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Réserve de Biosphère de la Bouche du Roy – Boca del Rio GRAND POPO REGION MONO BENIN

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Notre aventure commence au Village Vacances Awalé, où nous quittons notre hébergement peu après 9h30, les pieds encore humides de rosée en direction de la Bouche du Roy. Grand Popo s’éveille sous un ciel déjà ardent, et nous empruntons la route en direction de l’embarcadère d’Avloh, point de départ de notre exploration. Sur place, Charles nous attend, arborant son large sourire et sa casquette frappée du logo de Dahomey Tours. « Vous êtes à l’heure, comme la marée ! » lance-t-il avec malice, faisant allusion à cette ponctualité rare dans un pays où le temps suit le rythme du fô-fô, la cadence lente et apaisée du Bénin.

Avloh, ce petit coin de paradis coincé entre l’océan Atlantique et le fleuve Mono, déploie ses paysages grandioses et son atmosphère paisible, faisant de lui un écrin préservé où la nature règne en maître. Ses plages infinies, bordées de cocotiers et caressées par les vagues, offrent un cadre idyllique pour les voyageurs en quête d’évasion. Ici, le sable doré s’étire à perte de vue, tandis que l’eau du fleuve et celle de l’océan se rencontrent en un ballet perpétuel, façonnant la Réserve de Biosphère de la Bouche du Roy, un sanctuaire pour une biodiversité fascinante.

L’équipe de Dahomey Tours s’active autour des pirogues, incarnant cette hospitalité béninoise qui transforme chaque visiteur en invité d’honneur. Charles n’est pas un simple guide, il est un conteur dont la voix sculpte l’histoire à chaque phrase.

Nous renouvelons notre confiance en Dahomey Tours après une expérience inoubliable à Ganvié, et une fois encore, nous sommes conquis par la qualité de leur accompagnement. Dès notre arrivée à l’embarcadère, nous retrouvons cette même énergie bienveillante, cette passion communicative qui fait toute la différence.

Nos guides, toujours aussi chaleureux, nous accueillent avec des sourires sincères et cette aisance propre à ceux qui connaissent chaque recoin de leur terre. L’organisation impeccable, le souci du détail et la capacité de l’équipe à adapter l’excursion à nos envies transforment une simple balade en une véritable immersion.

Tout au long de la visite, nous nous laissons porter par leurs récits captivants, entre histoire et traditions locales. Ils ne se contentent pas de montrer, ils racontent, expliquent, éveillent la curiosité. Chaque instant passé en leur compagnie est une invitation à voir au-delà des paysages, à comprendre l’âme du lieu.

Nous quittons Avloh avec la même sensation qu’après notre périple à Ganvié : celle d’avoir vécu bien plus qu’une excursion. Dahomey Tours n’offre pas seulement un service, ils partagent un héritage, une passion, une manière unique de faire voyager. Une fois encore, nous sommes enchantés.

Réserve de Biosphère de la Bouche du Roy : entre histoire douloureuse et poésie linguistique

Boca Del Rio, littéralement « l’embouchure du fleuve » en portugais, fut rebaptisée « La Bouche du Roy » par les Français. Cette traduction, bien qu’approximative, révèle une réalité sombre : au XVIIIe siècle, cette passe stratégique du fleuve Mono servait de point de départ à la traite négrière orchestrée par le royaume de Dahomey, en collaboration avec des marchands européens.

 

Les esclaves, capturés lors de razzias, étaient acheminés vers des comptoirs côtiers comme Ouidah, puis embarqués vers le Ghana (alors Côte-de-l’Or) et les Amériques.

 

Le nom « Bouche du Roi » évoque métaphoriquement ce rôle macabre, où le fleuve « avalait » les vies humaines au profit du pouvoir royal et colonial.

Le fleuve Mono : artère vitale du Sud-Bénin et de la Réserve de Biosphère de la Bouche du Roy

Nous glissons sur les eaux brun-argent du Mono, guidés par les récits de Charles, dont la voix épouse le rythme des pagaies. Ce fleuve, long de 500 km, n’est pas qu’une frontière entre le Bénin et le Togo : c’est une mémoire liquide. Il nous raconte les pirogues chargées d’esclaves, jadis dirigées vers la Bouche du Roy, où le roi de Dahomey troquait des vies contre des armes et des miroirs. Les berges, aujourd’hui paisibles, résonnent encore de ces échos, mêlés aux chants vaudous dédiés à Hêviosso, le dieu-tonnerre qui habiterait les profondeurs. Nous imaginons les cérémonies nocturnes, les offrandes déposées sur l’eau, les flammes des torches dansant avec les étoiles.

