives végétales ou locales. Mais le cœur du plat reste le même : ce goût profond, presque fumé, cette chaleur enveloppante, cette impression de lenteur et de générosité.
Dans un pays où la nourriture raconte autant que les mots, la feijoada demeure un récit vivant, un pont entre les époques, un lien entre les peuples. Chaque cuillerée, chaque haricot fondant, chaque morceau de viande bien mijoté rappelle que la cuisine, ici, est d’abord affaire de cœur et de mémoire.
Cozido — le grand ragoût qui relie deux mondes
Quand nous parlons de plats qui racontent une histoire, le cozido occupe une place à part : il est à la fois mémoire et table, tradition portugaise adaptée aux produits et aux rythmes de l’Angola. Préparé lentement, partagé généreusement, il incarne cette cuisine du partage où se mêlent viandes, charcuteries, tubercules et légumes, et où la convivialité prime sur l’ostentation.

Sur le plan historique, il est facile de tracer la filiation. Le cozido trouve ses racines dans la longue histoire culinaire portugaise de la marmite familiale, ce grand ragoût polyvalent qui s’adaptait aux saisons et aux disponibilités. Introduit dès la période coloniale, il n’a pas été simplement « transplanté » : ici, il a absorbé des ingrédients, des techniques et des goûts locaux. En Angola, le manioc, la patate douce, la banane plantain et la généreuse présence de charcuteries locales comme le chouriço ont modifié son profil gustatif. Le résultat est un plat qui dit autant le Portugal que la côte et l’arrière-pays africain — une vraie rencontre culinaire.
La recette traditionnelle, dans notre cuisine à la villa ou chez nos hôtes, commence comme un rituel. On saisit d’abord les morceaux de viande pour caraméliser les sucs, on déglace au vin blanc et on laisse mijoter doucement, accompagnant la cuisson d’ail, d’oignon, de laurier et parfois d’un bouquet d’herbes. Puis on ajoute les tubercules : grosses pommes de terre, manioc coupé en tronçons, igname ou patate douce. Le chou, toujours présent dans certaines variantes, vient apporter une texture tendre et légèrement sucrée, tandis que les saucisses et le lard glissent leurs parfums enfumés dans le bouillon. Le long temps de cuisson transforme la marmite en une sorte d’écrin olfactif : la maison se remplit d’une odeur profonde, chaleureuse, presque théâtrale, qui annonce le repas partagé.

Ce qui fait la force du cozido angolais, c’est cette capacité à réunir des éléments contrastés en une même bouchée. Le moelleux des tubercules répond à la mâche salée des viandes, la vivacité du bouillon rehausse la matière grasse des charcuteries, et la banane plantain frite, souvent servie en accompagnement, apporte cette note sucrée-salée devenue si familière. Nous aimons le servir en deux temps : un bol du bouillon fumant en entrée, puis un grand plat de viandes et de légumes au centre de la table, chacun se servant à volonté. À Luanda, le cozido se partage volontiers avec du funge — cette semoule de manioc travaillée en boule —, avec du riz blanc ou avec du pain rustique, selon les habitudes du moment.
Il existe autant de cozidos que de familles. Chez certains, le chouriço domine et colore le bouillon d’une teinte plus dense et épicée ; chez d’autres, on privilégie une version « de mer » où le poisson ferme et les crustacés remplacent une partie des viandes et sont ajoutés en fin de cuisson. Les villes côtières auront tendance à jouer la carte marine, tandis que l’intérieur du pays proposera des variantes plus centrées sur les tubercules et les viandes fumées. Le plat se prête aussi aux adaptations contemporaines : chefs urbains et amateurs zélés proposent des versions plus légères, en réduisant la part grasse ou en augmentant la proportion de légumes racines, sans perdre l’âme du cozido.
Sur le plan symbolique, le cozido fonctionne comme un miroir social. Il est plat de fête et plat du quotidien, il réunit les générations et traverse les conditions économiques. Quand nous préparons un cozido dans notre villa, il nourrit une tablée nombreuse et raconte, en même temps, l’histoire des migrations culinaires, des échanges et des appropriations. Il illustre parfaitement l’idée que la cuisine n’est pas un patrimoine figé mais une pratique vivante, capable d’accueillir des influences tout en conservant une identité propre.
Le chouriço assado com pão fatiado : une tradition partagée, de Lisbonne à Luanda

Impossible de ne pas évoquer le chouriço lorsqu’on parle des héritages portugais qui marquent encore aujourd’hui les tables angolaises. Ce saucisson de porc, généralement assaisonné d’ail, de paprika et de vin rouge, a traversé l’Atlantique avec les colons portugais, et s’est enraciné dans les habitudes alimentaires d’une partie de la population.
S’il existe en Angola sous plusieurs formes — parfois fumé, parfois simplement séché — le chouriço assado, grillé à la flamme, reste l’une des manières les plus populaires et spectaculaires de le déguster. Dans les restaurants ou chez l’habitant, il n’est pas rare de voir le chouriço posé entier sur un petit grill individuel, parfois flambé à l’aguardente (eau-de-vie), pour être doré sous les yeux des convives.
Ce mode de cuisson met en valeur la richesse de sa graisse, qui fond et parfume la chair, tout en créant une croûte légèrement croustillante à l’extérieur. Tranché ensuite en rondelles épaisses, il est souvent servi accompagné de pain tranché (pão fatiado), légèrement grillé lui aussi ou simplement disposé dans une corbeille. Ce duo simple et rustique a conquis les cœurs : il incarne la convivialité, l’authenticité, et la générosité d’une cuisine qui aime les saveurs franches.
Au-delà du goût, c’est tout un imaginaire partagé qui s’invite à table. Le chouriço assado com pão fatiado rappelle les tavernes portugaises autant que les soirées entre amis à Luanda ou à Benguela. Il symbolise l’un de ces nombreux ponts culturels entre l’Angola et le Portugal : une tradition culinaire qui a été adoptée, adaptée, mais jamais trahie.
À Soyo, le chouriço assado ne se contente pas d’arriver en amuse-bouche : il prend place au centre de l’assiette comme un vrai plat principal. Le saucisson, souvent grillé lentement sur des braises ou poêlé jusqu’à exhaler ses parfums fumés, est servi en rondelles généreuses ou en morceau entier, sa peau légèrement caramélisée renfermant une chair grasse et savoureuse qui libère un jus corsé à la découpe.
Pour équilibrer cette intensité, l’assiette s’articule autour de compagnons simples et généreux. Le riz blanc absorbe les sucs et la sauce, offrant une base neutre et réconfortante ; les frites apportent le croustillant et la satiété, contrastant avec la texture moelleuse du chouriço. La touche originale — et typiquement angolaise — vient de la banane plantain frite, sucrée et fondante, qui joue le rôle d’un contre-point sucré-salé très apprécié : elle tempère le gras et prolonge la dégustation.
La salade tomate-oignon-concombre, fraîche et vinaigrée, achève l’équilibre du plat : acidité, croquant et fraîcheur nettoient le palais entre deux bouchées, rendant le repas plus digeste et lumineux. Selon les maisons, la vinaigrette peut comporter un filet d’huile d’olive, du citron vert ou un soupçon de piment pour relever le tout.
Servi traditionnellement pour partager — sur une grande assiette à placer au centre de la table ou individuellement —, le chouriço assado se prête à la convivialité : on coupe, on passe, on trempe le pain ou le riz dans les sucs. Côté boisson, une Cuca bien fraîche ou une boisson locale accompagne parfaitement le mélange fumé-salé-sucré.
En bref : à Soyo, le chouriço assado com arroz, batatas fritas, banana frita e salada est un plat populaire et rassurant, à la fois simple et riche en saveurs — une incarnation parfaite du métissage lusophone et local, où tradition portugaise et goûts angolais se rencontrent dans une assiette généreuse.
la morue à l’honneur : l’héritage portugais mijoté à la sauce angolaise
En Angola, la morue n’est pas un simple poisson : c’est un fragment d’histoire, un legs colonial transformé en trésor national. Sur les étals des marchés comme dans les cuisines familiales, elle trône, rigide et dorée, salée à cœur, attendant patiemment de reprendre vie sous les doigts habiles des cuisinières angolaises. Ce poisson venu du nord est devenu ici, au sud-ouest de l’Afrique, une évidence culinaire, un symbole de résilience et de métissage.
C’est avec les navigateurs portugais que la morue, ou bacalhau, a abordé les côtes angolaises il y a plus de 500 ans. Séchée et salée pour supporter les longues traversées de l’Atlantique, elle était au départ un aliment de réserve. Mais très vite, l’Angola en a fait un ingrédient du quotidien, l’appropriant avec passion. La légende dit qu’il existe 365 recettes différentes de bacalhau, une pour chaque jour de l’année. Et à l’ombre des manguiers comme dans les quartiers modernes de Luanda, cette maxime prend tout son sens.
La richesse de la morue angolaise ne se résume pas à sa simple cuisson : elle réside dans l’inventivité des préparations, dans ce mariage subtil entre tradition européenne et produits du terroir africain.
Nous découvrons d’abord le bacalhau à Brás : des miettes de morue savamment déssalées, revenues à feu doux avec des oignons, de fines pommes de terre frites en allumettes et des œufs brouillés. Le tout est délicatement relevé d’olives noires et de persil. Ce plat populaire au Portugal trouve en Angola un public fidèle, séduit par sa texture fondante et sa chaleur réconfortante.
Plus étonnant, le bacalhau com migas, rare et généreux : ici, la morue repose sur un lit de mie de pain dorée, revenue dans l’huile d’olive, l’ail et parfois des herbes locales. Rustique et nourrissant, ce plat évoque les saveurs rurales, mais avec un raffinement tout lisboète.
Puis, vient la surprise africaine, la véritable rencontre entre deux mondes : la moamba de bacalhau. Ce plat, typiquement angolais à l’origine, est revisité ici avec la morue comme ingrédient principal. Le poisson y est doucement mijoté dans une sauce onctueuse à base d’huile de palme, de feuilles de manioc, de gombos ou de pâte d’arachide. Le résultat est un festival de textures et de parfums, un dialogue savoureux entre l’océan Atlantique et la terre rouge d’Afrique centrale.
La morue en Angola est bien plus qu’un héritage. Elle est devenue une composante de l’identité nationale, dégustée pendant les grandes fêtes, à Noël notamment, ou lors des repas du dimanche en famille. On la cuisine avec soin, on la dessale longuement, on en respecte la texture. Elle évoque la nostalgie du passé, mais aussi la capacité d’un peuple à transformer les vestiges de la colonisation en éléments de fierté et de création.
Aujourd’hui, la morue est partout : sur les tables populaires comme dans les cartes des grands restaurants. Elle s’adapte aux goûts contemporains, parfois allégée, parfois réinterprétée, mais toujours respectée.
En Angola, la morue n’est pas étrangère : elle est devenue angolaise. Salée, mijotée, frite ou émiettée, elle raconte l’histoire d’un pays qui, loin de rejeter son passé, l’a intégré dans sa mémoire et dans sa cuisine, avec cette élégance propre aux grandes cultures culinaires.
Avec 500 ans de présence portugaise, l’Angola a adopté le bacalhau comme plat national : morue séchée et salée, déclinée en 365 variantes selon la légende. Nous dégustons :
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Bacalhau à bras, émietté avec pommes de terre et œufs brouillés,
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Bacalhau com migas, servi sur un lit de mie de pain dorée,
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Moambe de bacalhau, fusion angolaise où la morue mijote dans la sauce palmiste.
La Francesinha : un pont gourmand entre Porto et Luanda

La Francesinha, littéralement « la petite Française », est l’un de ces plats qui voyagent et se réinventent au gré des terres où ils s’installent. Née à Porto dans les années 1950, inspirée du croque-monsieur mais enrichie à l’excès par la générosité portugaise, elle est rapidement devenue une institution culinaire. Pain de mie garni de plusieurs viandes — bœuf, jambon, saucisse fumée, parfois même un filet de porc grillé —, nappée de fromage fondu et baignée dans une sauce épaisse, légèrement piquante à base de tomate, de bière et de piri-piri, la Francesinha est à elle seule un repas de fête.
En Angola, cette spécialité lusitanienne a trouvé une nouvelle vie. Importée par les colons portugais, elle a été adoptée, adaptée, et intégrée dans la scène culinaire locale, au point de devenir aujourd’hui un plat emblématique des restaurants populaires comme des tavernes plus spécialisées. On la retrouve surtout à Luanda, où la forte présence portugaise a laissé des traces dans la gastronomie : la Francesinha y est revisitée avec des ingrédients locaux, parfois accompagnée de frites croustillantes à l’angolaise, relevée de sauces plus pimentées, ou même parfumée à l’huile de palme pour rappeler les saveurs profondes du terroir.
C’est précisément cette version que nous avons eu la chance de savourer au São João, une adresse réputée de la capitale. Servie généreusement, la Francesinha déborde d’arômes et d’excès. L’assiette nous arrive brûlante, nappée de sauce épaisse aux reflets rougeâtres, le fromage coulant comme une couverture fondue. Dès la première bouchée, on sent la richesse du mélange : le pain imbibé absorbe le jus relevé, la charcuterie fumée contraste avec la tendresse de la viande, et le tout est rehaussé par une pointe de piment qui lui donne un accent bien angolais.
À table, le silence s’installe rapidement, chacun absorbé par cette montagne de saveurs. Ce qui frappe, c’est la façon dont la Francesinha incarne à elle seule le dialogue entre le Portugal et l’Angola : un plat importé, mais jamais figé, qui s’adapte aux produits et aux goûts locaux. En sortant du São João, nous avons compris que la Francesinha n’est pas seulement un monument de la cuisine portugaise : en Angola, elle est devenue une véritable spécialité identitaire, symbole de la gourmandise partagée entre deux mondes.
Burgers & Pizzas à l’angolaise — quand le monde s’accorde aux saveurs locales
Les pizzas et les hamburgers ne sont pas de simples importations en Angola : ils sont des toiles où les cuisiniers peignent avec les ingrédients du pays. Dans les établissements balnéaires comme le Miami Beach, ces plats prennent une saveur locale qui raconte à la fois la présence portugaise, les produits de l’Atlantique et l’imaginaire culinaire contemporain.

La Pizza Milano de Gindungo (version du Miami Beach) en est un bon exemple. Sur une base de sauce tomate, la Milano assemble viande et poulet en morceaux, rondelles de tomate fraîche, lamelles de poivron et grains de maïs. Le piment doux « gindungo » — parfois décliné en huile ou en condiment maison — peut venir relever la pâte et les garnitures, apportant une chaleur aromatique contrôlée. Le résultat : une pizza généreuse, où la chair grillée se marie à la douceur du maïs et au croquant du poivron, la tomate fraîche apportant de la jutosité et de la lumière. La pâte, parfois cuite au four traditionnel ou au feu de bois, gagne en caractère lorsqu’elle prend un léger croquant sur le pourtour tout en restant moelleuse au centre. C’est une pizza qui se lit comme un plat de partage — urbain, convivial, ancré dans des produits simples mais bien mis en œuvre.

Côté burgers, l’offre va du snack populaire au gourmet revisité. Le Hamburguer Miami, servi au Miami Beach, illustre parfaitement l’idée d’un hamburger « complet » à l’angolaise : un gros steak saignant ou cuit au choix, tranches de jambon et de bacon croustillant, un œuf au plat dont le jaune coulant vient enrichir la sauce, des feuilles de salade et des tranches de tomate pour la fraîcheur, et enfin une généreuse dose de « sauce burger » maison — crémeuse, légèrement relevée, parfois agrémentée d’une pointe de piri-piri. L’ensemble est monté dans un pain toasté qui supporte la générosité des ingrédients et se sert souvent avec des frites ou — pour la touche locale — une portion de banane plantain frite. Le Hamburguer Miami n’est pas seulement un empilement d’ingrédients ; c’est une construction gustative où le salé (jambon, bacon), le gras (steak, jaune d’œuf), l’acide (tomate) et l’amer frais (salade) se répondent.
Ces deux plats montrent plusieurs tendances de la scène culinaire angolaise contemporaine :
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L’appropriation locale : ingrédients internationaux (pâte, pain, fromage) se marient à des produits du terroir (poivrons locaux, maïs, chouriço, plantain), créant des hybrides savoureux.
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L’importance du produit de la mer et de la terre : même sur une pizza ou un burger, la fraîcheur et la provenance des ingrédients font la différence — gambas, poissons ou viandes locales transforment un plat ordinaire en proposition marquée.