Autour de nous, la vie palpite : des pêcheurs lancent leurs filets en arc de cercle, des enfants rient en plongeant depuis les troncs de fromagers, et les femmes, paniers sur la tête, remplissent des seaux d’eau saumâtre pour le sel de l’île voisine. Charles nous montre du doigt les racines des palétuviers où se cachent des crabes violonistes, agitant leurs pinces comme pour saluer notre passage. « Sans ce fleuve, pas de poissons, pas de sel, pas de légendes », murmure-t-il, tandis qu’un héron pourpré s’envole au-dessus de notre pirogue, traçant une ombre fugace sur l’histoire et le présent, indissociables ici.

Nous remontons le fil des siècles en écoutant Charles évoquer les barges d’autrefois, chargées de sacs de sel extrait des marais, d’amphores d’huile de palme luisante, et de ces cargaisons maudites que personne ne voulait nommer : des hommes, des femmes, enchaînés, échangés comme du bétail par le royaume de Dahomey contre des armes et des verroteries. Le Mono bruissait alors de ces transactions brutales, ses méandres dissimulant à la fois les richesses et les larmes. Les villages riverains gardent encore les traces de ces marchés oubliés, où les ancêtres négociaient sous l’œil des forts portugais ou français, leurs voix perdues dans le clapotis des vagues.

Puis le récit de Charles se fait plus grave lorsqu’il désigne un vieux fromager isolé sur la berge : « Là, on invoque Hêviosso quand la sécheresse menace. » Nous imaginons les nuits de pleine lune, où les vodunsi dansent avec des torches, où les libations de sodabi et le sang des poulets sacrifiés se mêlent aux eaux sombres. Le fleuve n’est pas qu’un dieu pour eux — il est un intermédiaire, un messager qui porte les prières jusqu’aux nuages d’orage. Une femme passe, un panier d’ignames sur la tête, et salue l’eau d’un geste rapide, comme une habitude millénaire.

Plus loin, le paysage s’anime de scènes quotidiennes : des pêcheurs ravaudent leurs filets troués, étalant au soleil des mailles fines où s’accrochent encore des écailles argentées. Des enfants courent vers des nasses tressées, remplies de tilapias frétillants, tandis que des pirogues aux couleurs éclatantes — jaune safran, bleu lagune — glissent vers l’aval. « Le Mono, c’est notre supermarché et notre route à la fois », lance un vieil homme en riant, son couteau écaillant un poisson-chat. Mais Charles nous chuchote que les prises diminuent, que le fleuve s’épuise doucement, comme fatigué de porter tant d’histoires et de survies.

Faune et flore de la Réserve de Biosphère de la Bouche du Roy : la mangrove, sanctuaire de biodiversité

Lors de notre visite de la Bouche du Roy à Grand-Popo, nous découvrons un écosystème fascinant où la nature s’épanouit dans une harmonie préservée entre terre et eau. La réserve de biosphère nous plonge immédiatement dans un décor où les palétuviers rouges (Rhizophora mangle) dominent le paysage. Leurs racines-échasses plongent dans l’eau saumâtre, formant un enchevêtrement végétal impressionnant qui sert d’abri à de nombreuses espèces animales.

En progressant au fil de l’eau, nous remarquons la diversité des palétuviers qui composent cette mangrove. Les palétuviers blancs (Avicennia germinans) et les palétuviers noirs (Laguncularia racemosa) complètent ce tableau végétal, chacun occupant une zone bien spécifique selon son degré de tolérance au sel. Dans les espaces moins inondés, les cocotiers dressent leurs longues silhouettes tandis que les imposants fromagers, reconnaissables à leurs contreforts caractéristiques, ajoutent une touche majestueuse au paysage.

L’ambiance sonore est dominée par le chant et les cris des oiseaux qui peuplent les lieux. Sur les rives, nous observons des aigrettes immobiles, attentives aux moindres mouvements de l’eau et des aigrettes à gorge blanche en vol.  Les martins-pêcheurs animent la scène de leurs plongeons rapides, disparaissant un instant sous la surface avant de réapparaître avec une proie dans le bec.