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Le jeu des textures et des contrastes : croustillant vs moelleux, sucré (plantain, maïs) vs salé (bacon, chouriço), chaud vs acidité (sauce tomate, citron) — des équilibres recherchés par les cuisiniers.
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La convivialité : ces plats sont pensés pour être partagés, consommés en terrasse, accompagnés d’une bière locale (Cuca) ou d’un jus frais.
En conclusion, pizzas comme burgers en Angola ne se contentent pas d’imiter des modèles étrangers : ils racontent l’ouverture d’un pays au monde, la créativité des chefs locaux et la façon dont des produits simples peuvent, par des combinaisons inattendues, devenir de véritables signatures culinaires. La Pizza Milano de Gindungo et le Hamburguer Miami sont deux exemples limpides : typiques, généreux, et profondément angolais dans leur manière d’assembler saveurs et convivialité.
Tables emblématiques : du maquis aux marchés
Les « maquis » de rue
Partout, des barbecues improvisés annoncent la cuisson du poisson braisé ou du poulet grillé, vendus à l’unité, avec funge ou frites de plantain. On s’y arrête pour un repas rapide, animé par la musique du moment, Rumba ou Kuduro.
Saveurs du buffet : la cuisine populaire d’Angola
Quand nous poussons la porte d’un restaurant angolais proposant un buffet, comme le Triangulo de Malanje, ce n’est pas seulement pour manger : c’est pour prendre le pouls d’un pays. Le buffet — qu’il soit simple cantine urbaine, buffet familial servi à l’assiette dans un établissement provincial, ou grand banquet lors d’un évènement — est un excellent révélateur des influences, des ingrédients locaux et du rapport angolais à la table : généreux, communautaire et ancré dans des traditions culinaires aux racines africaines et lusophones.
La gastronomie angolaise qui se déploie dans les buffets est le produit d’un long métissage :
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Les traditions autochtones (préparations autour du manioc, du mil, des bananes plantain et des poissons d’eau douce) ;
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L’héritage portugais (techniques, goût pour les sauces à base de tomates et d’ail, plats comme la feijoada) ;
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Les influences brésiliennes et mozambicaines qui se retrouvent dans les usages de la noix de palme, des piments et de certains ragoûts.
Ce mélange se ressent instantanément au buffet : une assiette peut marier funge de manioc et calulu de poisson, côtoyer une portion de riz bien cuit et quelques morceaux d’une viande braisée relevée.
Les formats varient grandement :
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Buffet à l’assiette (servi par le personnel) : courant dans de nombreuses villes — le client choisit ou se voit servir une composition d’un ou deux plats chauds, riz, accompagnements et une garniture. Ce mode permet de contrôler les portions et d’assurer la fraîcheur.
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Buffet libre / self-service : plus fréquent lors d’événements, de grandes cantines ou de restos modernes, où l’on se sert soi-même.
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Buffet festif : en fêtes ou mariages, présentant une grande diversité : ragoûts, poissons, grillades, salades, desserts traditionnels.
Peu importe la formule, le principe demeure : variété, générosité et des mets pensés pour être partagés.
Voici les vedettes que l’on rencontre le plus souvent (avec leurs noms usuels) :
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Funge (funje, funge de mandioca / funge de milho) : pâte compacte à base de farine de manioc ou de maïs, servie en accompagnement — l’aliment de base.
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Calulu : ragoût de poisson (ou parfois de viande) avec feuilles de manioc, tomates, oignons et huile de palme.
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Muamba de galinha : poulet mijoté avec huile de palme, gingembre, ail et parfois gombos.
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Feijoada / feijão : ragoût de haricots souvent agrémenté de viande ou de saucisses, version lusophone très appréciée.
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Pescado grelhado : poissons grillés — en bord de mer comme à Luanda, souvent présents au buffet quand l’approvisionnement le permet.
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Carne grelhada / churrasco / bife : pièces de bœuf, côtes ou « picanha » grillées.
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Banana frita / mandioca frita : plantains frits et manioc frit, incontournables accompagnements sucrés-salés.
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Salades et légumes mijotés : souvent simples mais rafraîchissants (tomates, oignons, chou).
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Desserts traditionnels : pap (bouillie), fruits locaux, ou douceurs aux ingrédients simples (lait, sucre).
Le buffet n’est pas seulement pratique ; il est social. Il rassemble les familles, permet aux communautés de célébrer et donne aux voyageurs un aperçu authentique de la cuisine du pays. Nous constatons souvent que c’est autour du buffet que se nouent les conversations, que se transmettent les astuces culinaires et que se partage la générosité.
Les buffets en Angola traduisent à la fois la contrainte logistique d’un pays vaste et la créativité des cuisiniers : on y retrouve la capacité à transformer des ingrédients modestes (manioc, poisson sec, épices locales) en plats réconfortants et nourrissants. Ils sont aussi le reflet d’une culture de partage — et pour nous, voyageurs, un moyen délicieux de comprendre un peu mieux l’Angola, une assiette à la fois.
Les marchés aux poissons
Praia de Cacuaco : au cœur du marché aux poissons
Ici se tient l’un des marchés aux poissons les plus vivants de la région. Ici, la vie suit le rythme de la mer. Les pirogues colorées reviennent du large, tirées sur le sable par des pêcheurs aux gestes précis, façonnés par des années d’expérience. Leurs voix se mêlent au fracas des vagues et au cri des mouettes.
Sur le sable, pas de stands fixes : seulement des bassines et des paniers débordants de produits frais. L’air est saturé d’odeurs marines, relevées par la fumée des feux où cuisent déjà quelques poissons. Nous trouvons des clams à 2000 AOA le seau, du requin à 4000 AOA la darne de 500 g, et de belles gambas à 5500 AOA les 600 g. Quelques langoustes attirent notre regard, mais elles sont petites : les pêcheurs expliquent que la pression de pêche, combinée à l’absence de réglementation stricte sur la taille minimale, conduit à capturer des spécimens avant maturité, limitant ainsi leur croissance.
La vie ici est rude : revenus fluctuants, matériel souvent sommaire, mer capricieuse… mais aussi une grande fierté. Certains vendent directement sur place, d’autres fournissent restaurants et marchés de Luanda. Cette activité, majoritairement artisanale, est un héritage transmis de génération en génération.
L’ambiance est brute et chaleureuse : le sable comme sol, les filets séchant au soleil, les enfants jouant autour des pirogues, et la mer en toile de fond, toujours prête à offrir à la fois la subsistance et la beauté.
Les douceurs d’Angola : voyage au cœur d’une gourmandise partagée
L’Angola, terre de contrastes et de métissages, ne se résume pas à ses paysages, à sa musique ou à sa cuisine salée. Il faut aussi plonger dans l’univers des desserts populaires, souvent méconnus, mais profondément enracinés dans la vie quotidienne. Des marchés animés aux foyers familiaux, des plages aux fêtes traditionnelles, les douceurs angolaises se transmettent, se dégustent, se partagent — et racontent une histoire : celle d’un pays où le sucre, la noix de coco, la fleur d’oranger ou la cacahuète deviennent des vecteurs d’émotion.
Les “bolinhos” de Cabinda – une douceur de rue à l’âme populaire
Sur les trottoirs animés de Cabinda, entre klaxons, marchandes de fruits et parasols colorés, une odeur légèrement sucrée attire le passant attentif. Dans de simples boîtes en plastique transparentes, soigneusement empilées sur un plateau ou une table improvisée, trônent de petits beignets ronds à la teinte dorée, poudrés d’un voile de sucre cristallisé. C’est ainsi que nous faisons la rencontre de l’une des gourmandises les plus populaires de cette enclave angolaise : les “bolinhos”, également appelés “bolas de farinha” en portugais.
Ces beignets, à la fois moelleux à cœur et légèrement croustillants à l’extérieur, sont une déclinaison locale de douceurs partagées bien au-delà des frontières angolaises. On les retrouve sous le nom de “mikate” au Congo voisin ou encore de “puff-puff” dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest anglophone. Leur préparation est simple mais généreuse : farine de blé, levure, un soupçon de sucre, parfois relevée d’une pointe de muscade ou de vanille, le tout frit à l’huile jusqu’à obtenir une texture dorée et gonflée. Le sucre ajouté après cuisson apporte une touche finale irrésistible, qui ravit aussi bien les enfants que les adultes.
Ces beignets se dégustent le plus souvent tièdes, à toute heure de la journée, mais ils sont particulièrement prisés au petit-déjeuner ou en en-cas, avec un café noir ou une infusion locale. Peu coûteux et faciles à emporter, ils font partie intégrante du paysage urbain, vendus à la volée par des femmes aux gestes sûrs, souvent héritiers d’un savoir-faire transmis de mère en fille.
Mais au-delà de leur apparente simplicité, les bolinhos de Cabinda racontent bien plus qu’une recette : ils parlent d’économie informelle, de résilience, de solidarité communautaire. Dans une région où le quotidien peut être rude, ces douceurs sont une forme de résistance douce, un moyen de gagner dignement sa vie tout en tissant un lien invisible entre la tradition culinaire et la vie de tous les jours.
Pour nous, ces beignets n’ont pas seulement été un plaisir sucré sur le bord d’une route. Ils ont été une porte d’entrée vers la ville, une manière savoureuse d’entrer en contact avec les habitants, d’échanger un sourire, une anecdote, un moment de vie. À travers eux, Cabinda s’est offerte à nous dans ce qu’elle a de plus vrai : une chaleur humaine sincère et une cuisine modeste mais profondément généreuse.
Bolo de coco à Cabinda : la douceur ensoleillée de la noix de coco
À Cabinda, la noix de coco n’est pas seulement un fruit : c’est un parfum d’enfance, une empreinte du quotidien. Il suffit d’une promenade dans les rues pour que l’odeur chaude et sucrée de la coco grillée vous saisisse. Elle sort des cuisines, s’échappe des fours, embaume les marchés. Et au cœur de cette atmosphère, un dessert règne en maître : le bolo de coco.
Ce gâteau moelleux, doré à souhait, a beau venir d’une tradition lusophone, il a trouvé à Cabinda une identité propre. Préparé avec générosité, il mêle la simplicité des ingrédients à l’abondance de la noix de coco râpée, sèche ou fraîche. On y ajoute parfois du lait de coco pressé à la main, un zeste de citron vert ou une pointe de vanille, pour le parfumer à la manière locale. Chaque quartier, chaque famille a sa variante. Parfois cuit dans un four à bois, parfois nappé d’un sirop de lait concentré, le bolo de coco se transforme au gré des mains qui le façonnent.
On le trouve partout : sur les étals des vendeuses ambulantes, dans les cafés au petit matin, ou sur les grandes tables familiales lors des mariages, des fêtes, des retrouvailles. Coupé en parts carrées, triangulaires, servi chaud ou froid, il accompagne les instants simples comme les plus festifs. Il parle à tout le monde. Aux enfants qui le grignotent après l’école, aux adultes qui l’apprécient avec un café fort, aux grands-mères qui en surveillent la cuisson avec tendresse.
Derrière ce gâteau, il y a l’Angola tout entier : son histoire coloniale, ses métissages, sa créativité culinaire. À Cabinda, le bolo de coco n’est pas qu’un dessert — c’est un lien entre les générations, une douceur qui réunit, un petit bonheur qui évoque la chaleur du foyer. Et quand il fond en bouche, c’est tout le soleil de l’Afrique qui s’invite à table.
Doce de ginguba – La pâte d’arachide en version sucrée
Plus dense et plus énergétique, le doce de ginguba — littéralement “douceur d’arachide” — est une pâte épaisse de cacahuète grillée et de sucre, parfois parfumée à la vanille. Enveloppée dans du papier ou du plastique, cette douceur à la texture proche du nougat ou du praliné accompagne les trajets, les pauses, les petites faims. Elle témoigne de cette capacité à sublimer des ingrédients simples en petites merveilles addictives.
Banana-pão – le pain-gâteau de banane : douceur rustique et chaleur partagée
Nous l’avons croqué souvent au petit-déjeuner, retrouvé dans les cantines de bord de route ou servi tiède après une longue journée de visites : le pão de banana est l’une de ces recettes simples qui racontent un pays. À mi-chemin entre le cake et le pain sucré, il transforme des bananes bien mûres — souvent trop mûres pour être mangées nature — en une mie moelleuse, parfumée et réconfortante.
Le « banana bread » moderne s’est popularisé au début du XXᵉ siècle, notamment aux États-Unis. Dans les pays lusophones, on parle plutôt de pão de banana ou bolo de banana : la recette a circulé avec les influences culinaires transatlantiques et s’est adaptée aux produits locaux. En Angola, pays où la banane (et le plantain) poussent facilement, cette pâtisserie prend des formes variées : servie au petit-déjeuner, à l’heure du thé, ou comme en-cas pour les travailleurs et les enfants. Sa convivialité tient à sa simplicité — peu d’ingrédients, peu d’ustensiles — et à son économie : elle valorise les fruits mûrs et évite le gaspillage.
Le pão de banana est d’abord un aliment énergétique — sucre naturel de la banane, farine, matière grasse et œufs. Il apporte des glucides rapides (énergie immédiate), des protéines modestes (œufs), des lipides et des fibres (banane + éventuellement farine complète/noix). Pour les populations rurales ou en situation d’approvisionnement limité, il représente une manière simple et rapide de densifier l’alimentation, surtout si on y incorpore des noix ou de la farine complète pour augmenter la densité en protéines et en micronutriments.
Le pão de banana est souvent lié à des gestes de partage : on en coupe des tranches pour accompagner une pause sous un carbet, un bivouac ou une halte sur la route. Dans les lodges et chez l’habitant, il apparaît comme un signe d’hospitalité — un gâteau rustique, fait maison, qui dit « reste un peu ». Sa force est de relier la cuisine du foyer à la cantine du voyageur.
Le pão de banana est une recette modeste et universelle : facile à préparer, adaptable aux ressources locales et profondément réconfortante. En Angola comme ailleurs, elle transforme des bananes mûres en un petit luxe quotidien — un morceau de chaleur, à partager autour d’un café, d’un feu ou d’une table de voyage.
Ginguba caramelizada – L’arachide enrobée de caramel
Autre vedette des ruelles animées et des fêtes scolaires, les gingubas caramelizadas sont des cacahuètes grillées enrobées d’une fine croûte caramélisée. Vendues en petits sachets, elles croustillent sous la dent et dégagent une odeur irrésistible de sucre chaud. Une friandise simple, mais capable de faire resurgir les souvenirs d’enfance les plus tendres.
Pudim de leite – Le flan caramélisé à la fleur d’oranger

Notre découverte de ce dessert à Cabinda, au restaurant Kate Jkero, a été une surprise tout en douceur. Le pudim de leite, héritage portugais revisité, est un flan dense et fondant, réalisé avec lait concentré, œufs et caramel. Ici, il est délicatement parfumé à la fleur d’oranger, ce qui lui donne une touche florale et élégante. Servi bien frais, il fond en bouche tout en laissant une impression longue, ronde et apaisante. Une finale parfaite pour un repas angolais, entre tradition, métissage et finesse.
Les desserts angolais ne sont pas spectaculaires par leur complexité — mais ils le sont par leur authenticité, leur charge émotionnelle, et la créativité populaire dont ils sont issus. À base de produits locaux, souvent issus du quotidien (noix de coco, banane, ginguba, sucre de canne), ils racontent une autre histoire de l’Angola : celle des goûters sur le pouce, des cadeaux faits maison, des plats partagés sans façon, mais avec cœur.
Derrière chaque cocada ou chaque flan au caramel, il y a une mémoire, un geste, un sourire. C’est cela, aussi, le goût d’un pays.
Cuca, la bière iconique de l’Angola
Dès qu’on s’attarde à une terrasse, qu’on s’assoit dans un petit restaurant populaire ou qu’on partage un moment avec des habitants, un nom revient inévitablement : Cuca. Bien plus qu’une simple bière, Cuca est une véritable institution en Angola. Avec son étiquette jaune reconnaissable entre mille, elle incarne à elle seule un pan entier de la culture populaire et urbaine du pays.
La brasserie Cuca a vu le jour à Luanda en 1947, sous l’administration coloniale portugaise. Très vite, elle s’est imposée comme la bière locale par excellence, à la fois accessible et festive. Après l’indépendance en 1975, la marque a survécu aux bouleversements politiques et économiques, jusqu’à devenir un des symboles de l’identité nationale. Aujourd’hui encore, elle continue d’être brassée en Angola, notamment à Luanda et Benguela.