Sur la rivière Mono, lors d’une marée descendante qui a découvert des bancs de sable, nous avons eu la chance d’observer une importante population de courlis corlieu (Numenius phaeopus). Les oiseaux étaient regroupés sur les bancs de sable, profitant des zones découvertes pour se reposer et chercher leur nourriture.

Plus haut dans le ciel, des sternes d’Afrique royales planent au-dessus de l’estuaire, leurs silhouettes élégantes se découpant sur l’azur.

Sous la surface de l’eau et sur les bancs de vase, l’activité ne cesse jamais. Les crabes violonistes s’affairent, leurs petites pinces fouillant la boue tandis que leur pince surdimensionnée se lève et s’abaisse dans un curieux mouvement rythmique. En discutant avec des pêcheurs locaux, nous apprenons que ces eaux regorgent de crevettes et de poissons-chats, des ressources essentielles pour la vie et l’économie de la région.

Notre exploration de ce site remarquable nous laisse une impression forte. Si nous n’avons pas eu la chance d’apercevoir certains des mammifères emblématiques de la mangrove, nous restons émerveillés par la richesse et la quiétude du lieu. Entre les entrelacs des racines, le ballet des oiseaux et la vie aquatique discrète mais foisonnante, la Bouche du Roy nous apparaît comme un sanctuaire naturel à préserver, un écosystème fragile où chaque élément joue un rôle essentiel dans l’équilibre global.

Les palétuviers rouges : boucliers écologiques à préserver

Les palétuviers rouges jouent un rôle fondamental dans les écosystèmes côtiers, où leurs racines aériennes stabilisent les sols en freinant l’érosion et en filtrant les polluants. Ces formations végétales agissent comme des barrières naturelles contre les tempêtes et les marées, protégeant ainsi les littoraux et les habitats environnants. Leur importance ne s’arrête pas là : ils constituent de véritables nurseries pour la faune marine. Leurs labyrinthes de racines immergées offrent un abri sécurisé aux alevins et à de nombreuses espèces aquatiques, favorisant leur croissance avant qu’ils ne rejoignent les eaux libres. Cette fonction de refuge est cruciale pour la biodiversité et la régénération des ressources halieutiques, essentielles aux communautés locales qui en dépendent pour leur alimentation et leur économie. En parallèle, ces arbres jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique grâce à leur capacité exceptionnelle à stocker le carbone. En effet, ils emmagasinent jusqu’à quatre fois plus de dioxyde de carbone que les forêts tropicales, contribuant ainsi significativement à l’atténuation du réchauffement climatique. Malgré leur importance écologique, les mangroves, et notamment les palétuviers rouges, subissent une pression croissante liée à la déforestation pour le bois de chauffe et à l’urbanisation galopante. La disparition progressive de ces écosystèmes menace non seulement l’équilibre environnemental, mais aussi les populations locales qui en tirent des ressources vitales. Conscientes de cet enjeu, des organisations non gouvernementales et des communautés locales s’associent pour restaurer ces forêts littorales. À travers des programmes de replantation, elles combinent savoir-faire traditionnel et sensibilisation écologique, cherchant à impliquer les populations dans une gestion durable de leur environnement. La préservation des palétuviers rouges apparaît ainsi comme une nécessité pour protéger la biodiversité, garantir la sécurité alimentaire et atténuer les effets du changement climatique.Puits de carbone : Ils stockent 4 fois plus de CO₂ que les forêts tropicales.
Malgré cela, les mangroves reculent sous la pression du défrichement (bois de chauffe) et de l’urbanisation. Des ONG et villages coopèrent pour les replanter, mêlant savoir-faire traditionnel et sensibilisation écologique.

Le tunnel de palétuviers : une cathédrale verte

Le tunnel de palétuviers offre une immersion unique au cœur d’un écosystème luxuriant où la nature déploie toute sa majesté. En glissant silencieusement sur l’eau à bord d’une pirogue, le visiteur se retrouve enveloppé dans un écrin végétal où les racines aériennes entrelacées des palétuviers tissent une voûte naturelle, semblable à une cathédrale verte. L’ombre dense créée par ce feuillage protecteur atténue la chaleur écrasante des tropiques, offrant un instant de répit et de fraîcheur au fil de la traversée.