Qu’on soit en ville ou dans les zones plus rurales, la Cuca est omniprésente : en bouteilles de 33 cl ou 50 cl, en canettes ou en grandes bouteilles consignées. Elle se boit fraîche, souvent très fraîche, pour compenser la chaleur ambiante. On la trouve dans les bars, les barracas, les restaurants de bord de route et jusque dans les échoppes de fortune aux coins des rues.
Avec son goût légèrement amer, modérément houblonné, elle est facile à boire et rafraîchissante — sans prétention mais toujours conviviale. Pour de nombreux Angolais, une Cuca bien fraîche est le complément parfait d’un plat de viande grillée, d’un bife de alcatra ou d’un poisson braisé.
Boire une Cuca, c’est souvent bien plus que simplement se désaltérer. C’est partager un moment, discuter de la vie, écouter de la musique ou regarder un match de football. Dans certains quartiers, les après-midi ou les soirées Cuca deviennent de véritables rendez-vous sociaux. La bière est servie dans des verres épais, parfois à même le goulot, dans une atmosphère bon enfant où les rires fusent facilement.
La Cuca est également exportée vers quelques pays d’Afrique centrale, et même jusqu’au Portugal, où elle suscite la nostalgie des diasporas angolaises. Mais son cœur bat avant tout ici, en Angola, où elle continue de fédérer autour d’elle toutes les générations, tous les milieux.
Il existe aussi d’autres marques locales, comme Eka ou N’gola, mais aucune ne semble égaler la notoriété ni l’attachement populaire dont jouit la Cuca. Son nom même est devenu un diminutif affectueux, comme une promesse simple : celle d’un moment de détente à la mode angolaise.
Ginja do Bairro : liqueur populaire et douceurs partagées
Au détour d’une ruelle animée ou d’un petit marché de quartier à Luanda, il arrive que l’on tombe sur une bouteille au contenu rouge sombre, soigneusement alignée parmi d’autres bouteilles artisanales : la Ginja do Bairro. Inspirée de la célèbre Ginjinha portugaise, cette liqueur sucrée à base de cerise griotte a traversé l’océan Atlantique pour devenir une boisson typique des rues angolaises — mais ici, elle a pris une dimension nouvelle, populaire et profondément enracinée dans les réalités locales.
L’originale Ginjinha, emblématique de Lisbonne et d’Óbidos, est une liqueur de cerises macérées dans de l’alcool avec du sucre et parfois de la cannelle. En Angola, cette tradition a été adaptée avec créativité. Les Ginja do Bairro sont souvent produites artisanalement, dans les quartiers de Luanda comme Sambizanga ou Cazenga, où les ingrédients sont choisis avec soin et les recettes transmises de bouche à oreille. On utilise parfois des cerises locales, mais aussi d’autres petits fruits rouges, selon les disponibilités et les préférences.
Résultat : une boisson douce, sirupeuse, légèrement épicée, souvent bien alcoolisée, que l’on sert dans de petits verres en plastique à l’occasion d’un repas, d’une fête ou même d’un simple moment de convivialité.
Ce qui rend la Ginja do Bairro unique, c’est son ancrage populaire. On ne la trouve pas (ou peu) dans les circuits commerciaux classiques. Elle circule plutôt de main en main, dans les bairro, les quartiers périphériques de la capitale. Elle est parfois vendue discrètement par des mères de famille, d’autres fois partagée lors d’une veillée ou d’une fête improvisée. Les bouteilles, souvent recyclées, arborent des étiquettes faites maison, parfois illustrées avec humour ou fierté.
Pour les habitants, cette ginja locale est un clin d’œil au passé colonial portugais, mais aussi un exemple de résilience culturelle : on s’approprie une tradition importée pour en faire un produit typiquement angolais.
Comme la bière Cuca ou les mikate sucrés, la Ginja do Bairro s’inscrit dans une culture du partage. Elle est offerte à la fin d’un repas, ou pour sceller une rencontre amicale. Douce, fruitée, chaude en bouche, elle laisse un arrière-goût sucré et chaleureux, à l’image de ceux qui la produisent et la servent.
À savoir : Certains bars alternatifs de Luanda ou des restaurants branchés commencent à remettre la Ginja au goût du jour, parfois en cocktail ou en digestif. Mais c’est dans les quartiers populaires qu’elle garde toute son âme : celle d’une liqueur artisanale et communautaire, dégustée sans façon, avec un sourire et un peu de musique dans l’air.
Le marufo, vin de palme traditionnel, fermente sur plusieurs jours et dégage un parfum suave. À ses côtés, le kimbombo (à base de maïs), le bididi (noix de cajou) et le capuca (sucre de canne fermenté) offrent un éventail de breuvages locaux, parfaits pour accompagner une soirée sous les étoiles.
Conclusion : une cuisine vivante et ouverte
La cuisine angolaise est avant tout une cuisine de partage : chaque assiette invite à découvrir l’âme d’un peuple, sa richesse culturelle et la générosité de ses produits. De la sauce rouge de dendê aux brochettes parfumées, du funge réconfortant aux vins de palme, tout respire l’histoire d’un pays charnière, entre Afrique centrale et australe, écho des navigations portugaises, et promesse d’un futur culinaire toujours plus créatif.
RESTAURANT DE L’HOTEL DELLAZ

Voulant éviter les incertitudes de la restauration en ville, et les sorties le soir, nous avions décidé de rester sur place. Pour optimiser les choses, nous passons commande à l’avance, précisant bien que nous souhaitons dîner à 20h30 précises.Le choix s’annonce limité, très limité même. On nous propose essentiellement du poisson braisé et quelques plats simples comme des omelettes, ce que nous acceptons sans trop rechigner, pensant que simplicité rimerait au moins avec efficacité. Mais à notre arrivée dans la salle, nous découvrons avec surprise que d’autres clients, eux, se voient servir des mets nettement plus élaborés, visiblement absents de notre carte. Une sélection à deux vitesses ?Les plats finissent par arriver… avec plus de 30 minutes de retard, et froids. Le poisson est sec, sans saveur, les omelettes maigres et fades. Rien n’est à la hauteur, ni dans la présentation, ni dans le goût, ni dans la quantité. L’ensemble laisse une impression de négligence totale, comme si notre commande avait été bâclée en cuisine ou oubliée
Je demande des frites en accompagnement et j’ai des patates douces en vapeur. Bastien demande du riz et obtient des frites. Sans oublier que l’omelette au poulet était en réalité au boeuf
Clou de la soirée, pas de verres, pas de couverts…Nous avosn été obligé de nous servir sur les tables voisines !Et pourtant, l’addition, elle, ne fait aucun compromis : 24 000 kwanzas (environ 16 000 francs CFA ou 24 € ), un tarif injustifiable au regard de la qualité servie. Et pour couronner le tout, on nous rend la monnaie en souriant… par un simple « merci », autrement dit, pas de monnaie du tout.Une expérience franchement décevante, à oublier rapidement. Si l’hôtel nous a séduits par son accueil et ses installations, son restaurant, lui, n’aura pas réussi à nous convaincre.
Une seconde chance… gâchée par un service toujours déplorable

Nous avons décidé de donner une seconde chance au restaurant de l’hôtel Dellaz, après une première expérience très décevante deux jours plus tôt. Pleins d’espoir, nous avons passé commande dès 17h30, avec une demande claire : être servis à 20h00. Cela laissait largement le temps à la cuisine de préparer les plats.
La commande était simple : une feijoada, deux blancs de poulet crispy (l’un avec spaghettis, l’autre avec frites) et un bife à la portugaise avec bananes frites pour Bastien.
Nous arrivons à 20h00 : notre table n’est même pas dressée. Nous nous installons, sans qu’aucun membre du personnel ne vienne à notre rencontre, ni pour un mot de bienvenue, ni pour prendre la commande des boissons. L’attente commence.
À 20h45, après plusieurs relances, la feijoada finit par arriver… tiède. Il faut encore dix minutes supplémentaires pour obtenir des couverts. Les deux blancs de poulet suivent un quart d’heure plus tard, froids, sans accompagnement immédiat. Le bife à la portugaise, lui, n’est servi qu’à 21h20… Une attente interminable, pour un résultat décevant.
Aucune attention du personnel, aucun suivi, aucun mot d’excuse. Pas une seule fois on ne nous a demandé si nous voulions boire quelque chose. La gestion de la salle comme de la cuisine est catastrophique, sans coordination, sans écoute, sans réactivité.
Et pour couronner le tout, une addition salée : 48 500 AOA, bien trop élevée compte tenu du manque de service, de chaleur et de professionnalisme.
Nous repartons avec la certitude que cette seconde chance n’aura pas été saisie.
SUNSET PIZZERIA – CABINDA

Le lendemain, nous partons tester un autre restaurant : la Pizzeria Sunset.
L’accueil y est très agréable, et en français de surcroît, grâce à une serveuse particulièrement serviable et souriante. Nous nous installons en terrasse, profitant de l’air doux du soir.
Le restaurant est situé sur l’avenue principale, à proximité d’un grand rond-point très fréquenté. L’intérieur, quant à lui, présente l’allure d’un snack classique, sans prétention mais fonctionnel.
Le menu du jour est proposé sous forme de buffet, permettant à chacun de composer son assiette selon ses envies. Les enfants optent pour des fajitas au poulet et des fajitas à l’italienne, tandis que Nadège et moi choisissons la formule du jour : arroz (riz), molho de beringela (sauce à l’aubergine) et batata frita com carne (frites avec de la viande).
Une assiette généreuse, équilibrée et vraiment goûteuse, qui nous séduit par sa simplicité et la qualité de ses préparations. Le tout, accompagné de boissons, pour 21 000 AOA seulement — un excellent rapport qualité-prix pour un repas en famille à Cabinda.
RESTAURANT KATE KERO – CABINDA

Elle prend le temps de nous présenter le menu du jour, moitié en français, moitié en portugais, avec une attention personnalisée.

RESTAURANT LE 8 – CABINDA
Une parenthèse royale au Restaurant Le 8, Cabinda
Pour ce que nous espérions être notre dernier jour à Cabinda — avant de prendre un bateau qui accumule déjà plusieurs jours de retard — nous avons choisi de déjeuner au Restaurant Le 8. Et quelle belle surprise ! Ce lieu restera sans aucun doute dans nos meilleurs souvenirs culinaires de Cabinda.
Dès l’entrée, l’accueil est chaleureux. Un employé parlant français est dépêché pour faciliter la communication, et le patron nous offre même son téléphone pour que nous choisissions nous-mêmes la musique d’ambiance. Tout est fait pour que l’on se sente choyés, presque comme des rois !
Côté assiette, la générosité est au rendez-vous. Nous commençons tous par un délicieux chouriço assado com pão fatiado, un chorizo grillé, bien relevé, servi avec du pain en tranches et de savoureux oignons confits.
Puis chacun choisit un plat différent :
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Margot opte pour le plat du jour : un estrogonofe de peito de frango com cogumelos e molho de natas, soit un stroganoff de blanc de poulet aux champignons, nappé d’une sauce crémeuse, accompagné de riz blanc et de frites dorées. Une portion très copieuse, parfaite pour les appétits solides.
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Nadège choisit un peito de frango recheado com bacon e queijo cremoso, un blanc de poulet farci au bacon et au fromage crémeux, sorte de cordon bleu revisité, à la panure croustillante et à la présentation soignée.
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Bastien se régale avec des gambas grelhadas com banana frita : de grosses crevettes grillées servies avec de la banane plantain frite, une alliance sucrée-salée typique de la cuisine angolaise.
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Quant à moi, j’opte pour un T-bone grillé, juteux, généreux, bien assaisonné, et parfaitement saisi à la cuisson.
Le cadre est agréable, l’équipe souriante, la cuisine sincère et savoureuse, et les portions à la hauteur de notre appétit. Addition finale : 61 000 AOA, comprenant trois bières et deux sodas.
Un moment mémorable, qui résume bien l’esprit de Cabinda : générosité, simplicité, et accueil sincère.
BAR GUACA MOLE
À la sortie du port, nous sommes déçus de ne pas pouvoir récupérer la voiture. Pour patienter en attendant que la marée baisse, nous décidons de visiter Soyo à la recherche d’un petit bar pour nous désaltérer et manger un morceau.
Sur l’avenue principale, notre attention est attirée par le Guaca Mole, un bar qui fait aussi office de boulangerie-pâtisserie.
À l’intérieur, l’odeur des viennoiseries nous enveloppe immédiatement.
Derrière le comptoir, une ardoise noire recouvre tout un pan de mur, griffonnée d’écritures de toutes tailles, comme un joyeux mélange de menus, de prix et de petites phrases décoratives.
On y découvre d’excellentes préparations : brioches au chorizo ou au thon, beignets dorés et autres pâtisseries, le tout à des prix extrêmement compétitifs (moins de 500 AOA pièce).
Accompagné d’une Cuca bien fraîche, c’est un petit festin improvisé qui nous aide à faire passer agréablement les heures d’attente.
ESPACO BOLTT
Soirée à Soyo : un repas simple mais efficace
Le soir, nous partons en quête d’un restaurant… mission plus compliquée qu’il n’y paraît. Les rues regorgent de petits établissements animés, mais la musique y est si assourdissante qu’il nous est impossible d’y rester plus de quelques minutes. Finalement, au bord de la route nationale, nous repérons l’Espaço Boltt, qui présente un avantage précieux : ses deux étages.
À l’étage, la musique bat son plein, vibrante et entraînante. Au rez-de-chaussée, l’atmosphère est un peu plus calme, idéale pour dîner tranquillement. Ici, pas de carte interminable : le menu affiché n’est là que pour la forme. En réalité, un seul plat est proposé ce soir-là : de généreuses cuisses de poulet frites, accompagnées de pommes de terre dorées et d’une petite salade fraîche. Simple, bien présenté, savoureux… et surtout largement suffisant pour nous rassasier.
Le tout pour un prix défiant toute concurrence : 17 000 AOA pour quatre personnes. Un repas sans prétention, mais parfait pour conclure la journée.
Déjeuner au Restaurant Maku
À l’heure du déjeuner, nous décidons de tester le Restaurant Maku à Soyo.
L’endroit est accueillant, avec ses tables bien dressées et une décoration soignée qui laisse espérer un repas à la hauteur de la carte affichée. Les intitulés donnent envie : grillades variées, poissons, plats traditionnels…
Mais, au moment de passer commande, la déception tombe comme un couperet. Aujourd’hui, le choix est réduit à trois options : cuisses de poulet grillées, côtes de porc ou bife à la portuguesa.
Pour la troisième fois depuis notre arrivée, nous optons pour ce fameux bife à la portuguesa, devenu presque une habitude malgré nous.
La viande est tendre, la sauce riche en saveurs, mais nous gardons l’espoir de goûter autre chose. Avant de partir, nous posons la question qui nous trotte dans la tête depuis le début du repas : serait-il possible de commander, pour ce soir, les fameux chorizos maison ?
Bonne nouvelle : la réponse est oui. Rendez-vous est pris pour le soir, avec la promesse d’une dégustation bien plus originale.
MIAMI BEACH RESTAURANT
C’est au bout de la péninsule, face à l’océan, que nous nous attablons pour le déjeuner au Miami Beach Restaurant. L’établissement joue la carte du chic balnéaire : décoration soignée, terrasse donnant sur le large et une ambiance élégante qui tranche avec les gargotes du bord de mer. La vue est, sans conteste, le point fort — l’Atlantique déroule ses vagues sous nos yeux et le spectacle maritime accompagne chaque plat.
Le service se montre impeccable : souriant, attentif, rapide — une prestation à la hauteur du standing. Dans l’assiette, l’ensemble est très correct. Les pizzas sont surprenamment réussies, la pâte bien travaillée et les garnitures généreuses ; les hamburgers, eux, sont volumineux et satisfaisants pour les gros appétits. La darne de poisson vaut aussi le détour : cuite juste, chair ferme et sauce adaptée, elle nous rappelle que le produit de la mer peut briller même dans un cadre touristique.
Nous notons toutefois une petite réserve : la poêlée de légumes, servie à un tarif élevé au vu du reste de la carte, ne paraît pas composée de légumes fraîchement préparés — manque de croquant, cuisson un peu uniforme — ce qui est dommage dans un restaurant de ce niveau. Malgré ce bémol, l’expérience reste positive : cadre exceptionnel, service soigné et plats globalement bons. Parfait pour un déjeuner tranquille et panoramique après une matinée de découverte.