L’atmosphère y est chargée d’humidité, un voile invisible qui donne au lieu une aura presque irréelle. L’air vibre du bourdonnement incessant des moustiques, ces insectes omniprésents qui, malgré leur nuisance, jouent un rôle fondamental dans l’équilibre fragile de cet écosystème. Ils nourrissent les libellules qui virevoltent dans les rais de lumière filtrant à travers les feuillages, ainsi que les chauves-souris qui, une fois la nuit tombée, prennent le relais pour réguler leur population.

Tout au long de cette navigation paisible, la mangrove révèle sa richesse sonore. Les cris des oiseaux, tantôt stridents, tantôt mélodieux, résonnent entre les troncs noueux, tandis que le clapotis de l’eau contre la coque de la pirogue rythme l’avancée du voyageur. Parfois, un poisson surgit en surface, rompant l’instant fugace de silence et rappelant la vie foisonnante qui se cache sous les eaux troubles de la mangrove. Chaque bruit, chaque mouvement semble raconter l’histoire ancestrale de ces forêts amphibies, témoins silencieux des cycles naturels et des liens invisibles qui unissent chaque être vivant.

Plus qu’une simple balade, la traversée d’un tunnel de palétuviers est une véritable connexion avec l’âme sauvage de la mangrove. Elle invite à l’émerveillement, à la contemplation et au respect de cet environnement si précieux, dont la survie dépend de l’équilibre délicat entre les éléments et les espèces qui l’habitent.

Île au Sel : un savoir-faire ancestral au féminin

Nous posons le pied sur l’Île au Sel sous un soleil implacable, où des femmes courbées creusent déjà la boue grise des bassins à marée basse. Leurs mains, calleuses et rapides, raclent la vase saline accumulée entre les racines des palétuviers, remplissant des seaux qu’elles portent sur la tête avec une grâce fatiguée. « C’est ici que la terre pleure du sel », nous confie l’une d’elles, son visage luisant sous un foulard coloré. Nous les suivons jusqu’à des étendues de boue étalées en couches minces sur des bâches, où le mélange sèche au soleil, craquelé comme une peau ancienne.

Plus tard, elles versent cette boue desséchée dans des cuvettes tapissées de moustiquaires, et nous aidons à arroser le tout avec de l’eau douce. Le liquide trouble s’écoule lentement, charriant des brindilles et des coquillages brisés, tandis que le sel se dissout dans l’eau filtrée. Pour vérifier sa force, une femme plonge un fruit de palmier ridé dans le seau : il danse à la surface, preuve que la mer a légué assez de son souffle salé.

« Si ça coule, c’est qu’on a raté le cœur de la mangrove »,

explique-t-elle en riant, avant de diriger le mélange vers d’énormes chaudrons noircis.

Autour des feux à trois foyers — un pour la terre, un pour l’eau, un pour le ciel —, nous observons l’eau frémir jusqu’à ce qu’une écume blanchâtre nappe la surface.

Les femmes écument cette mousse avec des louches rouillées, geste précis hérité de leurs mères. « C’est ça qui donne au sel sa couleur de lune », murmure une doyenne, ses yeux plissés fixant les flammes.

Une fois l’évaporation achevée, elles grattent les cristaux restants, qu’elles étalent sur des nattes en fibres de coco. Le sel final, granuleux et légèrement gris, sent l’iode et la sueur, empreinte indélébile de ce labeur.

Nous repartons avec la peau picotée par le sel et le vent, emportant dans nos paumes quelques grains offerts.

Ces femmes, dos au monde moderne, ont fait de la mangrove leur alliée intime.

Leurs rires crépitent comme le feu sous les chaudrons, tandis que la marée montante efface nos traces, prête à redonner demain, et après-demain, ce sel qui unit les vivants et les morts dans chaque plat partagé.

Conclusion : un voyage entre mémoire et nature au oceur de la Réserve de Biosphère de la Bouche du Roy

De la Bouche du Roy à l’Île au Sel, cette excursion révèle comment histoire, écologie et culture s’entremêlent sur le Mono. Les palétuviers, gardiens silencieux du passé et garants de l’avenir, rappellent l’urgence de protéger ces paysages où chaque racine, chaque goutte d’eau, raconte une histoire.

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