Restaurant O Madeirense Cidade : Un restaurant apprécié pour ses plats portugais et européens.
Nous terminons notre séjour à Luanda par un dernier déjeuner au Madeirense Cidade, un de ces lieux qui se méritent — et qui récompensent la curiosité. Voici notre compte-rendu, pas à pas, de cette dernière table avant le retour en France.
Le restaurant tient un petit secret d’entrée : aucune grande enseigne ne signale clairement l’accès depuis la rue, et l’entrée, discrète, peut facilement être manquée si l’on ne sait pas où regarder. Nous avons tourné un instant avant de repérer la porte — un signe presque confidentiel qui annonce d’emblée une adresse aimée des habitués. Malgré ce repérage discret, l’implantation est idéale, en plein cœur de la ville : l’adresse est, une fois trouvée, tout simplement exceptionnelle.
En poussant la porte, on comprend pourquoi l’endroit vaut l’effort : le décor est soigné, chaleureux et bariolé sans excès. La première salle montre des chaises aux tissus wax colorés autour de grandes tables en bois massif ; des suspensions tressées diffusent une lumière douce, et un grand aquarium calme la perspective au fond. L’autre salle, plus intime, affiche une scène miniature avec un décor en triangle typique — prête à accueillir spectacles ou animations — et un plafond décoré de guirlandes multicolores. L’ensemble donne une impression à la fois conviviale et travaillée : on se sent invité à la fête, mais dans un cadre confortable où chaque détail — coussins, assiettes, verres — est pensé.
Le service est impeccable : accueil souriant, timing des plats respecté, personnel attentif sans être envahissant. Pour Luanda, les prix nous ont semblé très raisonnables au regard de la qualité des plats et de l’ambiance — un point important pour finir le voyage sur une note plaisante.
Bastien choisit un plat généreux et rustique : un bife (steak) servi avec bacon, une pointe de moutarde, riz, pommes de terre et salade. Le steak arrive bien saisi, la viande offre une belle mâche; le bacon apporte une note fumée et salée qui complète le caractère du bife, tandis que la moutarde joue le rôle de pointe acidulée qui éveille le palais. Les pommes de terre (frites ou rôties selon la portion) surplombées d’oignons frits et le riz apportent le soutien classique et réconfortant du plat ; la salade, fraîche, allège l’ensemble. C’est un plat adapté à l’appétit d’un voyageur fatigué : roboratif, franc, équilibré entre gras, sel et acidité.
Le lombinho de atum grelhado — le filet de thon grillé — séduit Margot par sa cuisson précise. La croûte externe, légèrement marquée par le gril, laisse place à une chair ferme et rosée à cœur, parfaitement iodée. Le thon, généreusement épicé mais sans excès, conserve sa texture dense, presque carnée ; il s’accorde idéalement avec un filet d’huile d’olive et un accompagnement simple (salade , pommes de terre en robe des champs et légumes) qui met en valeur la pureté du poisson. C’est un choix élégant et léger, qui montre que le restaurant maîtrise aussi les cuissons délicates.
Nadège opte pour le bife de atum nappé d’un molho de vilão — une sauce typique et relevée. Le thon, ici présenté en tranche plus épaisse, se marie à une sauce corsée : on retrouve des notes piquantes et légèrement fumées, une structure de goût qui relève la douceur naturelle du poisson sans la masquer. L’accord crée un contraste intéressant entre la chair plutôt neutre du thon et la force aromatique de la sauce — un plat qui plaît à celles et ceux qui aiment les condiments affirmés.
Pour ma part je choisi le plus original pour conclure : prego de atum no bolo do caco. Le prégo, sandwich portugais traditionnellement à la viande, est ici revisité au thon et servi dans un bolo do caco — le pain plat madérien à la texture moelleuse et à la croûte légèrement grillée. Le thon, mariné et grillé, est servi tranché et généreusement garni ; il s’associe à des touches de beurre à l’ail (et d’une sauce légèrement piquante ), offrant un ensemble fondant et parfumé. Le contraste pain moelleux / thon ferme fonctionne parfaitement : le bolo do caco apporte une chaleur rustique et le prégo au thon transforme le sandwich en un plat simple mais sophistiqué par ses textures.
Le déjeuner au Madeirense Cidade nous a laissé une impression très positive : plats soignés, belle exécution, service attentif et cadre chaleureux. Pour qui cherche une adresse où combiner bon rapport qualité-prix et ambiance colorée à Luanda, c’est une adresse à considérer — surtout si l’on accepte la petite chasse à l’entrée, presque rituelle, qui fait partie du charme
Repas à 64000 AOA avec les boissons
REPAS DE REQUIN ET COQUILLAGES A TEU RIVA : Un festin aux saveurs de l’Atlantique
Après nos emplettes matinales au marché aux poissons de Luanda, nous nous apprêtons à vivre un véritable repas de fête, orchestré autour des produits les plus frais du jour.
Nous commençons avec les kitetas — des palourdes locales très prisées, à la coquille nacrée — que nous faisons « revenir » dans une poêle brûlante avec de l’ail haché, du persil finement ciselé et un généreux filet de vin blanc. Sous l’effet de la cuisson, elles s’ouvrent délicatement, libérant un parfum iodé exaltant. Chaque bouchée mêle la douceur subtile de leur chair à la rondeur musquée de l’ail et à la vivacité du persil et du vin.
Les crevettes, elles aussi achetées au marché, sont cuites simplement dans de l’huile d’olive avec ail et persil. Leur carapace s’enveloppe d’une robe orangée brillante, tandis que la chair, à peine saisie, reste ferme, légèrement sucrée, et absolument juteuse — une préparation parfaite pour révéler leur délicatesse naturelle.
La pièce maîtresse du repas est la darne de requin, longuement marinée dans un mélange citron-herbes fraîches, puis cuite au barbecue. La peau croustille joliment, tandis que la chair conserve une texture fondante, blanche et tendre. À chaque tranche, nous ajoutons un peu de sauce verte maison — un mélange de coriandre, oignon, piment fin et citron — pour apporter une note éclatante et rafraîchissante qui équilibre la puissance du poisson.
Sur nos assiettes, les kitetas parfumées, les crevettes dorées et la darne de requin aux tons charbonneux forment une harmonie parfaite : une ode à l’Atlantique et au vécu du marché. Chaque bouchée raconte, avec gourmandise, l’ambiance bruyante du marché, le savoir-faire des pêcheurs et la générosité de la côte angolaise.
Un festin simple, authentique, et profondément savoureux — le meilleur hommage que nous puissions rendre aux mers et aux traditions culinaires locales.
RESTAURANT DU KISSAMA LODGE

De retour de notre safari, encore émerveillés par les paysages et les rencontres animales de la journée, nous prenons place à la terrasse du Kissama Lodge, niché au cœur du parc. L’endroit offre une atmosphère reposante, avec sa vue ouverte sur la savane et son ambiance simple mais authentique, idéale pour prolonger cette immersion en pleine nature.
La carte, bien que prometteuse, révèle vite ses limites : plusieurs plats inscrits au menu ne sont en réalité pas disponibles, une situation fréquente dans les lodges reculés où l’approvisionnement dépend des arrivages. Le serveur, souriant et attentif, nous oriente vers deux spécialités locales revisitées à la mode portugaise.
Nous choisissons d’abord le bitoque à la portuguesa, ce grand classique composé d’un steak garni d’un œuf au plat, accompagné de frites dorées et d’un peu de riz. Mais la viande, plus coriace que ce que nous avions pu savourer ailleurs, ne tient pas toutes ses promesses et laisse une impression mitigée.
En revanche, le bifana no prato à moda Quicama se révèle une agréable surprise. Ce plat typique, d’inspiration lusitanienne mais ici adapté au contexte angolais, associe une escalope de porc marinée et légèrement épicée, servie avec un œuf, des frites croustillantes et quelques légumes sautés. La viande, bien assaisonnée, s’avère savoureuse et tendre, rehaussée par la simplicité des garnitures qui rappellent la cuisine de taverne portugaise. Ce mélange rustique mais généreux s’accorde parfaitement avec l’ambiance du lieu et fait oublier la relative déception des autres plats.
En somme, même si le Kissama Lodge ne brille pas par la richesse de son offre culinaire, il parvient à proposer une expérience conviviale et nourrissante, en phase avec l’esprit du safari : simplicité, authenticité et un certain goût d’aventure jusque dans l’assiette.
Déjeuner au Restaurante São João
Nous entamons notre journée par une immersion dans le centre-ville de Luanda, vibrant de vie et d’histoire. La circulation urbaine, les façades colorées et les passants affairés forgent une atmosphère unique, entre tradition coloniale et énergie contemporaine.
En quête d’un bon repas, nous nous dirigeons vers le Restaurante São João, une institution lusitanienne solidement ancrée à Luanda. Réputé sur TripAdvisor, il occupe la 11ᵉ place parmi les restaurants de la ville, avec une note moyenne de 4,0/5 sur plus de 80 avis . Les clients récurrents le décrivent comme « un restaurant typiquement portugais… on a l’impression d’être à Lisbonne », louant la qualité de la cuisine, le service cinq étoiles et un accueil chaleureux Certains évoquent aussi des fruits de mer grillés succulents, un service professionnel et une déco qui évoque le Portugal .
Pour notre part, nous retrouvons cette note d’excellence : un service de qualité, à la fois efficace et rapide, dans un cadre soigné — logiquement en phase avec nos attentes après une matinée bien remplie.
La carte est complète, avec un éventail de plats variés — un vrai plus pour satisfaire toutes les envies. Nadege et Bastien optent pour la Francesinha, ce plat typique portugais qu’ils avaient adoré au Portugal. Ici, la version angolaise est un vrai régal : il y a bien sûr le steak, le pain, le cheddar, le bacon et le jambon, mais aussi du chorizo et une saucisse angolaise, apportant un twist local savoureux.
Margot préfère un steak au poivre, délicieusement cuit à point, tendre comme elle l’aime. Pour ma part, je me laisse tenter par un gigantesque mixed grill, généreux et parfaitement grillé.
Le total de la note est élevé, autour de 73 000 AOA, mais tant la qualité du repas que l’ambiance du lieu justifient pleinement ce prix, surtout dans le cadre de Luanda.
RESTAURANT DE L’HOTEL NUMINA

Rien d’exceptionnel au restaurant de l’hôtel Numina. Comme souvent en Angola, la carte est séduisante au premier regard, mais la réalité de la disponibilité réduit vite les choix. Finalement, nous nous retrouvons presque toujours autour des mêmes plats : le bife à la portugaise, le bitoque ou encore le febra de porco. Ce dernier, une côte de porc grillée, est présenté à la manière des bitoques, avec une assiette généreuse de riz blanc, quelques légumes et des frites. Simple et nourrissant, mais sans grande finesse. Aucun des poissons mentionnés à la carte n’était disponible, ce qui a laissé une petite déception. Quant à la viande, elle n’était pas des plus tendres – une expérience assez fréquente lors de nos repas en Angola.
En revanche, le service compense largement par son sourire et sa gentillesse. Le personnel, attentif sans être envahissant, crée une atmosphère agréable où l’on se sent bien accueilli, même si la cuisine reste basique. Pour un dîner après une journée de route ou d’excursion, cela reste amplement suffisant.
À noter aussi le petit déjeuner inclus dans le prix de la chambre : copieux et varié. Cacahuètes, avocat, ananas juteux, bananes sucrées, plantain vapeur, sans oublier une belle omelette au jambon et au fromage accompagnée de pain frais. Un repas du matin particulièrement généreux, qui laisse une bonne impression et compense les limites du restaurant le soir.
Restaurant Triangulo Malanje
Nous arrivons à Malanje en début d’après-midi après plusieurs heures de route. C’est le moment idéal pour une halte : nos réservoirs de gasoil crient famine, nos portefeuilles réclament un renouvellement de billets et nous avons quelques courses à faire au Shoprite du centre-ville. Nous nous arrêtons dans une station-service animée pour faire le plein, puis retirons du cash à un distributeur à proximité. Après avoir acheté de l’eau, des fruits et quelques biscuits au Shoprite, nous décidons qu’il est grand temps de déjeuner.
Nous choisissons le restaurant Triângulo, situé au cœur du centre-ville de Malanje. Sur Internet et dans les guides de voyage, Triângulo est vanté comme un établissement moderne et sophistiqué, à la croisée des cuisines angolaise et européenne. À notre arrivée cependant, nous découvrons un lieu plus modeste que prévu : la façade est discrète et le décor intérieur apparaît simple, avec des tables en bois et des nappes à motifs colorés. Un long comptoir central propose le buffet, mais c’est le serveur qui sert chaque assiette à table — pas de service à volonté comme on pourrait l’imaginer.
Le buffet offre quelques plats traditionnels de qualité correcte, sans grande prétention gastronomique. Devant nous, un cuisinier présente un poulet grillé, du boeuf en sauce aux épices, un poisson grillé mariné, du riz blanc parfumé, du funge de manioc et des légumes mijotés. Les parfums s’élèvent : huile de palme, épices piquantes, herbes aromatiques. Chaque bouchée est un délicieux compromis et nous découvrons que le prix est imbattable : nous payons seulement 6 000 AOA par personne pour tout le repas.
L’ambiance au Triângulo est chaleureuse et décontractée. Quelques autres clients locaux discutent paisiblement autour de leurs assiettes, et une musique angolaise diffusée faiblement dans la salle résonne à peine au-dessus des cliquetis des couverts.
Nous quittons Triângulo le ventre plein et le cœur léger. La note — seulement 6 000 AOA chacun — nous paraît totalement imbattable et nous échangeons un sourire complice en sortant. Dehors, le soleil commence à décliner sur la place animée du centre-ville. Nous reprenons la route, satisfaits d’avoir partagé ce moment simple mais chaleureux ensemble et heureux d’avoir découvert ce petit coin authentique au centre de Malanje.
La Pousada Calandula
Nous profitons lors de notre visite des chutes de Calandula, sur la rive gauche, d’un moment de détente au site superbe de la Pousada Calandula. Nichée face à l’un des panoramas les plus impressionnants d’Angola, cette adresse offre un cadre absolument magnifique, idéal pour savourer une pause déjeuner après l’émerveillement des cascades.
L’endroit respire la tranquillité : les terrasses ouvrent sur une vue saisissante, la végétation environnante apporte une fraîcheur bienvenue, et l’accueil des équipes contribue à cette atmosphère hors du temps. Pour ceux qui souhaitent s’y installer plus longuement, il est vivement conseillé de contacter la pousada en avance, afin de garantir un service optimal : piscine propre et prête à accueillir les voyageurs, menu complet et chambres préparées avec soin.
Lorsque le nombre de convives le permet, un buffet très copieux de cuisine locale et lusophone est proposé. Pour environ 55 000 Kz par personne (≈55 €), on y déguste un assortiment de plats typiques : feijoada (ragoût de haricots à la viande), calulu (poisson en sauce manioc), ailes de poulet BBQ ou encore picanha de bœuf grillée. L’ambiance est rustique et conviviale, avec une vue directe sur les chutes depuis la salle ou l’esplanade.
C’est la seule vraie cantine du site, ce qui en fait un lieu de rencontre naturel entre visiteurs de passage. Certes, les prix sont supérieurs à ceux de Malanje, mais cela se justifie par l’isolement du lieu et par la possibilité d’apprécier un repas chaud et complet sans avoir à reprendre la route. En soirée, le bar de la pousada propose aussi des snacks et des cocktails simples, parfaits pour prolonger l’expérience dans une atmosphère détendue.
Bien sûr, nous sommes dans une région reculée de l’Angola, où les difficultés d’approvisionnement font partie du quotidien. Mais c’est précisément ce qui rend l’expérience plus authentique : chaque repas servi, chaque sourire offert, témoigne d’un réel effort pour satisfaire les visiteurs dans un contexte parfois exigeant. Loin d’être un inconvénient, cette simplicité donne à l’escapade une dimension unique.
Et même si le Wi-Fi n’est pas disponible pour les enfants, qu’importe : la nature devient ici le plus bel écran, et l’aventure le meilleur des divertissements. Entre la baignade, les jeux en plein air et l’émerveillement devant les chutes, il y a mille façons de profiter de ce coin de paradis sans avoir besoin d’être connecté.
Un séjour à la Pousada Calandula, c’est une invitation à ralentir, à savourer l’instant présent et à se laisser porter par la beauté spectaculaire de la région. Une option aussi pour y passer la nuit — même si, pour notre part, nous avons finalement choisi de prolonger notre séjour à l’hôtel Numina.
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